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Amérique Latine : Un nouveau siège

2 Juillet 2016, 17:00pm

Publié par Bolivar Infos

Par Lucas José Fullana (Telesur, 28 juin 2016) -

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

Le vieux siège

Début des années 70, Argentine – Le Général Perón rentrait chez lui après plus de 17 ans d'exil pendant lesquels il avait dû se déplacer de pays en pays dans diverses régions du monde, échappant souvent à des tentatives d'assassinat, voyant la façon dont était dévastée sa Bonne Patrie. Sa vision géopolitique large, digne d'un grand homme d'Etat, lui montrait une Amérique du Sud parcourue par de nouveaux courants anti-impérialistes qui aideraient à faire avancer son projet National et Populaire en Argentine. Juan María Bordaberry en Uruguay (jusqu'à son propre Coup d'Etat de 73), Velazco Alvarado au Pérou, Juan José Torres en Bolivie et Echeverría au Mexique étaient des présidents qui étaient d'accord avec le Général Perón sur la nécessité d'une politique américaniste pour affronter l'impérialisme. A l'extrême de cette position se trouvaient Allende au Chili, Torrijos au Panamá et Castro à Cuba avec qui le Général en personne avait développé une relation très proche.

Perón rentrait au pays avec l'intention de se consacrer à l'Unité Latino-américaine avec les leaders nationaux, reprenant cette vieille idée de l'ABC qu'il avait commencé à tisser avec Ibáñez du Chili et Vargas au Brésil et de laisser la conduite du pays en d'autres mains amies. Les faits qui sont survenus sur le terrain intérieur « ont obligé » Perón à se mettre sur les épaules une tâche trop lourde pour son âge et pour son état de santé précaire.

D'un autre côté, la situation du front extérieur avait changé de façon drastique. L'impérialisme yankee avait porté un coup aux pays voisins, faisant tomber les gouvernements teintés de nationalisme l'un après l'autre. Roberto Perdía, militant de la Jeunesse Péroniste et témoin de cette époque se souvient :

« Il ne restait presque rien de ce Perón que – quelques mois auparavant – on imaginait prenant la tête, depuis l'Amérique du Sud, de la libération et de l'unité latino-américaines (…) La corrélation des forces et des perspectives du Cône Sud, au début de 73, semblaient lui donner raison. Il a été trop « imprévu » que tous les pays du Cône Sud, subissent en si peu de temps, une évolution aussi drastique et identique. Tout semble indiquer qu'il y a eu une puissante stratégie qui poussait dans la direction de mettre fin aux tentatives pour avancer vers une plus grande autonomie et une plus grande indépendance de la région. Cela nous semblait être ainsi alors. Malheureusement, le temps a corroboré cette thèse. Des années plus tard sont apparues les preuves de l'intervention de la CIA états-unienne dans le renversement d'Allende. »

Ce que certains historiens ont appelé un siège ou un cercle de fer commençait à se tisser autour de l'Argentine, directement commandé par les consortium états-uniens, essentiellement mis en œuvre par la CIA et les ambassades yankees dans les divers pays. L'Argentine était entourée par des pays au service de l'impérialisme et le rêve de l'Union Latino-américaine était à nouveau blessé à mort. Sur le rôle des Etats-Unis, le Général Perón dira :

« Ceux qui affirment qu'en ce qui concerne les Etats-Unis, nous vivons une période de calme se trompent. Qu'est-ce que c'est que ce calme quand ils font toutes sortes d'activités secrètes, ils corrompent des hommes politiques et des fonctionnaires du gouvernement, assassinent des hommes politiques, se livrent à des actes de sabotage, organisent le marché noir et la pénétration dans toutes les sphères de la vie politique, économique et sociale ? (…) Nous sommes bien informés sur les activités de l'impérialisme dans le renversement des gouvernements démocratiques du Brésil, du Chili, de la Bolivie, de l'Uruguay et d'autres pays. »

La Doctrine Monroe de 1823, avec sa célèbre phrase : « L'Amérique aux Américains » était actualisée dans la Doctrine de Sécurité Nationale et les coups d'Etat dont les dictatures respectives couvrirent de sang notre sol dans les années 70 et 80.

