Bolivie : Celui qui pourrait succéder à Evo Morales
Par Julia Muriel Dominzain
Il s'appelle Andrónico Rodríguez Ledesma, il est de Cochabamba, il a 29 ans, il a étudié les Sciences Politiques et il est vice-président des 6 Fédérations du Tropique, une organisation dont est issu le Président Evo Morales et dont il continue à faire partie. Actuellement, Andrónico Rodríguez est l'un de ceux qui sont sur le terrain et organisent la résistance à la dictature. Il est très écouté par les bases qui continuent la lutte.
« Quand j'étais enfant, réellement, l'instabilité était totale. Nous avions classe le lundi, le mardi et parfois le mercredi parce que le reste du temps, nos professeurs allaient marcher à Cochabamba ou à La Paz pour réclamer des augmentations de salaire, des primes de fin d'année, des droits. Les routes étaient bloquées des jours, des semaines, des mois. Nous voyions aussi des affrontements entre les militaires et nos pères, les producteurs de coca, » rappeIle-t-il et il conclut : « La présence de l'Etat était à la pointe des fusils. »
Mais il y avait pire, quelque chose qui indignait Andrónico et qu'il raconte encore comme si c'était aujourd'hui : « J'ai vu les yankees en face. Ils parlaient anglais, ils commandaient les policiers et les militaires boliviens un fusil à la main et avec des lunettes noires. » Il ne savait pas ce qui se passait exactement mais il se rendait compte que c'étaient les étrangers qui décidaient. Il entendait les dirigeants dire : « Respect de la souveraineté, ça ne peut pas être des forces étrangères qui commandent en Bolivie. »
« Il y avait des ONG qui trompaient nos parents, elles leur faisaient signer pour une aide d'un demi-hectare de bananiers en échange de l'éradication forcée de la coca » mais beaucoup d’entre eux ne savaient i lire ni écrire et par conséquent, ils n'avaient aucune idée de ce qu'ils signaient. « Moi, ça me faisait de la peine, la façon dont ils trompaient les gens ? » conclut-il.
C'est pourquoi tout petit (il est né à Sacaba et a déménagé à Entre Ríos), il suivi les traces de son père, producteur de coca dirigeant des cultivateurs de coca du syndicat du Tropique de Cochabamba. L'homme passait une grande partie de son temps dans les champs mais le reste du temps, il l'occupait à diriger : « Moi, enfant, je le suivais, il me laissait des heures dans les réunions, je l’accompagnais et je dormais sur une chaise. Maintenant, je me demande pourquoi j'y allais mais quelque chose m'attirait. Ils discutaient, débattaient, analysaient des choses hors du commun, hors de ce qui m'était familier. Ils parlaient des problèmes et des besoins de la communauté. »
Mais il voyait, il sentait, il notait qu'il manquait quelque chose : la formation : « A mon père, il manquait quelques connaissances et je pensais que je devais surmonter cela. Je dois litre, je dois étudier et voir comment collaborer avec ma communauté avec plus de sagesse académique, technique. »
Et alors, il s'est mis à lire les auteurs boliviens comme Franz Tamayo (intellectuel et poète du siècle dernier), Marcelo Quiroga (écrivain et enseignant socialiste assassiné en 1980) ou René Zavoleta Mercado (sociologue spécialiste du prolétariat minier). En résumé, Andrónico dit : « Il me semblait très intéressant de comprendre la société en lisant ces grands hommes qui – en vivant dans la vie réelle – ont réussi à comprendre la Bolivie qui est diverse et variée dans sa culture, dans ses formes d’organisation et d production. »
en outre, il s'est toujours beaucoup informé en écoutant la radio, les informations, la télévision et il a étudié les Sciences Politiques à l'Université Mayor de San Simón de Cochabamba.
