Venezuela : Que cherche Luis Almagro en installant un Tribunal Suprême de Justice parallèle à l'OEA ?
L'installation de ce tribunal a été qualifié par le président du Tribunal Suprême de Justice du Venezuela, Maikel Moreno, de « tentative de coup d'Etat judiciaire » et d'action illégale qui contrevient aux procédures juridiques internationales.
Ce vendredi, Salon des Amériques de l'Organisation des Etats Américains (OEA) était bizarre : pas un seul drapeau des pays membres n'a été installé et aucune délégation de ces pays n'était présente à la « cérémonie » qui s'est déroulée dans la matinée. Ce n'était pas le pire : pour la première fois, un secrétaire général de cet organisation en ouvrait les portes pour l'installation, qualifiée « d'insolite » par l'agence EFE, d'un Tribunal Suprême de Justice parallèle nommé par l'Assemblée Nationale dans l'illégalité au milieu des protestations violentes de l'opposition vénézuélienne du mois de juillet.
Pendant la cérémonie, on a remarqué la présence des maires en fuite David Smolanksi, Gustavo Marcano et Ramón Muchacho et d’une partie du groupe d'ex-présidents de l'initiative IDEA composé entre autres par Laura Chinchilla, Andrés Pastrana et José María Aznar ainsi que d'une délégation minoritaire de personnalités accusées d'avoir mises en place différentes actions armées au Venezuela, comme l'ex-général Antonio Rivero et l'ex-dirigeant de Volonté Populaire, Carlos Vecchio. Tous au premier rang, assis à la place des représentants des pays de la région absents.
Pendant cette installation, le secrétaire général de l'OEA Luis Almagro, a affirmé que « le TSJ en exil a le devoir d'ouvrir une voie institutionnelle et de donner un sens à la justice dans ce pays. » Ce qui, pour le soi-disant président de ce tribunal, Miguel Ángel Martín, doit être interprété comme « ouvrir un canal humanitaire » et travailler pour les droits de l'homme au Venezuela.
Martín a précisé, par ailleurs, que le TSJ parallèle siègera à l'OEA en Colombie et dans « un bureau privé à Washington. » Quelques heures plus tard, dans la soirée, Almagro a rencontré le secrétaire du Département d'Etat Rex Tillerson, ex-CEO d'ExxonMobil.
Précédents et objectifs
Les précédents les plus récents de cette sorte d'instances parallèles soutenues par l'étranger sont celles des Cosneils Nationaux de Transition de Libye et de Syrie. Dans les 2 cas, le mot transition indique le point de vue de ces 2 instances qui ont été reconnues par la Ligue Arabe, l'organisation régionale équivalent à l'OEA dans le monde arabe musulman, les Etats-Unis et l'Union Européenne, les 2 organisateurs principaux des agressions contre ces pays.
Le formaiton d'un TSJ parallèle à l'OEA est dans cet esprit après que l'Assemblée Nationale après le plébiscite de l'opposition organisé le 16 juillet pour légitimer cette décision, n'ait pas formé de Gouvernement parallèle. Vu de cette façon, le TSJ parallèle devrait justement agir en faveur d'un déplacement progressif des autorités des institutions vénézuéliennes pour finalement aboutir à un changement de régime.
Cependant, sa stratégie est d'être seulement un pivot faible pour les agressions juridiques et diplomatiques contre le pays. Une espèce de figure institutionnelle ad hoc de Luis Almagro pour faire grossir le dossier juridique et diplomatique contre le Venezuela pour épuiser le plus d'instances possibles qui permettent aux Etats-Unis d'utiliser la force sous prétexte qu'il n'y a pas moyen de réorienter le pays vers une « démocratie » par les mécanismes conventionnels, un point de vue adopté par la représentants des Etats-Unis à l' ONU, Nikki Haley.
