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Colombie : Le Retour aux Armes, La réponse à une trahison

28 Septembre 2019, 17:35pm

Publié par Bolivar Infos

par Jessica Dos Santos

 

Les affirmations et accusations des dirigeants des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie, (Armée du Peuple (FARC-EP), Iván Márquez et Jesús Santrich, réveillent des souvenirs dans la mémoire historique : le gouvernement colombien (d’abord Juan Manuel Santos et, aujourd’hui, Iván Duque) ne respecte pas l’accord de paix signé le 24 novembre 2016.

 

Il n’y a pas d’accès aux terres agricoles pas plus que de soutien pour des projets productifs ; il n’est pas mis fin au para-militarisme, (il suffit de constater le nombre de responsables politiques assassinés depuis le démarrage de la campagne des élections régionales), et il n’y a pas non plus d’accès à une participation politique équitable, moins encore à la sécurité physique des personnes dans la société. Parallèlement, pour ce qui est du narcotrafic, depuis 2017, l’extension des zones de culture de la coca bat des records ce qui ruine la thèse selon laquelle la guérilla et la drogue allaient de pair.

 

En fait, depuis la signature de l’accord de paix et jusqu’à ce jour, quelques 150 ex-combattants des FARC ont été assassinés. Environ 500 responsables d’organisations sociales ont également été éliminés.

 

« De toute évidence, le traité de paix a été trahi, par des manquements aux promesses faites trempés dans le sang innocent de personnes qui avaient cru à la réconciliation, tant des ex-combattants que des dirigeants et de simples citoyens, qui aujourd’hui reposent sous terre. Et beaucoup d’autres compatriotes, qui continuent de croire et de lutter pour un pays digne ayant banni la guerre, sont victimes de l’acharnement judiciaire, des machinations et des inconséquences dues à l’intransigeance d’une caste de puissants et de politiciens qui n’ont voulu qu’une seule chose : que les insurgés déposent les armes pour ensuite procéder à leur élimination » a déclaré Santrich.

 

Santrich, de même que Márquez, fut un des négociateurs des accords de paix de La Havane et il a été odieusement poursuivi par le gouvernement d’Ivan Duque lequel prétendait même l’extrader aux États-Unis sous le prétexte d’un soit disant cas de trafic de drogue dont jamais on n’a présenté la moindre preuve.

 

C’est pourquoi le rappel du précédent historique de « l’Union Patriotique » (fondée officiellement le 28 mai 1985) s’impose : à cette époque-là, la guérilla déposa également les armes pour constituer un parti politique, mais le résultat fut tragique.

 

En moins de deux ans, 2 candidats aux élections présidentielles (Jaime Pardo Leal et Bernardo Jaramillo Ossa), 5 membres du Congrès, 11 députés, 109 conseillers municipaux et plusieurs ex-conseillers, 8 maires, 8 ex-maires et quelques 3000 ou 5000 militants et sympathisants, selon les sources furent assassinés.

 

Dans ces conditions, la guérilla se trouva dans « l’obligation » de reprendre les armes. Sommes-nous en train de revivre une histoire qui se répète ?

 

La décision d’une fraction des FARC de reprendre la lutte armée a donné lieu à de grands débats, nouveaux ou réchauffés, à propos des formes que doit avoir la lutte et au sujet de la violence. Mais on ne peut pas dire que ces guérilleros ont « trahi la paix ».

 

En particulier, parce qu’il s’agit de « la paix des tombes », une « paix » au cours de laquelle les responsables sociaux sont assassinés en toute impunité et où les populations sont constamment déplacées, une « paix » où seule la classe dominante peut dormir paisiblement. Il est par conséquent absurde de se réfugier dans la pureté stérile de la « non-violence » quand l’oppression et l’exploitation des Colombiens sont le résultat d’une violence permanente.

 

Quoi qu’il en soit, bien des points sont encore à clarifier : Márquez et Santrich (avec d’autres commandants) ont déclaré que l’oligarchie qui siège au Palais Nariño « va connaître une nouvelle manière de mener la lutte ». Quelles formes prendra la lutte de la nouvelle guérilla désormais ?

 

Mais d’autre part, quelle est réellement la proportion de militants qui vont reprendre le maquis et de quel armement vont-ils disposer ? Les autorités affirment qu’entre 90 et 95 % des ex-guérilleros ont choisi de respecter les accords. Par ailleurs, des rumeurs circulent au sujet d’une alliance avec l’Armée de Libération Nationale (ELN), un autre mouvement guérillero actif qui a vu ses tentatives de négociation réduites à néant par l’intransigeance du gouvernement colombien.

 

Et, élément plus important encore: quelle va être la réaction de l’Etat ? « Les déserteurs, il faut les réprimer avec la dernière dureté » a écrit l’ex-président et Prix Nobel de la Paix, Juan Manuel Santos.

 

De son côté, Iván Duque, l’actuel président, a déclaré qu’il agirait sans la moindre faiblesse contre « cette bande de délinquants ». Et, de fait, les militaires viennent d’assassiner neuf insurgés à San Vicente Del Caguán, un des vieux bastions de la guérilla au Sud du Pays.

 

Pendant ce temps-là, et à la grande surprise de bien des gens, le président du parti FARC, l’ex guérillero Rodrigo Londoño, alias « Timochenko », a déclaré qu’ils devaient faire alliance avec le gouvernement de Duque : « Je demande pardon, mais ce n’est pas là le style des farianos [militants des FARC] ; un des enseignements de Marulanda [dirigeant historique des FARC] c’est qu’il faut tenir parole ». Mais Marulanda répétait aussi inlassablement « Nous devons éviter une extermination comme celle qu’a connue l’Union Patriotique (…) Nous devons rester dans la clandestinité jusqu’à l’obtention de l’égalité des conditions et des garanties ».

 

Le temps en décidera.

 

https://www.investigaction.net/fr/amerique-latine-en-resistance-le-retour-aux-armes/