Il participait de plus en plus activement aux assemblées, aidait le secrétaire de séance etc... : « Déjà, jeunes, ils m'ont proposé comme dirigeant, » raconte-t-il. En 1997, il a vu la première affiche d'Evo Morales. A cette époque-là, le Président était syndicaliste et candidat aux élections législatives pour Cochabamba. Andrónico a attiré son attention. Il a entendu son premier discours au Tropique, et depuis, il l'a toujours suivi : « Il est devenu pratiquement le mentor de ma carrière politique et syndicale. »
En 2012, il l'a vu à 20 mètres de distance. Ils ne s'étaient encore jamais parlé. Mais une fois, quand Andrónico était encore dirigeant de la jeunesse, il s'est enhardi à prendre la parole lors de l'une des milliers de réunions que fait Evo Morales à travers le pays. Il s'est levé et il a dit : « Président, je ne sais pas si vous, en tant que dirigeants ou nous, en tant que jeunes, nous négligeons la formation politique. Nous avons besoin que les jeunes fassent des incursions dans la lecture et la formation. Il y en a beaucoup qui perdent leurs valeurs et je pense qu'il faut que cette initiative vienne des dirigeants. »
Evo lui a répondu. Il lui a dit qu'il perdait son temps et il a utilisé une expression - en quechua – qui signifie : « hier petit poulet, aujourd'hui œuf. » En résumé, il a pu le faire : « Il m'a dit que je devais me mettre en avant, me montrer et ne pas être déçu en pensant à quand les vieux vont m'écouter. »
dès lors, il a su qu'il devait s'impliquer dans la vie syndicale et c'est ce qu'il a fait. Souvent, il attendait des heures et des heures qu'on lui donne la parole dans une assemblée mais à la fin, il y arrivait. « Peu à peu, ils ont commencé à me connaître et ensuite, ce sont eux qui ont commencé à pousser pour que je sois dirigeant du syndicat central. »
Il a eu sa première réunion sérieuse avec le Président il y a un peu plus de 3 ans. En 2017, il était déjà le Secrétaire aux Sports des 6 Fédérations. Rapidement, il a été en charge de 2 institutions clefs pour Evo: l’organisation du Tropique dont il est issu et le sport qui a été l'un des piliers de sa gestion.
Concrètement, construire des espaces pour le sport dans tout le pays a été une politique de l'Etat dès qu' Evo Morales a été au pouvoir. A la moitié de l'année 2018, 1 781 œuvres avaient déjà été réalisées dans e cadre du programme « Evo fait, la Bolivie change. »
En occupant cette fonction, il a commencé à avoir tous les jours des réunions, des coups de téléphone, des messages : « Il me disait qu'il allait organiser le championnat des 6 Fédérations. Il l'a fait et il l'a contrôlé de La Paz, souvent même de l'étranger. » A ce moment-là, de plus, Andrónico a encouragé le football féminin.
Avec le temps, Evo lui prêtait de plus en plus d'attention : « En septembre 2018, le président en personne l'a donné son approbation pour que je sois élu vice-président des 6 Fédérations. Il l'a proposé à la base et ils m'ont élu presque par acclamation. »
Il est issu de la même organisation qu' Evo mais pourquoi cette organisation est-elle si importante ? Andrónico répond : « C'est une zone géographique qui comprend 3 provinces (une partie de Chapare, Tiaqui et Carrasco), 5 municipalités et 6 fédérations. Je dirais que c'est « un résumé de la Bolivie. » Dans cette partie se trouvent presque les 9 départements et les 16 provinces de Cochabamba. Le Président l'a qualifié de « résumé de la pauvreté du tropique de Cochabamba à l'époque néolibérale. »
Ici cohabitent les habitants de La Paz, de Potosi, de Santa Cruz, de Tarija,des quechuas, des aymaras, des benianos, des pandos, des guaraníes, des yuracarés. Andrónico en fait la liste pour montrer qu'il n'est pas simple de se mettre d'accord entre tant de cultures aux coutumes différentes et aux formes d'organisation différentes. De là est venue la phrase : « nous devons nous élire nous-mêmes pour nous gouverner nous-mêmes, » dit-il.
Andrónico ne s'arrête jamais : « Certains dirigeants m'ont dit : « Le Président t'a donné l'examen, tu ne dois jamais le décevoir, » se souvient-il. De plus, Evo aime répéter qu'il n'y a pas besoin de chercher les charges, les charges te cherchent. Il a fait sa carrière ainsi, il forme sa troupe ainsi, il dirige ainsi. Si Evo Morales, un dirigeant paysan avec à peine le baccalauréat et sans être un professionnel, a réussi à être président, c'est un motif d'inspiration. Beaucoup d'entre nous ont tant d'opportunités et ne réussissent pas à cultiver nos capacités pleinement... »
Les hommes politiques et les médias considèrent Andrónico comme l'héritier d'Evo Morales. C'est qu'en plus des responsabilités dont nous avons parlé, il en a eu d'autres, grandes et symboliques : en mars, il s'est rendu à Buenos Aires pour inaugurer un local de campagne (la majorité des Boliviens à l'étranger se trouvent en Argentine) et quand Evo a lancé sa candidature, c'est lui qui a été chargé de le présenter.
Pour les élections de ce 20 octobre qui ont provoqué le coup d'Etat, Andrónico a été candidat au sénat. Et il est convaincu : « je ne travaille pas par fanatisme mais quelque chose m'oblige à suivre les traces de mon père. Enfant, j'ai vu la souffrance de toute la société et de ma propre famille et j'ai vu comment les Gouvernements attaquaient. Si à ce moment-là, la présence de l'Etat était à la pointe du fusil, aujourd'hui, la présence de l'Etat, c'est la réalisation de travaux dans tous les coins de la Patrie. »
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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