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Argentine: Les contradictions de Macri

8 Avril 2016, 18:36pm

Publié par Bolivar Infos

IL y a à peine trois ans, en 2013, j’ai été invité à présenter l’un de mes livres à la Foire internationale de Buenos Aires. J’ai assisté, avec d’autres écrivains cubains, à l’inauguration du Festival de poésie qui avait lieu au même endroit.

Auteur: Enrique Ubieta Gómez* | internet@granma.cu

7 avril 2016 10:04:56

Mauricio Macri, le nouveau président argentin, est présenté par le gouvernement des États-Unis comme un exemple pour les autres pays d’Amérique latine.

IL y a à peine trois ans, en 2013, j’ai été invité à présenter l’un de mes livres à la Foire internationale de Buenos Aires. J’ai assisté, avec d’autres écrivains cubains, à l’inauguration du Festival de poésie qui avait lieu au même endroit. Les paroles d’ouverture ont été prononcées par un représentant du gouvernement de la capitale argentine, que présidait à l’époque Mauricio Macri. À peine avait-il commencé ses propres louanges que quelques acteurs qui portaient des blouses blanches « ensanglantées » l’interrompirent et l’insultèrent : quelques semaines plus tôt, la police du gouvernement de la capitale avait tiré contre les médecins et les infirmiers qui manifestaient à l’hôpital Borda, faisant 32 blessés. Est-ce de la poésie ? demandaient-ils. Le ministre n’a pas pu continuer son discours.

Ce fut la première image que j’ai eu de l’actuel président argentin. Bien que sa victoire électorale ait été très disputée, il a débuté son mandat avec 29 décrets présidentiels qui tournaient le dos aux politiques sociales, de démocratisation ou de souveraineté nationale de sa prédécesseure, avant même que le parlement, majoritairement dans l’opposition, ne se réunisse. Ses nouvelles politiques ont eu un effet immédiat : le licenciement de 100 000 fonctionnaires et une hausse de l’inflation de 13,1 %.

Néanmoins, l’une de ses premières déclarations en politique étrangère fut la demande d’exclusion du Venezuela du Marché commun du Sud (Mercosur), une position sur laquelle il a dû faire marche arrière, devant l’absence de soutien des autres membres. Il n’a pas hésité à demander la libération de Leopoldo Lopez, instigateur d’actes violents dans la République sœur bolivarienne, qui ont occasionné la mort de 43 personnes, et par contre, il a demandé l’ouverture d’une enquête judiciaire contre Hebe de Bonafini pour « incitation à la violence publique » et « atteinte contre l’ordre public ». En effet, la présidente des Mères de la place de Mai avait appelé à reprendre les manifestations devant la Maison Rose. Milagros Sala, indigène de Jujuy et leader syndicale a été emprisonnée, car elle représente une véritable force populaire dans une région très pauvre, après avoir organisé un « campement » en rejet d’une politique spécifique de l’exécutif provincial, sans compter que d’autres accusations ont été inventées. Macri autorise – comme il le faisait pendant ses années de présidence de gouverneur de Buenos Aires – l’usage d’armes à feu pour réprimer les manifestations pacifiques.

Or, dans une interview accordée à La Nation, quelques jours avant l’arrivée du président Obama en Argentine, Macri avait déclaré imperturbable que, lors d’un prochain voyage à Cuba, il signalerait aux autorités la violation des droits humains dans l’Île. Je doute qu’il fasse référence aux prisonniers qui sont détenus sans inculpation ni procédure judiciaire et soumis à la torture dans la Base navale de Guantanamo.

Mais l’enthousiasme de Macri a redoublé en présence d’Obama – lorsque évoquant en conférence de presse l’aide apportée par les États-Unis à la dictature argentine responsable des centaines de morts et de disparus, il a utilisé le même concept d’évaluation pour faire référence, comme il a l’habitude de le faire, au blocus ou aux politiques agressives contre la Révolution cubaine, et déclaré que cette politique avait échoué et s’était avérée inefficace, citant en exemple du changement son voyage à Cuba. Macri a voulu exprimer son soutien à ce voyage en « termes américains » : « Ce fut un “great progress”, car des portes ont été ouvertes, des outils ont été donnés à ceux qui veulent de nouveau choisir. Et il s’est exprimé en tant que président des États-Unis sans renoncer à aucun des drapeaux en lesquels nous croyons tous, ceux qui vivent aux États-Unis et en Argentine, qui est le drapeau de la liberté, afin que chaque Cubain puisse ce qu’il va faire pour son avenir. Cette étape a accéléré le débat. C’est ce dont nous avons besoin, d’accélérer le débat et que cette jeunesse cubaine qui réclame une plus grande liberté aie des partenaires dans le monde entier. »

L’ingérence de Macri est ridicule. La première condition pour la liberté est la connaissance : les jeunes Cubains peuvent choisir ce qu’ils seront ou ce qu’ils feront dans la vie, parce que l’éducation et la santé leur sont assurées, parce qu’ils peuvent et sont encouragés par leur gouvernement à prendre en main le destin de leur pays. Mais Macri ne connaît pas Cuba. Je crois que son enthousiasme ne lui permet pas de comprendre que Cuba change pour construire – et c’est le mot qui convient dans ce cas – un socialisme plus effectif, qui est la voie choisie par son peuple.

Depuis l’Argentine, le photographe cubain Kaloian Santos suivait la visite d’Obama à travers les photos de ses collègues à La Havane, et il attendait son arrivée à Buenos Aires pour faire les siennes. Mais il a écrit sur Facebook :

Le président s’est montré sous son meilleur angle à La Havane. Et même, en plein romantisme sous la pluie, ils ont pu faire des photos. Vues ces circonstances, je me suis frotté les mains et je me suis dit : « Je l’attends relax à Buenos Aires ». Mais Obama a vu l’Argentine à travers les vitres de sa Bête. Et les Argentins n’en pouvaient plus d’une telle débauche de dispositifs de sécurité (à tel point que les communications téléphoniques ont été bloquées dans le secteur).

Pour voir son visage, il fallait regarder la télévision. En direct, on pouvait seulement voir les services de sécurité du gouvernement officiel. Dès le petit jour, les environs de la Maison Rose ont été fermés. Et l’invité est pratiquement entré dans le hall du palais présidentiel dans sa Bête (…) Il est entré dans la cathédrale par une rue latérale. Avec la Bête et toute sa suite, il est entré sous un chapiteau et de là dans l’église. Enfin… comme Cuba et les Cubains sont grands ! Le gars, pas même un moustique n’a pu le piquer (…). Mais la performance du voyage à Cuba est finie. Il est arrivé en Argentine dans une ville blindée. Les médias ont déversé des banalités comme le cadeau offert par Antonia, la fille de Macri aux filles de Michelle et d’Obama.

Obama dit que Macri est un exemple pour d’autres pays d’Amérique latine. Il semble que c’est un exemple de ce que nous ne devons ni être ni faire.

http://fr.granma.cu/mundo/2016-04-07/les-contradictions-de-macri