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Mexique : AMLO, l'inconnue qui inquiète le Congrès des Etats-Unis

10 Octobre 2018, 17:35pm

Publié par Bolivar Infos

Un rapport récemment remis au Capitole fait un bilan ponctuel des 6 ans de gouvernement d'Enrique Peña Nieto – qu'il critique pour ses taux élevés de corruption, de violence et d'impunité – et avance quelques hypothèses sur ce que pourrait être le gouvernement d'Andrés Manuel López Obrador. Et là se situent toutes les inconnues. Le texte suppose que sur des sujets comme le pétrole, la sécurité de la frontière ou le combat contre le crime organisé, il ne prendra pas en compte l'ordre du jour étasunien, ce qui rend nerveux les membres du Congrès de Washington.

 

Washington (Proceso).- Andrés Manuel López Obrador pourrait causer des dommages à la relation bilatérale s'il faisait marche arrière sur certaines réformes, prévient le rapport destiné au Congrès Fédéral des Etats-Unis.

 

« Bien que certains craignent que López Obrador – dont la coalition, Morena, a aussi la majorité aux 2 chambres – fasse marche arrière sur les réformes faites par le Mexique et dégrade les relations avec les Etats-Unis, d'autres prédisent qu'il gouvernera de façon pragmatique, » lit-on dans le document remis au Capitole mardi 2.

 

Elaboré par Clare Ribando Seelke, spécialiste de l'Amérique Latine au Congressional Research Service (CRS, Service de Renseignement du Congrès), ce rapport fait un bilan minutieux des 6 ans de gouvernement de Peña Nieto et prédit les sujets qui seront importants sous le gouvernement de Andrés Manuel López Obrador (AMLO).

 

Le rapport souligne : « L'approbation du travail de Peña Nieto a été relativement bas depuis 2014. Son gouvernement a lutté pour résoudre les problèmes importants concernant les abus contre les droits de l'homme, a été mêlé à des scandales de corruption et affronte des défis concernant la sécurité. »

 

L'enquête du CRS, actualisée jusqu'au mardi 2, met en avant l'avenir de la relation entre Donald Trump et López Obrador et signale qu'à Washington, le doute persiste en ce qui concerne ce que fera le prochain président mexicain à propos des sujets qui ont un grand intérêt pour les Etats-Unis.

 

« Il y a une certaine incertitude concernant les plans de López Obrador pour e secteur de l'énergie. Bien qu'il soit opposé aux réformes (structurelles) de 2013, son futur cabinet et lui on tdit que son Gouvernement respectera les contrats existants qui ne sont pas impliqués dans la corruption. Cependant, on ne sait pas si le prochain Gouvernement va vouloir revenir sur la réforme ou sur son processus de mise en place. »

 

« En juillet 2018, López Obrador a annoncé un plan énergétique qui comprend la modernisation de 6 raffineries existantes pour un coût de 2 600 millions de dollars et la construction d'une de plus à Tabasco, qui coûterait 8 600 millions de dollars, » souligne le rapport de 38 pages auquel Proceso a eu accès.

 

La participation du capital privé étasunien dans le secteur mexicain de l'énergie a été l'un des aspects qui ont accroché lors de la récente renégociation du Traité de Libre Commerce d'Amérique du Nord (TLCAN), é présent rebaptisé par Trump USMCA (Accord Etats-Unis Mexique Canada).

 

Dans ces négociations, l'équipe de transition d'AMLO, représenté par Jesús Seade, a mis en place directement avec la Maison Blanche un chapitre sur les contrats dans lequel on pense que le prochain président a établi, pour les contrats entre Petróleos Mexicanos (PEMEX) et des multinationales étasuniennes, qu'on ne peut pas porter plainte contre l'Etat au cas où, à cause d'un manquement à ce qui a été signé, le contrat serait annulé.

 

« Son plan comprend aussi (…) de revitaliser PEMEX bien que la personne qu'il a désignée pour diriger l'entreprise (Octavio Romero) manque d'expérience dans ce secteur (…) Il y a des opportunités pour que la coopération énergétique entre les Etats-Unis et le Mexique continue dans le secteur des hydrocarbures mais l'avenir de ces efforts dépendra des politiques adoptées par le Gouvernement de López Obrador, » souligne le document.

