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Cuba : Le communisme dans la Constitution ou une Constitution avec le communisme ?

10 Novembre 2018, 17:53pm

Publié par Bolivar Infos

 

Javier Gómez Sánchez

 

En parlant de la réforme de la Constitution avec un ami, nous disions que la contre-révolution semble ne pas avoir vu la formidable opportunité qu'a eue : le lancement d'une convocation populaire totalement ouverte à toutes sortes de questions qui n'a même pas écarté du débat le rôle du Parti Communiste de Cuba dans la société.

 

Indubitablement, c'est la chose la plus risquée et révolutionnaire qu'a provoquée le processus de la Révolution Cubaine.

 

Ou ils l'ont vue mais n'ont pas la capacité de la manipuler et de la dominer. Ni organisation ni discours cohérent à utiliser et encore moins de soutien populaire. Les médias de la contre-révolution les plus traditionnels d'un côté et ceux qui sont nés à la chaleur de la politique d'Obama de l'autre, se sont limités à parler superficiellement d'un processus qui les a dépassés largement avec le même sentiment que le renard qui, incapable d'atteindre les raisins, dit qu'ils sont verts.

 

Mais, ces mois passés, j'en suis aussi arrivé à me demander si certains révolutionnaires ne se sont pas aperçus de ce qui était en jeu après 10 ans de débat politique et social à Cuba. La réforme de la Constitution est le sommet d'un chemin poursuivi grâce à la consultation populaire réalisée en pays 2007, les Grandes Orientations et la Conceptualisation.

 

Pendant ces 10 dernières années, le pays n'est pas resté immobile et a fait des changements objectifs et subjectifs. Si en 2007 , ce qui préoccupait le plus les Cubains, c'étaient les interdictions existantes (dont il ne reste aujourd'hui que des vestiges) ou la double monnaie (encore en cours), en ce moment, ce sont des choses très différentes. 

 

On voit bien les mentalités qui, grâce au « bon sens » global imposé par les industries culturelles et les médias, se battent pour devenir dominantes dans un pays qui, à la différence de celui qui existait il y a 10 ans, a maintenant plus d'un demi-million de travailleurs à leur compte et propriétaires de commerces auxquels s'ajoutent indirectement un nombre plus important de membres de al famille et d'amis. Un secteur privé qui entre en contradiction avec les possibilités réelles d'une économie mal approvisionnée, bloquée et disposant de peu de dollars pour importer. Avec des dizaines de milliers de citoyens qui ont trouvé un moyen de vivre en tant qu'importateurs illégaux d’électroménager, de pièces et de produits. Qui ont vécu les tensions des tentatives de contrôle de l'Etat sur le transport privé et sur la spéculation dans la vente de produits agricoles. Qui ont affronté l'inexpérience dans le paiement des impôts tous les mois et tous les ans. Qui ont vu se vendre et s'acheter une partie importante des zones résidentielles da la capitale. Avec une classe minoritaire émergente qui croit qu'elle ne doit rien au socialisme parce que ce qui la distingue, elle l'a obtenu en maniant de l'argent : maison, auto, vacances, voyages... et qui cohabite avec une majorité qui se débat tous les mois pour pouvoir seulement consommer ce qui est basique.

 

Cette minorité commence à voir comme des attaches les espaces sociaux qui – des décennies plus tôt et encore maintenant - maintiennent le système basé sur l'égalité alors que dans la majorité qui ne s'enrichit pas apparaissent ceux qui, avec une énergie naïve, défendent le droit de la nouvelle minorité riche à être ainsi et en viennent à parler de « concentration honnête de la propriété. »

 

Un pays qui a traversé une courte mais intense période de relations diplomatiques avec es Etats-Unis avec un changement de stratégie du Gouvernement de ce pays dans ses plans de domination de l'île pariant sur le fait que cette nouvelle minorité cubaine qui émerge économiquement arrive à être politiquement influente. Qui est passée aussi bien par la mort de Fidel que par le transfert de la plus haute charge de l'Etat en d'autres mains.

 

Un pays dont les citoyens sont passés en moins de 10 ans du fait de parler d'avoir un téléphone portable légalement à parler d'un marché de gros pour e secteur privé. Ce qui est sûr, c'est que la Cuba de 2018 ressemble peu à celle de 2008.

 

Depuis qu'a été diffusé le texte du Projet de Constitution de la République et même avant, quand à l'Assemblée Nationale, les députés discutaient de l'Avant-projet, l'un des sujets qui ont causé le plus d'inquiétude a été l'élimination de la mention du communisme comme il apparaissait dans la Constitution de 1976.

