Mexique : Le TLCAN, une manœuvre plus politique que commerciale
Par David Brooks
New York. Voici ce que l'on sait jusqu'à présent de « l'entente » pour un nouvel accord commercial : le Traité de Libre Commerce d’Amérique du Nord, dans son essence, reste le même, seul le nom change. Vendredi n'est pas la date limite pour que le Canada s'y joigne. Le TLC sera éventuellement signé cette année mais pas promulgué en loi jusqu'au milieu de l'année prochaine et enfin, le contenu de cet accord pose pour l'instant plus de questions qu'il n'apporte de réponses.
« Le NAFTA est mots, vive le NAFTA, » l'entête de l'article du journaliste économique Robert Samuelson du Washington Post est encore une fois le meilleur résumé de ce qui est en jeu. Il affirme : « Quelle que soit l'étiquette, tout accord de commerce revu ressemblera beaucoup au TLCAN. » Et ce qui change, d'après ce que l'on sait aujourd'hui, ce sont certaines mesures protectionnistes surtout dans le secteur automobile.
La seule chose claire pour l'instant, c'est que la priorité des Etats-Unis est de proclamer une victoire politique de plus pour Trump. Pendant sa campagne électorale et à son arrivée à la Maison Blanche, il a promis d'annuler le TLCAN s'il n'y avait pas de très grands changements dans ce qu'il a toujours appelé « le pire des traités de libre commerce de l'histoire. » Avec l'aide du Mexique, cette semaine, il a déjà atteint son but : annoncer la fin du TLCAN. Sauf que pour l'instant, ça semble plus être un truc de magie qu'autre chose : seul le nom change et tout indique que le traité en soi, dans son essence, reste intact pour le moment.
Bien qu'il y ait eu des réactions positives au début parmi les groupes économiques et politiques à l'annonce de l'accord préliminaire, surtout parce qu'il visait à faire diminuer la menace d'une crise commerciale encouragée par Trump, certains préviennent que ce qui a été obtenu pourrait avoir des conséquences négatives. The Economist a écrit que « les concessions que le Mexique a faites à monsieur Trump sont, en grande partie, nuisibles. On ne peut voir l'accord bon pour l’Amérique qu'à travers le prisme déformé du mercantilisme du président. Et monsieur Trump gère son ordre du jour commercial comme une agression téméraire qui aura plus probablement un résultat chaotique. »
Des analystes signalent que Washington et le Mexique sont arrivé à cet accord préliminaire plus pour des raisons politiques que pour tout autre chose. Aux Etats-Unis, Trump souhaite accélérer le processus pour pouvoir utiliser sa « victoire » avant les élections et aux élections intermédiaires de début novembre lors desquelles les Républicains pourraient perdre leur monopole politique alors qu'au Mexique, le désir aussi bien du Gouvernement sortant que du Gouvernement entrant de conclure un accord avant la transition, début décembre, était visible. D'autres interprétations qui circulent sont que Trump souhaitait aussi pouvoir signer un accord définitif avant que le Gouvernement d'Andrés Manuel López Obrador, n'entre en fonction car on suppose qu'il pourrait s'opposer plus à certains éléments de cet accord.
Il faut souligner qu'ici, ce qui a été obtenu avec le Mexique s'appelle officiellement « un accord préliminaire sur le principe, » c'est à dire qu'on a réussi à décider qu'on élaborera un accord. Mais dès lundi et son annonce, le débat a tourné autour du contenu réel de cet accord au-delà des contenus d'origine pour les voitures, des protections de la propriété intellectuelle, de l'incorporation du secteur digital à l'accord et de certaines « avancées » dans d'autres secteurs comme les droits du travail. Le problème est qu'il n'y a pas, pour l'instant, beaucoup de contenu. En effet, à Wall Street, beaucoup se plaignent que cet accord – que Trump appelle « l'accord commercial le plus important de l'histoire, » manque de précisions.
Le délai
Trump a prévenu les Canadiens qu'il ne leur donnait que jusqu'à vendredi pour se joindre à l'accord préliminaire qu'il a annoncé avec le Mexique mais ce n'est pas nécessairement une date limite ferme.Trump a l'intention de notifier officiellement au Congrès vendredi u samedi qu'il souhaite qu'ils signent un accord en suspens qui remplacera le TLCAN existant et ainsi commence un délai de 90 jours. Le président ne peut pas signer un nouvel accord avant. De plus, il a un délai de 30 jours après la notification au Congrès pour remettre le brouillon complet de l'accord.
Par conséquent, les Canadiens peuvent se joindre à l'accord à tout moment avant que ne soit élaboré le brouillon et qu'il ne soit remis au Congrès. C'est à dire que Trump peut envoyer la notification vendredi avec l'accord entre Washington et le Mexique et chercher à y inclure le Canada plus tard.
A la fin des 90 jours, Trump pourrait avoir la possibilité de signer l'accord avec ses contreparties et de proclamer qu'il a obtenu ce qu'il avait promis – remplacer le TLCAN par un autre accord avec son tampon – Mais ça ne s'arrête pas là. Après la signature, le Congrès doit l'approuver à la majorité simple et ce processus peut durer plusieurs mois de plus. Certains pensent qu'un nouvel accord pourrait ne pas être ratifié avant la moitié de l'année 2019.
Trump n'a pas l'autorisation du Congrès pour négocier un accord bilatéral, seulement un accord trilatéral. S'il met en pratique sa menace d'exclure le Canada, il devra en obtenir l'autorisation et cela pourrait allonger le processus puisque ce serait une nouvelle négociation. De son côté, la direction républicaine du Congrès et les groupes patronaux ont déclaré explicitement que l'accord définitif doit inclure le Canada.
Par conséquent, tout pourrait encore plus se compliquer à la suite des résultats des élections législatives intermédiaires, surtout si les démocrates conquièrent la majorité dans au moins l'une des 2 chambres du Congrès.
Amis, pour le moment
Enfin, certains expriment leur étonnement parce que tout est encore une fois à l'envers. Jusqu’à il u a peu, comme le dit Robert Kuttner dans The American Prospect, le Mexique était accusé d'être un pays de criminels qui envahissait les Etats-Unis alors que le Canada était le bon voisin et maintenant, le Mexique « est le nouveau meilleur ami de Trump et le Canada est le pire. » Il conclut en prévenant que « les Mexicains seront les bons de cette histoire tant que ce sera utile à Trump. »
Des politiciens, des analystes et des experts sont d'accord pour dire que par-dessous, tout ce qui a été décidé et dit un jour peut changer à tout moment. Aujourd'hui, par exemple, Trump a menacé de se retirer de l'Organisation Mondiale du Commerce parce que es Etats-Unis « ont été très mal traités » ici, provoquant de l’inquiétude sur l’éventuelle survenue de nouvelles guerres commerciales qui causeraient des dommages à « l'architecture » même du système économique international.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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