 

L'inquiétude du Gouvernement de Trump et chez les investisseurs étasuniens ne concerne pas seulement AMLO. Le contraste entre les positions de Morena et les politiques néolibérales de Peña Nieto les inquiète aussi.

 

« Morena a promis de faire arche arrière sur certaines réformes adoptées entre 2013 et 2014. Plusieurs propositions sont étudiées pour amender et éliminer la réforme de l'éducation. López Obrador a dit que bien qu'il respecte les contrats pétroliers existants, il pourra geler pendant 2 ans la fourniture de pétrole, ce qui a provoqué une certaine inquiétude parmi les investisseurs, » souligne le rapport intitulé « Mexique : antécédents et relation avec Etats-Unis. »

 

 

 

Inconnues et contradictions

 

L'enquête envisage un avenir dans lequel, à cause de l'ampleur de sa victoire le 1° juillet et de ses promesses de campagne, López Obrador devrait changer le cours de la politique mexicaine. En même temps, le document du CRS ajoute que les attentes créées par AMLO et sa victoire électorale sont une inconnue à cause des contradictions dans lesquelles il est tombé.

 

« Par exemple, il apromis de gouverner avec austérité mais il a proposé un grand nombre de programmes sociaux. Son futur secrétaire aux Finances, Carlos Urzúa, un économiste formé aux Etats-Unis, a dit que le prochain Gouvernement honorera les contrats pétroliers et celui qui sera secrétaire à l'Energie, Rocío Nahle (une ingénieur en chimie ex députée de Morena) s'est opposée à la participation du secteur privé dans l'industrie (des hydrocarbures), » rapporte le document.

 

La nervosité à Washington concernant ce qu'ils imagine qui arrivera avec l'accession au pouvoir de López Obrador ne se limite pas au secteur de l'énergie : « Certaines de ses propositions concernant la sécurité pourraient déchaîner des soupçons parmi les fonctionnaires des Etats-Unis comme la dépénalisation de la marijuana et éventuellement de la production d'opium, une proposition de sa future secrétaire du Gouvernement Olga Sánchez Cordero. »

 

Concernant la politique étrangère qu'il mettra en œuvre, le CRS souligne que Marcelo Ebrard, qui sera le Secrétaire aux Relations Extérieures, est déjà revenu à la Doctrine Estrada de non intervention dans les affaires des autres pays. « Il annonce que le Mexique ne jouera plus le rôle qu'il a joué pour trouve rune solution à la crise au Venezuela. »

 

 

Migration et trafic de drogues

 

Selon le rapport, de tout cela dépend que, malgré la soi-disant empathie entre Trump y López Obrador, les frictions et les différends politiques continuent à cause de la position inébranlable du président étasunien qui consiste à criminaliser l’immigration illégale.

 

L’insistance de Trump à construire un mur sur la frontière pourrait éventuellement provoquer des frictions avec AMLO.

 

A ce sujet, le rapport note qu'au-delà des promesses électorales de Trump d'obliger le Mexique à payer la construction du mur, il n'a pas au Capitole le soutien nécessaire pour apporter un budget à sa construction.

 

Même quand avec le Gouvernement de Peña Nieto – par l’intermédiaire de son chancelier Luis Videgaray – le Gouvernement de Trump a obtenu beaucoup de concessions en matière migratoire, l'élection d'AMLO a fait que la Maison Blanche bouleverse ses projets de soumission migratoire.

 

L'intervention directe d'Ebrard a empêché Videgaray d'accepter la proposition de Trump de transformer le Mexique en « pays sûr » grâce à un traité selon lequel le Gouvernement de Peña Nieto se serait engagé à être un filtre de la migration vers les Etats-Unis.

 

Dans le concept de « pays sûr,» tous les étrangers (non mexicains) demandeurs d'asile aux Etats-Unis, pour arriver jusqu'à la frontière sud des Etats-Unis, devraient d'abord demander l'asile au Mexique. Trump a promis à Videgaray de financer cette mesure avec environ 800 millions de dollars.

 

« On a rapporté que le Mexique ne veut pas signer l'accord concernant le pays tiers sûr qui exige que les demandeurs d'asile qui passent par le Mexique demandent l'asile là au lieu de le faire aux Etats-Unis. Le Mexique n'acceptera pas de citoyens non mexicains qui entreraient sans papiers aux Etats-Unis par la terre comme l'a proposé le Gouvernement de Trump. »

 

Au delà des refus du Gouvernement de Peña Nieto – grâce à l'intervention directe de l'équipe de transition d'AMLO– le Gouvernement de Trump insiste pour que le Mexique joue le rôle de filtre migratoire.