Un nouveau siège

Actuellement, notre attention est à nouveau attirée sur la façon dont un à un, nos pays sont attaqués par des intérêts étrangers. Après plus d'une décennie de gouvernements nationaux et populaires, il semblerait que l'oeil de l'impérialisme se fixe à nouveau sur son « arrière cour ». Le nouveau siège qu'on cherche à instaurer dans la région a de nombreux aspects identiques à l'ancien mais il présente aussi des nouveautés que nous devons observer.

La principale différence par rapport au siège des années 70, c'est l'utilisation d'outils démocratiques, essentiellement des élections. Malgré certaines exceptions (Venezuela 2002 ou Equateur 2010), il y a un consensus quasi unanime sur la nécessité de régler les questions dans les urnes, démocratiquement. Les autres outils démocratiques utilisés sont ce qu'on appelle « les coups d'Etat doux » qui ont été utilisés au Honduras pour destituer le Président Manuel Zelaya en 2009, au Paraguay pour destituer Fernando Lugo en 2012 et plus récemment pour destituer Dilma Roussef au Brésil.

Le consensus dans l'aile droite de l'Amérique se voit aussi dans les différents outils utilisés pour remplacer les gouvernements Nationaux des 10 dernières années. Les 2 principaux outils sont les Médias et la Corporation Judiciaire avec l'ombre des Services de Renseignement locaux et extérieurs jouant énormément. Les 2 secteurs ont été envahis par des structures au service du pouvoir économique à partir de l'ancien siège des années 70 jusqu'au début du XXI° siècle puisque la propriété des médias et la pérénisation des charges judiciaires le permettent. Des médias qui ont le monopole installent un ordre du jour et influencent l'opinion publique et des Juges qui prennent des gants et agissent en fonction de ces intérêts. Cette combinaison se traduit dans la démocratie médiatisée dans laquelle nous vivons aujourd'hui.

D'un autre côté, le discours de ce secteur qui veut reprendre le pouvoir dans la région tourne autour de 2 aspects : d'un côté, une reconnaissance de certains droits acquis ces dernières années, des avancées en matière sociale et une ouverture à de nouveaux secteurs de la société. De l'autre côté, son discours tourne autour du respect de l'institutionnalité, taxant d'autoritaires les Gouvernements nationaux et prétendant qu'ils ont la corruption comme principal fléau.

Tout le monde a pu voir au grand jour les opérations politiques, économiques, médiatiques et judiciaires sur le processus politiques dans ces 10 dernières années qui ont gouverné la région dans la plupart des cas. Les résultats électoraux qui ont été obtenus des derniers temps nous montrent que, outre les erreurs, les avancées et les reculs de ce processus, une nouvelle époque politique apparaît à l'horizon de la région. « Le vieux pays veut revenir et tous vont le politiser. Vous, vous devez conserver votre confiance en votre gouvernement . Nous, nous devons nous sacrifier beaucoup plus à cause de ce vieux pays qui veut revenir,» a dit Rafael Correa le 10 février dernier.

Actualité, perspectives et avenir

Les 2 pays les plus importants du Cône Sud l'Argentine et le Brésil gouvernés par des partis de droite, le Venezuela dans une situation économique et sociale compliquée, victime d'une guerre sale de la part des Etats-Unis, avec une dure défaite aux élections législatives en décembre 2015, la défaite au début de l'année d'Evo Morales qui n'a pas pu obtenir une majorité au referendum dont le but était de l'autoriser à se présenter une nouvelle fois aux élections, l'Equateur supportant des attaques et des opérations de plus en plus dures, sont les signes d'un changement d'époque dans la région.

Mais cette nouvelle réalité, même si elle nous semble défavorable, nous trouve dans une situation différente. Bien sûr, ça fait mal de perdre, bien sûr, ça fait mal de voir nos droits violés, bien sûr, ça fait mal de voir ceux qui viennent piller ces terres depuis 500 ans commander encore une fois le vol organisé. Mais nous devons être suffisamment intelligents pour analyser cette situation et choisir de nouvelles stratégies qui nous amènent à nouveau au Pouvoir. Nous devons faire une autocritique pour analyser nos limites, les erreurs économiques et politiques que nous avons faites mais surtout prendre soin de tout le capital symbolique, social et d'organisation que nous avons pu construire et le protéger .

(…)

Source en espagnol :

http://www.telesurtv.net/imreporter/Un-nuevo-cerco-se-construye-sobre-nuestra-America-Latina-20160628-0013.html

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2016/07/amerique-latine-un-nouveau-siege.html