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Venezuela: DROIT DE REPONSE A "LES ECHOS"par Hector Michel Mujica Ricardo , Ambassadeur de la République Bolivarienne du Venezuela en France

4 Janvier 2017, 16:14pm

Publié par Bolivar Infos

 

Lundi 5 décembre le journal « Les Echos » a publié un article intitulé « Le Mercosur suspend le Venezuela, victime de son idéologie ». En lisant le titre de cet article écrit par Hervé Guyader (Président du Comité français pour les droits du Commerce international), on pouvait penser qu’on allait lire une analyse technico-juridique étayant les raisons ou les arguments de la mesure prise par les pays « fondateurs » du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) à l’encontre de l’appartenance du Venezuela à l’Organisation.

Comme nous pouvions l’attendre d’un non spécialiste dans la matière, nous avons dû constater avec tristesse qu’aucune explication n’était donnée. L’article montre une incapacité profondément enracinée à analyser et interpréter l’objet de sa réflexion. Ce que nous avons lu, c’est un ensemble d’imprécisions et d’ambigüités. Ses positions de départ sont « contaminées » par un excès d’a priori. Dommage, mais c’est toujours pareil : attaques éhontées, sans aucun souci d’éthique ou d’honnêteté intellectuelle, contre la Révolution bolivarienne et le processus complexe, difficile et longuement souhaité de création de la « Grande Patrie » en Amérique Latine et dans les Caraïbes.

Dans l’article figurent également des qualificatifs offensants envers l’Etat vénézuélien et envers de grandes figures de notre histoire. Je n’ai peut-être pas le droit de l’exprimer, mais comme le rappelait Ignacio Ramonet dans un article récent : « Voltaire a défini la tolérance comme suit: « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ». J’espère que ce principe élémentaire sera respecté et en ma qualité d’Ambassadeur de la République bolivarienne du Venezuela en France, j’appelle à la déontologie journalistique pour demander très respectueusement qu’il me soit permis d’apporter des considérations visant à montrer les imprécisions et les manipulations exposées dans l’article de M. Guyader.


La rédaction de l’article, biaisée et tendancieuse, est en elle-même préoccupante, car elle affirme que la suspension illégale et illégitime par les Etats fondateurs du MERCOSUR se base sur le fait que le Venezuela n’aurait pas « respecté ses engagements, dont la libre circulation des marchandises et la clause démocratique ». Je me permets de vous signaler que cette affirmation est absolument fausse.

Il est facile de vérifier dans la presse internationale que les déclarations des fonctionnaires des Etats fondateurs faisaient référence de façon générique, à un non-respect présumé par le Venezuela de l’adéquation aux règles du MERCOSUR. Les représentants des pays fondateurs ne se sont jamais prononcés officiellement sur le non-respect auquel se réfère M. Guyader. A partir de cette généralité, ambigüe et tendancieuse, non démontrée par les faits, plusieurs agences de presses et des médias se sont fait l'écho d’une information fausse et manipulée qui cherche à discréditer mon pays auprès de l’opinion publique internationale. Ce comportement ne nous étonne plus dans une époque où prévaut l’action du Big Brother médiatique visant au formatage des cerveaux et à l’annulation de l’esprit critique dans les médias et dans l’opinion publique.

Dans ce sens, l’Ambassade tient à apporter les précisions suivantes:

  1. La République Bolivarienne du Venezuela a été accusée par des personnalités politiques des Etats fondateurs du MERCOSUR de ne pas avoir intégré les accords du l’Organisation régionale, ce qui est absolument faux.

  2. Il faut souligner que depuis son adhésion à l’Organisation, en 2012, le taux d’adéquation du Venezuela au règlement est de 95%, ce qui représente un taux d’incorporation règlementaire nettement supérieur, dans une période de seulement quatre (4) ans, à celui des autres Etats membres de l’Organisation depuis vingt-cinq (25) ans.

  3. Ces déclarations sont des attaques qui s’inscrivent dans le cadre de la méprisable campagne internationale qui prétend agresser et assiéger le Venezuela sur tous les fronts : politique, économique et social.

  4. Dans le domaine juridique, il est important de préciser qu’il n’existe aucune règle dans le MERCOSUR qui permette d’appliquer une sanction à l’encontre du Venezuela pour un retard dans l’adéquation règlementaire ou commerciale. Il faut également rappeler que le Protocole d’adhésion du Venezuela prévoit qu’il se déroulera sur les principes « d’équilibre, de flexibilité et de progressivité ».

