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Argentine : Pourquoi la droite s'impose alors que les faits devraient appeler à voter à gauche

24 Octobre 2017, 15:23pm

Publié par Bolivar Infos

Argentine : Pourquoi la droite s'impose alors que les faits devraient appeler à voter à gauche

 

Par Luz Mercade, Resumen Latinoamericano, 23 octobre 2017

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

devant les élections des députés et des sénateurs d'hier, nous avons été nombreux à nous taper la tête contre le téléviseur, le smartphone ou tout autre objet qui montrait à nouveau le triomphe de la droite face à une réalité des faits qui montre l'échec retentissant du parti au pouvoir et de ses promesses de joie et de printemps toute l'année. On pourrait se demander, comme dans le vieux mythe populaire, pourquoi les gens pensent qu'il y a du soleil quand il est évident qu'il pleut.

 

D'abord, comme l'a signalé Víctor Hugo Morales, cette fois on ne peut pas parler de « vote trompé » puisque les mesures continuelles d'ajustement ont été annoncées, en commençant par l'essence qui augmente de 10% aujourd'hui. On reconnaît aussi que ce triomphe jaune, où le fameux mot « ce qui obscurcit n'éclaire pas » n'a évidemment aucun effet, se produit dans différents pays au niveau géopolitique et ceux qui se sont imposés hier sont les mêmes qui s'imposent en en Palestine ou au Pérou ou etc...: les grandes multinationales et leurs capitaux transnationaux. Il vient immédiatement à l'idée, en pensant à notre pays, le Groupe Benetton, patron, pourrions-nous dire, de presque toute la Patagonie. Et il vient parce que nous avons (oui, l'affaire n'est pas close) un camarade mort pour avoir affronté ce groupe dont le titre continue d'être la disparition forcée. Bon, c'est une excellent exemple de la façon dont opèrent symboliquement ces multinationales puisqu'elles possèdent les moyens de produire des éléments subjectifs dans cette époque postmoderne : les médias. Revenons à l'exemple. On dit, 2 jours avant les élections, que la cause de la mort ne peut être établie avant 2 semaines (qu'on pense ou non que ces résultats seront véridiques) et même, comme le dit Clarín, que Santiago Maldonado s'est noyé (?). Oui, dans 1 mètre et demi d'eau après qu'il ait été rendu public que les appels téléphoniques de Movistar ont été effacés, que plusieurs témoins aient vu comment la gendarmerie a emmené Santiago, que les camionnettes ont été lavées, qu'il y ait des vidéos impliquant l'action de la gendarmerie qui est directement sous les ordres du Gouvernement National, après qu'on ait appris que la zone avait été ratissée 3 fois, etc... Non, il semble qu'il fait soleil en Argentine et que le « pauvre gosse » s'est noyé. Mais ce qui est intéressant à analyser, c'est l'esprit schizophrène de la plupart de la société, ce n'est pas s'il s'est noyé ou non (bien que nous puissions supposé que cette noyade a été le produit d'une violente répression pour défendre les intérêts du Groupe Benetton) mais que les gens prennent pour un fait quelque chose que la réalité dément. Salit, « on ne peut établir aucune cause de mort. » Quelqu'un écoute ?

 

