Cuba : Internet est largement accessible mais les Etats-Unis continuent à le nier
Cubadebate reproduit ici un article de Reese Erlich, un journaliste étasunien qui écrit sur Cuba depuis 1968 et publie dans le média digital Truthout qui est repris par d'autres comme Salon. Bien que nous ne soyons pas d'accord avec certains points de vue de l'auteur et même sur les chiffres utilisés dans cet article, on peut apprécier la vision d'un Etasunien connaisseur de la réalité cubaine, les avancées qu'il a notées dans notre société dans le domaine de l'informatisation et la double morale du Gouvernement des Etats-Unis qui accuse Cuba de limiter l'accès à internet alors qu'il bloque l'accès des Cubains à des centaines de pages et de services internet.
Trinidad, Cuba: Assis à une terrasse de café, Alian Rojas, touche avec dextérité le petit claver de son iPhone pendant qu'il appelle le site du New York Times. Ensuite, il montre à un journaliste comment il peut utiliser facilement WhatsApp, Facebook, YouTube.
« Je peux accéder à n'importe quel site , » dit le guide touristique de 30 et quelques années.
Les Cubains peuvent même télécharger El Nuevo Herald, la version en espagnol du Miami Herald , une source de rapports anti-cubains infâme du Gouvernement. Ils peuvent utiliser Signal, une application de messagerie chiffrée développée par Edward Snowden et d'autres, qui empêche que le Gouvernement des Etats-Unis écoute en secret.
Pendant ces 10 dernières années, Cuba a fait de gros progrès dans l'accès à internet mais les fonctionnaires du Gouvernement des Etats-Unis, les exilés cubains de droite à Miami et les groupes conservateurs des Droits de l'Homme affirment que Cuba limite intentionnellement l'accès à internet.
Freedom House (1), un groupe d'experts conservateur dit que le Gouvernement cubain maintient son pays en retard technologiquement et censure les sites dissidents dans le cadre de la répression de la dissidence politique.
« Cuba continue à être l'un des endroits les moins connectés et les plus répressifs du monde pour les technologies de l’information et de la communication, » selon un rapport de Freedom House sur l'utilisation d'Internet.
Cette affirmation fait le jeu de ceux qui pensent que les Gouvernements dirigés par les partis communistes doivent, par définition, être totalitaires mais comme le démontre l'accès facile de Rojas à une large gamme de sites, la réalité de Cuba est très différente.
En janvier 2020, une enquête réalisée par l'Observatoire Ouvert d’Interférence du Réseau (OONI), un groupe international qui contrôle la censure sur internet, a montré que le Gouvernement cubain ne bloque que 36 sites.
La plupart sont des sites créés par des dissidents soutenus par les Etats-Unis comme la blogueuse Yoani Sánchez et les Dames en Blanc, un groupe qui organise des protestations anti-gouvernementales à Cuba. Mais les Cubains qui veulent vraiment lire ces sites peuvent télécharger facilement un VPN (Réseau Privé Virtuel) qui permet un accès illimité à Internet.
Ironiquement, dans le cadre de l'application de l'embargo unilatéral de Cuba (2), le Gouvernement des Etats-Unis interdit aux Cubains d’utiliser des centaines de sites commerciaux, y compris Amazon, des compagnies d'ordinateurs et de banques. Le Gouvernement des Etats-Unis bloque plus de sites que les autorités cubaines, dit John Nichols, un expert cubain professeur émérite de l'Université Penn State.
« Le Gouvernement des Etats-Unis a longtemps critiqué Cuba pour des violations des Droits de l'Homme, dit Truthout, « mais la réponse de la politique des Etats-Unis qui limite le droit des citoyens étasuniens et cubains à communiquer librement grâce à Internet est hypocrite et contreproductive. »
Mais étant donné les conditions économiques, Cuba a de réels problèmes avec la technologie, ce qui la place loin derrière les Etats-Unis et même une grande partie de l'Amérique Latine. Cuba a récemment mis à disposition le rooming et installé un réseau 3G (troisième génération). Une grande partie du monde passera cette année à la 5G.
En pratique, beaucoup de Cubains peuvent envoyer des messages électroniques et faire des recherches sur Google mais la plupart n'ont pas assez de largeur de bande pour voir des films ou la TV en streaming.
Nichols dit que le problème est plus dû à l'absence d'une monnaie forte qu'à une tentative de limitation de l'accès à Internet pour des raisons politiques.
« Cuba n'est pas un pays riche et Internet demande un gros investissement économique, » dit-il. « Cuba n'a pas beaucoup de ressources mais le pays ne se développera pas économiquement sans lui. »
Le Gouvernement cubain aimerait élargir l’utilisation d'internet dans le cadre d'un plan de développement des nouvelles industries en relation avec l'informatique. Le système éducatif gratuit de Cuba a produit des informaticiens de haut niveau désireux d'entrer en compétition avec leurs homologues du monde entier. Le président cubain Miguel Díaz-Canel, qui est arrivé à la présidence l'année dernière, a encouragé les sciences informatiques.
Mais en même temps, les dirigeants cubains sont préoccupés par le fait que les Etats-Unis utilisent Internet pour saper le Gouvernement. Ils craignent les « révolutions de Twitter » encouragées par les Etats-Unis dans d'autres parties du monde.