  5. La seule sanction prévue dans le règlement du MERCOSUR à l’encontre d’un des Etats Membres se trouve dans la clause démocratique du Protocole d’USUHAIA, qui, depuis son existence, a été appliqué une seule fois, au Paraguay, en 2012. Cette clause, dont le fondement juridique est la protection de l’Etat de Droit dans les Etats Membres, n’a jamais été invoquée à l’encontre du Venezuela, justement en raison de la carence absolue d’éléments vérifiables pour son application.

Ces arguments sont facilement vérifiables si l’on souhaite faire une analyse sérieuse, rigoureuse, cohérente et rationnelle sur l’appartenance du Venezuela au MERCOSUR, comme on peut l’espérer d’un profane en la matière. Espérons que dans une analyse future l’auteur observera, par exemple, que vingt-cinq ans après la fondation de l’Organisation, l’Argentine n’a incorporé dans sa législation intérieure que 37% des règles du MERCOSUR ; le Brésil en a incorporé 42,22%, le Paraguay 38,12% et l’Uruguay 42%.

Il est étonnant que le Président du Comité Français pour les droits du Commerce international ait négligé dans son analyse que la suspension arbitraire du Venezuela du MERCOSUR n’a pas respecté les règles du Droit international public qui préconisent, en cas de différend, l’activation des mécanismes de conciliation pour la solution de controverses comme étape préalable à tout contentieux judiciaire. Aucun de ces mécanismes n’a été respecté par le Etats « fondateurs » du MERCOSUR, ce qui montre l’illégalité et l’illégitimité d’une décision qui ne peut avoir d’autre justification que des motivations politiques, en violation manifeste de l’institutionnalité et de la légalité de l’Organisation.

M. Guyader utilise des qualificatifs péjoratifs, offensants et inacceptables pour se référer à l’ancien Président Hugo Chavez et à la figure historique toujours en vigueur de Simon Bolívar, qu’il qualifie de « dictateur ». Il est vrai que, vu le manque de précision, nous n’arrivons pas à savoir qui de Bolívar ou de Chavez est qualifié de dictateur dans l’article. Peu importe, ce n’est pas la première fois que nous faisons face à des attaque perfides et infondées. Cependant, il faudrait rappeler à M. Guyader que s’il s’agit de Chavez, ce « dictateur » a été à l’origine d’un profond processus démocratique progressiste au Venezuela, avec le soutien massif du peuple vénézuélien qui s’est traduit par dix-sept (17) victoires électorales sur les dix-huit (18) consultations qui se sont tenues au Venezuela pendant plus d’une décennie.

Il est certain que Le Venezuela affronte des problèmes sérieux économiques et de redéfinition de son modèle de production. Nous ne le nions pas. Mais il est important de souligner qu’une grande partie de ces problèmes a un caractère conjoncturel, notamment en raison de la chute sensible des revenus du pétrole et de la guerre économique menée par des acteurs internes et étrangers qui cherchent non seulement un changement de gouvernement au Venezuela, mais un changement du modèle démocratique, de participation populaire et citoyenne qui fait l’originalité du projet bolivarien, en cherchant l’asphyxie de l’économie nationale et la destruction de processus inédits d’intégration en œuvre dans Notre Amérique depuis deux décennies, pour surmonter les asymétries, créer des complémentarités et renforcer l’inclusion sociale: l’Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique (ALBA), la Communauté des Etats Latino-américains et des Caraïbes (CELAC), Petrocaribe, l’Union des Nations du Sud (UNASUR) et le renforcement du MERCOSUR.

Je ne prétends pas en ces quelques lignes débattre avec M. Guyader, un auteur reconnu, fervent défenseur des politiques de flexibilisation économique donc néolibérales. Il a bien entendu le droit de penser comme il l’entend. Je n’aspire qu’à lui montrer que son avis sur les relations du Venezuela avec le MERCOSUR manque de fondement (éthique et légal), présente des imprécisions et s’inscrit de toute évidence dans une ligne informative qui cherche à donner une vision déformée de la réalité vénézuélienne. Je finirai en lui rappelant la parabole bien connue : Avant de chercher la paille dans l’œil de l’autre, commençons par retirer la poutre qui est dans notre œil.

Nous, les Vénézuéliens, poursuivrons notre projet : éradiquer la pauvreté, créer plus de démocratie et une démocratie meilleure, construire plus d’écoles, d’universités, d’espaces culturels, de logements dignes, créer et renforcer des espaces régionaux plus vastes et inclusifs, dans le cadre du respect du droit international et de notre souveraineté.

En vous remerciant de me permettre d’exprimer notre point de vue, veuillez agréer, Monsieur, les assurances de ma considération distinguée

 

Hector Michel Mujica Ricardo

Ambassadeur de la République Bolivarienne du Venezuela en France et auprès des Principautés d’Andorre et de Monaco.

 

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