Dans ce contexte où les médias gagent contre toute logique et contre le principe de réalité , le résultat du kirchnérisme est en vérité une réussite puisque de gauche ou non, péronisme ou non, keynésianisme ou non, il est de notoriété publique qu'ils ne possèdent pas les moyens de production les plus forts, qui, comme nous le disions, sont ceux de la communication. On pourrait dire la même chose du FIT qui commence à monter sur la scène nationale sans posséder non plus ces médias. Mais pour en revenir au kirchnérisme, puisque malheureusement et clairement, le socialisme ne commence pas aujourd'hui en Argentine, pourquoi les gens sortent-ils dans la rue et continuent-ils à penser qu'il fait soleil ? La couverture médiatique la plus en faveur de ce mouvement social parle d'un imaginaire collectif dans lequel les choses vont être (comment?) meilleures mais que bon, il faut avoir de la patience. Ils pensent peut-être qua la patience est fille du succès et en ce sens, restent cohérents. Mais le problème, pour ceux d'entre nous qui se sont tapés la tête contre un objet, ne devrait pas s'achever là. Parce que ce que dit aussi le kirchnérisme et ses électeurs, soit parce qu'ils ont soutenu ce vote avec une véritable conviction dans la façon d'arriver à un monde meilleur, ou pour ceux d'entre nous qui avons vu, du dehors, que c'est plus que pleuvoir, c'est une tempête avec des éclairs et des tonnerres qu'il faut arrêter du mieux qu'on peut. En ce qui concerne les médias, l'ex-présidente a été fortement stigmatisée, dénigrée, insultée, etc... etc... Elle souligne elle-même dans son discours de cette nuit qu'il n'y a pas eu de précédent de cela depuis le retour de la démocratie. Mais elle ajoute quelque chose de très important : il ne faut pas faire d'individualisme. Ca, on le dit à un auditoire qui la soutient beaucoup ou peu, dans le sens de construire ce que le kirchnérisme se propose en ce moment : le projet, l'unité. Rien de Cristina la sauveuse, pourrions-nous mettre en sous-titre de ces paroles mais on parie sur l'union et sur le projet politique.

 

Mais ce qui n'est pas pris en compte, c'est la stigmatisation et la discrimination de celui qui vote pour Cristina qui, il faut le souligner, paradoxalement est impersonnel. Nous avons vu sur l'écran notre pays peint en jaune et on vit ainsi. Elle, c'est la « conne », « la vieille bique » et nous, si nous disons que nous votons pour elle, nous sommes les intellectuels stupides ou les nègres de merde, souvent dépendants de la classe sociale qui te juge. Parce que bien sûr, tout le pouvoir de suggestion du Gouvernement National se concentre sur la représentation identitaire toutes les classes sociales. Voter Macri c'est se défendre contre la discrimination qui n'a pas été dirigée seulement contre l'ex-présidente. C'est dire « Moi, je ne suis pas un voleur », «moi, je ne suis pas un imbécile », « moi, je ne suis pas noir », « je ne suis pas quelqu'un qui profite des plans sociaux», « je ne suis pas quelqu'un qui va manifester contre un sandwich», etc. Toutes les qualificatifs discriminatoires n'atteignent pas seulement Cristina Fernández de Kirchner mais aussi ses électeurs. C'est pourquoi ces électeurs, pour ne pas être exclus du discours hégémonique, voient le soleil là où il pleut. Quelque chose comme ce que les psychologues appellent le Syndrome de Stockholm dans lequel l'otage tombe amoureux de son geôlier. Mais la pluie est forte, dense. Le pouvoir d'achat de la plupart des Argentins a diminué considérablement. Le gaz a augmenté, l'électricité a augmenté, l'essence a augmenté, tout a augmenté sauf, évidemment, le sens des réalités. C'est comme si, bien qu'on soit plus pauvre, on choisissait la pénurie matérielle au lieu de la pénurie d'inclusion symbolique.

 

C'est le modèle identitaire et psychique que propose le « macriavélisme » (Juan Spinetto, 2017), dans lequel le bien et le mal règnent comme la pluie et le soleil. Et ce qui est en cause, c'est le psychisme de l'électeur qui cherche, sans s'en rendre compte évidemment, à être « comme les autres » c'est sa santé mentale. Mais comme là où il y a du pouvoir, il y a de la résistance, où il y a de la schizophrénie, il y a de la santé mentale. Nous en sommes là. Le pronostic indique que la droite est encore là pour un bon moment. Nous voyons la pluie mais ne nous sommes pas rendus et espérons voir le soleil, celui qui brille, vraiment jaune.

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

Source en espagnol :

http://www.resumenlatinoamericano.org/2017/10/23/opinion-por-que-se-impone-nuevamente-la-derecha-frente-a-hechos-que-debieran-llamar-a-votar-a-la-izquierda-cronicas-de-un-psiquismo-endeudado/

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