« Certains, au Gouvernement, s'opposent à une diversité trop large des points de vue politiques, » a dit à Truthout un journaliste étasunien vivant à La Havane. « Mais ils savent qu'ils ne peuvent pas interdire Internet. »
Alors, les dirigeants cubains qui craignent que les Etats-Unis utilisent Internet pour promouvoir des activités anti-gouvernementales ne participent pas à des théories de la conspiration.
Nichols signale que la CIA et d'autres agences étasuniennes ont une longue histoire d'utilisation de la technologie pour diffuser de la propagande anticommuniste sur l'Ile. Dans les années 1960, c'était la radio, dans les années 1980, c'était la télévision.
« Et maintenant, c'est Internet, » dit Nichols.
Si les Cubains de droite du sud de la Floride inondent l'île de propagande et de fausses informations sur Internet, le Gouvernement pourrait augmenter la censure.
Au début des années 2010, le Bureau de Radiodiffusion de Cuba, l'agence du Gouvernement des Etats-Unis en charge des émissions de propagande destinées à Cuba, a introduit en contrebande des téléphones intelligents contenant des applications intitulées ZunZuneo et Piramideo destinées à faire se mobiliser les Cubains pour créer une version cubaine des « Printemps arabes. »
« Les étudiants ont commencé à recevoir sur leurs téléphones portables des messages texte contenant des informations sur des manifestations qui n'ont jamais eu lieu, » a dit Néstor García, ex-chef de la Mission de Cuba à l'ONU (4). « Les Etats-Unis essaient de créer un climat de protestation contre le Gouvernement cubain. »
Les applications de réseaux sociaux n'ont pas réussi ) provoquer une rébellion mais cela n'a pas arrêté les Etats-Unis.
En 2018, le Bureau de Radiodiffusion de Cuba a financé la création de fausses pages de Facebook conçues pour apparaître comme si elles étaient publiées par des Cubains mécontents du Gouvernement. Quand les hackers russes ont mené à bien des activités similaires pendant les élections présidentielles étasuniennes de 2016, les politiciens étasuniens de toute tendance politique ont exprimé leur indignation.
Les actions des Etats-Unis contre Cuba sont les mêmes que les actions de la Russie contre les Etats-Unis, selon Nichols. « C'est une ingérence secrète dans le système de communications d'un autre pays dans le but de changer les relations entre le Gouvernement et les gens, » a-t-il dit. « Si nous n'aimons pas que d'autres interfèrent dans nos affaires intérieures, il est évident que nous ne devons pas faire la même chose envers d'autres pays. »
Cuba a progressé constamment dans l'accès à internet. Dans les années 1990, la plupart des Cubains était peu connecté ou pas du tout. Une connexion rapide coûtait 12 $ de l'heure et n'était disponible que dans les hôtels pour touristes. En 2020, les Cubains peuvent souscrire un plan de données pour seulement 7 $ par mois (5)
Certains Cubains participent à des groupes de chat et mettent leur session au service de livraison d'un restaurant, AlaMesa. Mais, de beaucoup, la technologie la plus populaire pour les Cubains est le « paquet, » une offre hebdomadaire d'informations et de divertissement. Pour seulement 50 centavos, on peut télécharger et mettre en mémoire les derniers journaux, les dernières revues, des films et des programmes de télévision internationaux, sans la censure du Gouvernement.
Nichols dit que le Gouvernement cubain reste pragmatique quand il s'agit de censure. Si les Cubains de droite du sud de la Floride inondaient l'île de propagande et de fausses informations sur Internet, le Gouvernement pourrait augmenter la censure.
« Le fait qu'ils bloquent des sites dépend de qui utilise Internet et dans quel but, » dit-il.
Pour le moment, cependant, il utilise un léger coup.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Notes de la Rédaction:
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Freedom House a été l'un des promoteurs les plus actifs des programmes anti-cubains et ont financé des mercenaires au service des Etats-Unis contre Cuba.
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Il s'agit d'un véritable blocus économique, financier et commercial qui n'affecte pas que Cuba mais aussi des pays tiers dont les entités sont l'objet d'amendes ou sont menacées par l'application de la Loi Helms-Burton
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La présence des Cubains dans l'espace public digital croit de façon exponentielle, suite au processus d'informatisation de notre société. Cuba a une pénétration d'internet dans sa population aujourd'hui supérieure à la moyenne mondiale. C'est ce que montre le Rapport Digital 2020 sur les tendances digitales et les réseaux sociaux dans le monde entier. Selon le rapport récemment divulgué – qui rapporte les chiffres de 2019 – 7 100 000 Cubains sont déjà connectées à internet, ce qui représente 63% de la population du pays. Voir le Rapport Global Digital 2020: Cuba pour la première fois au-dessus de la moyenne mondiale de pénétration d'internet.
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Néstor García Iturbe est mort en novembre 2018. Il a été interviewé cette année-là.
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Les prix actuel du service de données mobiles peuvent être consultés sur ETECSA annonce de nouveaux paquets de données pour naviguer sur tous les réseaux.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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