 

Par l'intermédiaire du Département d'Etat, le Gouvernement de Trump prétendait que le Gouvernement de Peña Nieto se charge de la répartition transcontinentale des immigrants sans papiers arrêtés en territoire mexicain.

 

Trump a proposé à Videgaray de financer avec 20 millions de dollars la répartition des immigrants d'Afrique et d'Asie. Les plans concernant ce projet avançaient jusqu'à ce qu'Ebrard les arrête. Cependant, en septembre dernier, le Congrès a assigné 20 millions de dollars aux fonds déjà garantis qui dépassent les 100 millions de dollars de l'Initiative Mérida destinée à combattre le trafic de drogues.

 

Peña Nieto, réprouvé

 

Dans la partie de l'enquête consacrée au legs de la période de gouvernement de Peña Nieto, on note que le niveau historique de désapprobation du Président sortant est dû à son incapacité et à sa renonciation à résoudre les problèmes de corruption, d'insécurité, de pauvreté, de violence, de violations des droits de l'homme et à l'impunité qui règnent dans le pays.

 

« De nombreux ex-gouverneurs du PRI sont accusés de crimes, le Président Peña Nieto se défend contre des accusations de corruption dans le PRI lors de sa campagne de 2012 et son Gouvernement est accusé d'avoir utilisé un virus électronique pour espionner illégalement ceux qui le critiquent. »

 

Et le rapport souligne que le président mexicain est critiqué pour ne pas avoir défendu plus vigoureusement les intérêts du Mexique face à Trump: « Peña Nieto a bien pris soin de ne pas utiliser la réthorique ou de ne pas prendre des positions dures qui pourraient blesser le Gouvernement des Etats-Unis et favoriser leur sortie du TLCAN. »

 

Selon ce rapport, l'image du Mexique est celle d'un pays soumis au chaos et à cause de la violence et de l'insécurité provoquées par le crime organisé et le trafic de drogues.

 

« Peña Nieto a fait campagne en promettant de réduire la violence mais 6 ans plus tard, l'insécurité a augmenté considérablement. Les homicides en relation avec le crime organisé ont atteint un niveau record : en 2018, on a continué à enregistrer des niveaux extrêmement élevés. Le Département d'Etat a demandé aux Etasuniens d ene pas se rendre dans 5 états mexicains et de reconsidérer leur voyage dans 11 autres. Pendant la campagne électorale de 2018, on a rapporté l'assassinat de plus de 150 personnalités politiques, » ajoute le rapport de Ribando Seelke.

 

Il attribue la violence directement liée au va-et-viens de la drogue au Cártel de Jalisco Nueva Generación et à l'inaptitude du Gouvernement. Il ajoute à cette situation la diversification des groupes qui se consacrent à l'exportation de drogues énervantes, à l'extorsion, à l'enlèvement et au trafic de personnes.

 

« Le vol de combustible est devenu une menace pour la sécurité du pays qui coûte au Mexique quelques 1 000 millions de dollars par an et qui provoque de gros conflits violents entre l'Armée et les voleurs présumés. »

 

La corruption tient une grande place dans ce rapport. Il note que le Gouvernement de Peña Nieto a proposé de combattre la corruption au niveau des municipalités quand ce sujet a échappé au niveau de l'Etat et au niveau fédéral. « Au moins 14 gouverneurs en fonction ou sous-gouverneurs sont l'objet d'une enquête pour corruption et pour eur collusion avec les groupes du crime organisé qui a provoqué des morts violentes et des séries de violations des droits de l'homme. »

 

Au sujet de la corruption, le rapport dit : « Des observateurs ont critiqué la sentence récente émise par Javier Duarte, ex-gouverneur de l'état de Veracruz,soupçonné d'avoir volé des millions de dollars au Trésor et n'a été condamné qu'à 9 ans de prison. Un commissaire aux comptes du Gouvernement a sauvé le président Peña Nieto, sa femme et son chanceliers d'une accusation d’activités illégales bien que des rapports aient signalé en 2014 comment ils avaient bénéficié des liens qu'ils avaient noués avec une firme qui a obtenu beaucoup de contrats avec le Gouvernement, ce qui a porté atteinte à son image.

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos