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Amérique Latine : ALCA pas morte : Convergence entre le MERCOSUR et l'Alliance du Pacifique

16 Mars 2018, 17:27pm

Publié par Bolivar Infos

 

La poussée intégrationniste de la région au début du XXI° siècle stimulée essentiellement par l'axe Brasilia-Caracas-Buenos Aires (B-C-B) et les membres de l'Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique – Traité de Commerce des Peuples (ALBA-TCP) a eu son opposé dans la recoordination régionale des pays qui ont des Gouvernements de droite grâce à l'Alliance du Pacifique (AP), un bloc créé en 2011 composé du Chili, du Pérou, de la Colombie et du Mexique.

 

A partir de la fracture de l'axe Brasilia-Caracas-Buenos Aires avec l'arrivée de Macri en Argentine, la non ratification par le parlement brésilien de l'entrée de la Bolivie au Marché Commun du Sud en tant que membre permanent, le coup d'Etat au Brésil et la suspension du Venezuela de ce bloc, les pays du MERCOSUR ont commencé un processus de rapprochement accéléré du bloc du Pacifique.

 

En avril 2017 eut lieu à Buenos Aires la réunion ministérielle MERCOSUR-Alliance du Pacifique dont le communiqué final conjoint signale « l'importance d'un système multilatéral de commerce ouvert, prévisible, transparent, inclusif et basé que les règles internationales. »

 

Dans cette instance s'est constitué un Groupe de Haut Niveau pour continuer à avancer dans le rapprochement entre les blocs. La chancelière argentine de l'époque, Susana Malcorra, a résumé cet événement en le qualifiant « d'engagement envers le libre commerce et le multilatéralisme. » En juillet de la même année, dans le cadre du Sommet du MERCOSUR et des Etats Associés à Mendoza, Argentine, eut lieu le séminaire «  MERCOSUR-Alliance du Pacifique, un ordre du jour positif pour l'intégration. »

 

Le processus de rapprochement du MERCOSUR vers l'Alliance du Pacifique vient d'un virage plus profond qui comprend un éventuel accord de libre commerce avec l'Union Européenne.

 

Grâce à ce tournant du bloc sud-américain, la stratégie d'ouverture gagne un espace et une initiative dans la région. Le mouvement qui est en marche est celui d'une convergence des principaux joueurs de l'axe atlantique et pacifique de l'Amérique Latine autour des coordonnées du régionalisme ouvert, c'est à dire l'ajout du projet d'ouverture dans le domaine de l'insertion internationale. Dans un avenir plus ou moins proche, nous pouvons être face à un virage du continent inspiré par l'esprit de la vieille et pas encore enterrée Zone de Libre Commerce pour les Amériques (ALCA).

 

Le MERCOSUR et l'Alliance du Pacifique ont parmi leurs membres les 7 plus importantes économies d'Amérique Latine qui représentent plus de 80% de la population du continent et plus de 90% de son Produit Intérieur Brut (PIB).

 

Même si le MERCOSUR a une population et un PIB plus importants que l'Alliance du Pacifique, cette dernière a un volume de commerce extérieur plus important hors de la région, ce qui indique une plus grande ouverture commerciale de ce bloc.

 

Selon la Commission Economique pour l'Amérique Latine et les Caraïbes, le poids des exportations inter-groupe du MERCOSUR est proche de 13,9 % alors que celui de l'Alliance du Pacifique atteint seulement 3,5 % du total des exportations du bloc, ce qui indique une structure de plus grande complémentarité à l'intérieur du MERCOSUR qui s'explique en partie aussi par une distribution territoriale plus compacte entre ses membres.

 

Le profil de l'insertion internationale des pays de l'Alliance du Pacifique est notoirement plus favorable à l'ouverture que celui du MERCOSUR. Son association et sa dépendance envers des économies de plus grande taille aussi. Le cas du Mexique, la principale économie de l'Alliance du Pacifique, est le plus connu puisqu'il fait partie d'une zone de libre commerce avec les Etats-Unis et le Canada connu sous le nom de TLCAN (Traité de Libre Commerce pour l'Amérique du Nord). La Colombie, pour sa part, a aussi un traité de libre commerce bilatéral avec les Etats-Unis.

 

Mondialisation et géopolitique du capital

 

Dans la nature de l'expansion capitaliste, il y a l'élimination des barrières pour la libre circulation des capitaux les plus avancés derrière les ressources, les marchés et l'élargissement de l'échelle de l'accumulation. Le libre commerce a été le drapeau idéologique de ce processus inhérent au développement du capitalisme à l'échelle du monde. Mais l'idéologie du libre échange n'a été brandie que quand les principaux pôles d'accumulation avaient déjà une puissance suffisante pour briser d'autres espaces par la voie de la concurrence. L'essor initial des principales économies industrielles classiques (Etats-Unis, Allemagne, Angleterre, Japon) s'est fait sur la base du protectionnisme et de l'intervention de l'Etat.

