Equateur : Lasso dit qu'il créera 1 million d'emplois. Sachez comment avant de voter
Un des avantages électoraux de la droite patronale de la région a été sa capacité à transporter ses connaissances en marketing dans le monde de la politique.
Cela lui donne un important avantage sur les partis progressistes qui, avec assez d'innocence, méprisent cette technique, a percevant comme de vrais artifices pour tromper les électeurs essentiellement parce qu'ils n'en ont pas besoin à cause du charisme naturel de dirigeants comme Correa, Chávez, Evo, Lula, Néstor et Cristina. Dans cette étape de succession, sans le charisme des dirigeants d'origine, le progressisme devra nécessairement utiliser les mêmes cartes que la droite en pariant sur le long terme pour changer les règles du jeu qui font que la démocratie, en tant qu'instrument de représentation de la majorité, est tellement perméable à la tromperie et au mensonge électoral.
De même que dans le marketing commercial, le marketing politique peut s'appuyer sur les attributs réels des candidats et sur leurs propositions ou être une vraie tromperie. Dans la campagne équatorienne, le recours le plus notoire au marketing a été la proposition du banquier Guillermo Lasso de « créer 1 000 000 d'emplois en 4 ans. » Le slogan est très attractif et a pénétré profondément les Equatoriens qui perçoivent le chômage comme le principal problème du pays.
L'intention de cet article est de contribuer à savoir si cette proposition est une vraie ressource du marketing ou si elle peut être accomplie. Nous avons pour cela un outil simple de l’analyse économique qui se base sur l'idée que la croissance de l'emploi est liée à la croissance économique (dans le jardon technique, cela s'appelle élasticité emploi-produit). Selon la Revue de la CEPAL pour chaque 1% de croissance du PIB dans la région, l'emploi croîtra en moyenne 0,33%. Un chiffre semblable aux 0,43% que l’Équateur a enregistré pendant la période de croissance rapide 2007-2014. Alors, bon, créer 1 million d'emplois implique que pendant les 4 ans, l'emploi devrait croître au rythme de 3,2% par an. Cela ne semble pas être un fort taux de croissance mais c'est un fort taux accumulé si nous tenons compte de la période de 4 ans. En tenant compte de la croissance qu'implique la promesse de Lasso et de la relation emploi-produit que nous avons signalée, le PIB devrait augmenter de 7.5% à 10% par an.
Cette croissance de l'économie que Lasso nous propose implicitement est-elle possible ? Voyons quelques chiffres de comparaison. Entre 1965 et 2007, le PIB en Equateur a augmenté en moyenne de 3.9% par an. Entre 2007 et 2014, les meilleures années de Correa, la croissance moyenne a été de 4.7%. Sur 4 périodes seulement (1973, 1974, 1975 et 2004, toutes des périodes de prospérité pétrolière), le PIB a augmenté de plus de 7.5%. De plus, dans la même plateforme électorale du banquier, on parle d'atteindre des taux de croissance du PIB de 5% à 6% par an. Correa a eu besoin de 7 ans pour arriver à une croissance de l'emploi « officiel » d'1 million de points (mais sur la même période 2007-2014, l'emploi non officiel n’a pas augmenté). Nous devons tenir compte du fait que Lasso propose de réduire les barrières du commerce international ainsi que les sauvegardes et que toutes les preuves internationales (voir le même rapport de la Revue de CEPAL) nous montre que cela détruira des emplois au lieu d'en créer.
A la lumière de ces données, il est hautement improbable que Lasso puisse tenir sa promesse, encore moins si on tient compte que le marché n'est pas près de profiter d'un boom des prix celui des années 70.
Mais Lasso compte sur un outil pour tenir sa promesse : la réduction des salaires. L'article de la Revue de CEPAL déjà cité montre que dans la région, on observe que, pour chaque 1% de baisse de salaire, l'emploi pourrait augmenter de 0.05% à 0.11%. Cela signifie que pour que l'emploi total augmente des 3.2% par an que promet Lasso, le salaire des Equatoriens devrait baisser de 30% à 60%, ce qu'il ne pourrait atteindre que par la flexibilisation et en permettant l'engagement illégal de travailleurs. La même stratégie est employée par Macri en Argentine où pendant sa première année de Gouvernement, les salaires réels ont baissé de 10%.
La technique du marketing consiste à détacher ce qui est positif et à occulter ce qui est négatif. C'est ce qui arrive avec le proposition du million d'emplois. En appliquant cette technique, ils occultent qu'ils devront baisser les salaires parce que... qui voterait pour Lasso, sachant qu'il baissera les salaires comme Macri le fait en Argentine ? C'est ça, la véritable fraude électorale de sa campagne.
En définitive, cette analyse permet de conclure que Lasso pourra tenir sa promesse de créer 1 million d'emplois mais probablement, les Equatoriens et les Equatoriennes ne seraient pas très reconnaissants s'il y arrivait.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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