 

Personnellement, je ne crois pas que la fonction du communisme dans la Constitution soit d'y apparaître comme une utopie mais d'être l'essence garante de plus en plus indispensable dans la mesure où les relations du marché avec la société cubaine actuelle et à venir se font plus présentes. 

 

De là est venue ma suggestion, sans enlever de valeur à ceux qui préfèrent qu'il apparaisse aussi dans son sens de but supérieur, que le point 58 du document, Chapitre I « Fondements de la Nation » article 13, incise G dise : « renforcer l’idéologie et l'éthique inhérentes à notre société socialiste » doive dire : « renforcer l’idéologie communiste et l'éthique martienne et fidéliste inhérentes à notre société socialiste. »

 

Parce que le socialisme ne tombe pas du ciel et en ces circonstances, le communisme est beaucoup plus nécessaire en tant qu'idéologie utile et concrète qu'en tant qu'utopie.

 

Alors, la question qui se pose n'est pas d'avoir une Constitution communiste dans laquelle on mentionne le communisme mais une Constitution qui soit communiste. Ce léger déplacement de ce qui est essentiel peut nous mettre dans les mains une Constitution avec le mot «communisme » imprimé en lettres d'or mais avec peu, très peu ou rien des idées communistes dans son contenu.

 

Le plus grand risque que nous courons dans l'élaboration de cette réforme de la Constitution, c'est que dans notre désir de faire avancer le pays vers de nouveaux droits et de nouvelles garanties, nous perdions ceux que nous avons hérités de la Cuba de 1976. Ces conquêtes ne sont pas tombées du ciel, elles sont nées de l’identification de al majorité du peuple avec l'éthique communiste qui sous-tend le socialisme cubain. Personne ne sait ce qu'il a avant de l'avoir perdu. Abandonnez la composante communiste et les jours du socialisme cubain seront comptés.

 

Et de quoi a besoin une Constitution pour être communiste ? Ou mieux encore, pour ne pas l'être ?

 

Ne serait pas communiste une Constitution qui ne mentionne pas le droit des citoyens à avoir accès aux plages. Qui n'empêcherait pas de gagner de l'argent avec l'offre et la demande, dans la vente de produits et de services de première nécessité. Qui n'établirait pas de limites à la concentration démesurée de la propriété dans des mains privées et tomberait dans des pièges basés sur son origine « honnête. » qui définirait comme « socialiste » une entreprise qui, sans l'être, se considèrerait ainsi parce qu'elle serait « d'Etat » et pas à cause de son impact social. Qui permettrait l'introduction du paiement dans la santé et dans l'éducation dans tous leurs services. Qui n'assumerait pas explicitement comme un devoir d'Etat de protéger ses citoyens da la mendicité et de l'indigence. Qui, pliant devant des forces puissantes, les considèrerait comme dominantes et abandonnerait la dialectique en préférant renoncer à la mention du mariage en tant « qu'union entre 2 personnes. »

 

En ce moment, on en arrive à voir à la télévision, sans aucun contrepoids, au moins dans le Journal de la Télévision Cubaine, des gens qui plaident pour que les études supérieures commencent à être payantes. Avec une logique absurde qui considère en même temps que tu es un universitaire, un master ou un doctorat est déjà un luxe. Selon ce critère, nous serons un pays sous-développé où les professionnels devront choisir entre acheter un appareil électroménager ou payer un master.

 

Autre chose à payer : la chirurgie esthétique. Ils disent parce qu'ils ne savent pas que c'est impossible (sinon il y a risque de dommage grave ou de mort) qu'il faut séparer la chirurgie esthétique du reste des soins de santé... Ils disent que s'il y a des gens qui ont l'argent pour payer pourquoi ne pas le leur prendre en leur vendant des services de santé comme si c'était un week-end dans un hôtel sur la plage ou une séance de manucure... Pour un système de santé et d'éducation déjà assiégés par le défi de les maintenir, la façon la plus rapide de la détruire, ce serait – avec une Constitution ambigüe – de créer la division entre ceux qui pourraient accéder à tous ses services avec de l'argent et ceux qui ne pourraient accéder qu'à ceux que l'Etat pourrait garantir.

 

Dans le monde, il y a beaucoup de versions du socialisme. Mais à Cuba, le socialisme fidéliste est un et indivisible. Les temps changent, l'éthique de ce socialisme non.

 

Source en espagnol :

http://www.lajiribilla.cu/articulo/comunismo-en-la-constitucion-o-una-constitucion-con-comunismo

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2018/11/cuba-le-communisme-dans-la-constitution-ou-une-constitution-avec-le-communisme.html