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Bolivie : Vers la guerre hybride 

26 Février 2020, 18:49pm

Publié par Bolivar Infos

 

Par Emir Sader

 

Depuis qu'elle a adopté sa nouvelle stratégie, la droite latino-américaine a essayé de clamer haut et fort qu'elle a vaincu les Gouvernements progressistes par la voie démocratique, grâce à des mouvements populaires, civiques, de la société civile contre des Gouvernements qui auraient sapé les institutions, commis des actes arbitraires, porté atteinte à a démocratie.

 

Elle l'a fait au Brésil, en faisant tomber le Gouvernement récemment réélu de Dilma Rousseff sous prétexte de retouches au budget qui, d'après la Constitution, ne donnait pas la possibilité de destituer un président de la République. Cette décision était tellement arbitraire et anticonstitutionnelle que, jusqu'à présent, presque 4 ans plus tard, le Tribunal Constitutionnel Suprême, la plus haute instance judiciaire au Brésil, n'a pas statué sur la destitution de Dilma. Parce que s'il ouvre la Constitution, il ne va rien trouver pour soutenir la plus grave décision qu'un Congrès puisse prendre : faire tomber une présidente récemment réélue démocratiquement par le vote populaire.

 

Alors, le tribunal ajourne sa décision comme si le temps pouvait faire oublier la connivence entre le pouvoir judiciaire brésilien et le coup d'Etat qui a brisé la démocratie brésilienne et a conduit le pays, des gouvernements les plus vertueux de son histoire, à l'enfer qu'il vit actuellement.

 

La discussion pour savoir si la destitution a été un coup d'Etat ou pas est très importante parce qu'elle dénonce cet acte comme une rupture de la démocratie, de la Constitution brésilienne ou, au contraire, comme le veulent la droite et ses porte-parole dans les médias, dit qu'il s'agit d'une correction de chemin, un acte parfaitement légal et acceptable pour faire tomber un Gouvernement que la droite n'a pas réussi à vaincre par les voies démocratiques, ayant été vaincue 4 fois de suite.

 

Quand la droite a vaincu un Gouvernement progressiste aux élections, comme en Argentine, en se conformant aux institutions démocratiques, cette droite a été ouvertement vaincue 4 ans plus tard. Ce qui confirme que,par la voie démocratique, la droite peut même triompher mais n'a pas de politiques pour stabiliser le soutien populaire à sa vision néolibérale, immédiatement réinstallée chaque fois que la droite revient au Gouvernement. La démocratie se révèle incompatible avec néolibéralisme et condamne ainsi la droite à la défaite, sauf si elle fait appel à des méthodes antidémocratiques.

 

Le cas de la Bolivie est, d'une certaine façon, identique à celui du Brésil. La droite s'est coordonnée avec les forces de police et les forces armées en comptant sur les médias et le pouvoir judiciaire pour faire tomber le Gouvernement légalement réélu d'Evo Morales. Elle a prétexté des irrégularités dans les élections mentionnées par l' OEA qui s'est révélée rapidement comme faisant partie du coup d'Etat au point d’avoir proposé de nouvelles élections acceptées par Morales et d'avoir abandonné c projet pour se joindre à un gouvernement ouvertement putschiste et dictatorial.

 

La preuve définitive que ce mouvement est un mouvement de rétablissement de la démocratie ou au contraire, de rupture de la démocratie, serait apportée par les nouvelles élections organisées par la présidente qui, sans aucune légitimité institutionnelle, a pris le pouvoir. La répression des mouvements populaires, l'incarcération de dirigeants du MAS, les conditions de plus en plus strictes dans lesquelles on prétend réaliser les élections en principes prévues pour mai de cette année, confirment qu'il s'agit d'une farce de mobilisation populaire et de rétablissement de la démocratie comme a voulu le dire la droite bolivienne soutenue par le Gouvernement des États-Unis et ses alliés dans la région.

 

La récent rejet de la candidature de Morales au Sénat bolivien confirme à elle seule les conditions de participation contrôlées, antidémocratiques, excluantes, dans lesquelles on prétend réaliser ces élections. A mesure que la candidature de Luis Arce, du MAS, prend la tête des sondages, la réalisation même de ces élections est mise en danger car les Forces Armées boliviennes ont pris des espaces importants dans le gouvernement actuel.

 

La Bolivie prend le chemin du Brésil, de la guerre hybride, du régime d'exception et pas le chemin de l'Argentine où les forces démocratiques se sont à nouveau imposées parce qu'on a réussi à conserver les conditions démocratiques minimales dans le débat électoral.

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

Source en espagnol :

http://www.resumenlatinoamericano.org/2020/02/25/bolivia-un-pais-que-camina-por-la-guerra-hibrida/

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