Le fonctionnement prévu pour ce TSJ
Selon le soi-disant président de cette instance, Miguel Ángel Martín, le travail du tribunal de transition va se focaliser sur « prendre des décisions sur les problèmes du pays comme la crise humanitaire et la crise des institutions. » Partant de là, Martín soutient qu'ils « vont travailler au niveau international grâce à la justice transnationale pour poursuivre les graves violations des droits de l'homme et les crimes contre l'humanité de ceux qui sont membres du régime. »
Selon lui, « l'exécution initiale de ces sentences pourrait ne pas se faire au Venezuela mais à travers la juridiction internationale puisqu'une grande partie des délits dont sont accusés les autorités vénézuéliennes correspondent à cette juridiction parce qu'ils sont en rapport avec le trafic de drogues, le terrorisme, le blanchiment d'argent, la torture ou sont des crimes contre l'humanité. »
Ainsi, ce tribunal parallèle servirait à blanchir des dossiers demandés par le Département d'Etat, des ONG financées par l'appareil des Etats-Unis même et l'ex-procureure Luisa Ortega Díaz, actuellement en fuite et collaboratrice présumée des Etats-Unis elle-même, selon le Miami Herald.
Pour cela, ils utiliseraient l'image de la justice transnationale grâce à la Convention de Palerme sur la Délinquance Organisée pour poursuivre les autorités vénézuéliennes comme membres d'organisations criminelles. Dans ce sens, la fonction évidente du TSJ parallèle est de criminaliser toute la politique du Venezuela pour « comprimer ou limiter les actions du Gouvernement » selon Ramsis Ghazzaoui, un autre des magistrats du TSJ parallèle.
Pour cela, ils essaieraient d'utiliser des sentences expresses du « tribunal en exil » pour justifier la plupart des actions contre le Venezuela conformément à la stratégie de siège et d'asphyxie amplifiée par le paquet de sanctions économiques et financières mises en marche par l’Administration Trump.
Les faiblesses de cette stratégie
Tout cette action a un sens à l'OEA si on tient compte que Luis Almagro fait, avec l'ex-procureur de La Haye, Luis Moreno Ocampo, un dossier de violations de droits de l'homme pour l'amener à la Cour Pénale Internationale (CPI). Evidemment, les magistrats du tribunal parallèle Miguel Ángel Martín et Ramsis Ghazzaoui ont annoncé qu'ils accompagneront cette enquête manichéenne basée sur les témoignages de l'ex-major général Herbert García Plaza en fuite, membre du parti Volonté Populaire de Leopoldo López.
Cette manœuvre est destinée à faire considérer le TSJ parallèle et l'ex-procureure Ortega Díaz comme les pouvoirs publics légitimes du Venezuela pour pouvoir présenter des cas dans ces instances internationales étant donné que seuls les Etats peuvent faire des dossiers dans les juridictions comme la CPI. Cependant, ce sont des processus qui prennent beaucoup de temps, loin de la situation actuelle de siège du pays et sont à la merci de la corrélation des forces au niveau mondial pour forcer une interprétation juridique favorable à cet ordre du jour qui considère comme légitimes ces instances parallèles.
Ce jeu politique semble même soutenu uniquement dans la solitude d' Almagro et des secteurs les plus réactionnaires anti-vénézuéliens comme Marco Rubio et le groupe d'ex-présidents à l'extérieur de la coalition de pays regroupés dans la Déclaration de Lima, absents de cette présentation hors du contexte dans le temps et dans la forme des prochaines élections régionales et des dialogues en République Dominicaine où certains d'entre eux sont près de se transformer en accompagnants internationaux.
Cet isolement apparent par rapport à la réalité politique immédiate est ce qui fait la différence avec la Libye et la Syrie en termes de positionnement médiatique et international. Au point que politiques et diplomatiques finissent par augmenter pour les pays qui prétendent reconnaître le TSJ parallèle comme c'est arrivé avec les diverses offensives destinées à appliquer la Charte Démocratique contre le Venezuela. Comme on l'a démontré, dans l'histoire interventionniste anti-vénézuélienne, souvent on inverse le sens de cette phrase : « si le fleuve résonne, c'est parce qu'il fait rouler des pierres. » Le niveau d'improvisation de cette manœuvre semble démontré.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Source en espagnol :
http://misionverdad.com/COLUMNISTAS/que-busca-la-instalacion-del-tsj-paralelo-en-la-oea
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