 

Le dilemme de l'intégration et de l'insertion internationale pour l'Amérique Latine se trouve dans une économie mondiale en transition géo-économique et dans la réorganisation de la division internationale du travail avec essentiellement l'action croissante de la Chine et du sud-est asiatique grâce à la production de marchandises industrielles fortement compétitives à cause des bas coûts de sa main d'œuvre.

 

Selon la CEPAL, alors qu'en 1985, l'ensemble des exportations Nord-Nord représentait plus de 60% du total et les exportations Sud-Sud moins de 10 %, on prévoit qu'en 2020, les échanges commerciaux Sud-Sud dépasseront les échanges commerciaux Nord-Nord d'environ 30 % du total reflétant un déplacement des vieux pôles capitalistes grâce à de nouveaux espaces d'accumulation, essentiellement ceux qu'on appelle BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).

 

Actuellement, à partir des avancées en matière de transport, de technologies de la communication et de l'information et des transformations en matière d'automatisation et de robotisation, les flux de production mondiaux se superposent avec des pays et des régions du monde entier.

 

Les chaînes de valeur des manufactures sont trans-nationalisées dans la mesure où l'élaboration de certaines composantes du produit final se fait dans différentes parties du monde soit à cause de la proximité des ressources, des bas coûts de la main d'œuvre ou de la présence de marchés importants.

 

Selon Baldwin, ces chaînes d'organisent à l'échelle du monde autour de 3 « grandes fabriques : la « fabrique Europe » qui a son centre en Allemagne, la « fabrique Amérique du Nord » qui a son centre aux USA et la  « fabrique Asie » dont le centre s'est déplacé du Japon en Chine. Dans ces 3 pôles s'organisent les principales chaînes de valeur pour l'élaboration des biens industriels.

 

L'Amérique Latine, à l'exception du Mexique, d'une partie de l'Amérique Centrale et des Caraïbes, agit essentiellement comme fournisseur de produits de base et de biens à fort contenu primaire pour ces pôles centraux directement intégrés au pôle des USA grâce au TLCAN, comme région d'assemblage et de sous-traitance dans le secteur de l'automobile, de l’électronique et de l'habillement.

 

Le TPP (traité trans-pacifique de libre commerce) et le TTIP (traité transatlantique de libre commerce entre les Etats-Unis et l'Union Européenne), expriment 2 mouvements stratégiques du capital étasunien pour réactiver l'axe de l'Atlantique Nord (TIIP) et l'axe du Pacifique (TPP) sans la présence de la Chine et de la Russie, en formant une sorte de pince par 2 voies sur l'axe Moscou-Pékin.

 

Les pays de l'Alliance du Pacifique espéraient être la base latino-américaine du TPP mais le changement de stratégie du Gouvernement étasunien avec l'arrivée de Trump dont les conséquences demandent encore à être analysées attentivement, les a mis en porte-à-faux.

 

Carrefour latino-américain

 

L'Amérique Latine représente une population d'environ 600 millions d'habitants, presque 10% de la population mondiale. C'est une puissance énergétique, elle a les secondes plus importantes réserves de pétrole certifiées du monde avec 20 % du total, essentiellement au Venezuela. C'est une puissance agricole, elle possède plus de 50 % de la production de soja, presque 20 % de la production de maïs, 11 % de la production de lait et 15 % de la superficie agricole en général. Elle a l'une des régions qui possède le plus de biodiversité de la planète : l'Amazonie et un tiers des réserves d'eau douce du monde.

 

L'avancée de l'échelle d'accumulation mondiale et l'organisation croissante de la production mondiale grâce à des chaînes régionales de valeur oblige l'Amérique Latine à s'intégrer et à promouvoir son propre espace de production soutenable. Une insertion subordonnée, prévue par la véritable ouverture comme cela se profile dans la confluence entre l'Alliance du Pacifique et le MERCOSUR implique un recul important en matière de souveraineté et de capacité à disputer l'espace économique international.

 

A la stratégie qui promeut l'ouverture sans plus de nos économies et nous oriente vers le renforcement de notre insertion subordonnée à la division internationale du travail, il faut opposer une géopolitique basée sur ceux qui vivent de leur travail, capable de se coordonner autour d'un projet continental pour les Latino-américains. Le vrai protectionnisme nationaliste n'est déjà plus capable d'affronter la pression du processus de mondialisation capitaliste et comme le dit Serrano, une intégration destinée par les capitaux latino-américains aux capitaux latino-américains structurée autour des trans-latines privatisées ne permet pas non plus de résoudre l'ensemble des défis d'un processus d'intégration comme la complémentarité de la production, la souveraineté politique et financière et le développement des infrastructures.

 

La convergence des pays de l'axe pacifique et de l'axe atlantique est la clef d'un processus d'intégration en Amérique Latine. Si ce rapprochement est dirigé par les élites de la région, l'horizon n'est pas différent de ce qu'il serait si on était phagocytés par la géopolitique du capital.

 

Source en espagnol:

http://www.celag.org/alca-insepulto-confluencia-entre-el-mercosur-y-la-alianza-del-pacifico/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/ 2018/03/amerique-latine-alca-pas-morte-convergence-entre-le-mercosur-et-l-alliance-du-pacifique.html