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Argentine : Accord sur la dette : les points importants de la négociation

5 Août 2020, 17:04pm

Publié par Bolivar Infos

Par Alfredo Zaiat

Les créanciers étrangers recevront presque 30 000 000 000 de$ de moins avec l'échange de bons. Le FMI s'est prononcé en faveur de l'Argentine. L'allègement des paiements dégage l'horizon financier. Le ministre Guzmán a imposé les conditions de la négociation. Une victoire politique d'Alberto Fernández.

 

Au début de cette année, quand il n'y avait ni pandémie ni liste de pays et de corporations qui attendaient de renégocier des dettes qui aujourd'hui sont impossibles à payer à cause de la crise mondiale, on a fait savoir ici que beaucoup avaient intérêt à ce qu'il y ait un accord avec les créanciers. Depuis lors, il y a eu d'intenses négociations et 7 mois plus tard, c'est confirmé : les 3 protagonistes (le Gouvernement d'Alberto Fernández, le FMI et les grands fonds d'investissement) ont des motifs différents pour fermer le chapitre du désastre financier que le Gouvernement de Mauricio Macri a laissé derrière lui.

 

Pendant ces mois, il y a eu des conversations très dures qui ont révélé aux yeux de tous l'immense lobby pro-créanciers qui a opéré au grand jour dans les corporations de médias et dans les chambres de l'establishment. Le principal a été AEA, qui réunit les patrons des plus grandes entreprises du pays et qui ont Techint et Clarín comme direction politique de ce pouvoir économique.

 

Dans cette situation et pour des raisons diverses, les 3 protagonistes de cette restructuration de la dette ont besoin de concrétiser l'accord :

 

Le Gouvernement d'Alberto Fernández : C'est de toute évidence l'acteur le plus faible de la négociation à cause de la fragilité financière héritée , d'un défaut proche qui serait suivi d'une renégociation et de la longue récession économique à laquelle s'ajoute depuis mars l’impact fulminant du coronavirus. Le défaut virtuel de Macri est une puissante restriction en politique économique non seulement à cause de la pression exercée par le monde financier mais parce que c'est un outil qui provoque une érosion persistante de la base politique du Gouvernement par le pouvoir économique.

 

Le Fonds Monétaire International : La directrice exécutive, Kristalina Georgieva, a aussi un héritage lourd avec le crédit de 57 000 000 000 de $ accordé à l'Argentine sur lesquels, sous la direction de Christine Lagarde, 44 000 000 000 de $ ont été libérés. La Techno-bureaucratie de Washington est inquiète parce que l'Argentine obtient un accord avec les créanciers privés pour commencer le refinancement de son propre paquet financier et ainsi laisser derrière elle l'(ir)responsabilité qu'il y a à financer avec le prêt le plus important de l'histoire de l’organisme le fiasco politique et économique de Macri.

 

Les fonds créanciers : Dirigés par BlackRock, dont le patron, Larry Fink, a beaucoup d'influence sur le Gouvernement Trump, ils ont aussi besoin de tourner la page de la très mauvaise affaire de financer le plus fabuleux cycle d'endettement extérieur de l'Argentine. Ils sont gênés pour concrétiser une redéfinition des conditions d’émission de la dette argentine pour éviter des pertes encore plus importantes que celles subies sous le macrisme et pouvoir ainsi commencer un nouveau cycle d'affaires. Ces fonds n'ont pas vocation à se comporter comme des vautours.

 

Bien que le montant total puisse provoquer le mécontentement de certains qui pourraient penser que la « dernière offre » n' a pas existé et qu'il y a eu un ajustement de quelques centimes à la fin, le ministre de l'Economie, Martín Guzmán, a imposé le principal concept de la négociation : la soutenabilité de la dette et il a obtenu un accord qui est à la limite extrême de ce principe.

 

Le FMI a incorporé ce concept, laissant au second plan le fait de fixer un horizon fiscal pour l'exiger, ce qui a déconcerté les créanciers, en particulier BlackRock, qui réclamaient d'abord un programme d'ajustement du Fonds pour ensuite avancer vers le refinancement de la dette.

 

Les médias de droite, l'analyse habituelle, les économistes spécialistes des pronostics ratés et les flibustiers de la city vont chercher à montrer que les créanciers ont tordu le bras à Guzmán. Ce n'est pas ce que pensent BlackRock et le reste des fonds qui se sont pliés aux diktats du plus puissant gestionnaire de portefeuilles du marché financier mondial. Pour un papier de 100 $ de dette en valeur nominale, ils en recevront un autre, d'à peine plus de 54 $. On ne voit pas comment on peut penser qu'avec ce change, les créanciers puissent être contents. La plupart des fonds ont acheté les bons à leur valeur d'émission, seuls quelques-uns ont eu ces papiers avec leur côte à la baisse.

 

La fermeté dans la négociation d'Alberto Fernández qui a évité les pressions des créanciers destinées à lui faire remplacer Guzmán a fixé un schéma de paiement qui impliquera un allégement important pour les finances.

 

Le Gouvernement a su concevoir une stratégie pour faire valoir le principal actif, presque le seul, d'un pays endetté et périphérique : la souveraineté financière et la défense de ses intérêts. Pour certains, cela peut sembler des idées abstraites et même ridicules dans le monde de la finance mais avoir des concepts clairs se mesure en milliers de millions de $.

 

Donner un chiffre permet de mieux comprendre cette conviction politique. En terme de soutenabilité de la dette, l'accord permettra de débourser presque 30 000 000 000 de $ de moins qu'avec la structure actuelle des paiements de la dette publique émise sous la loi étrangère. En d'autres termes, les créanciers étrangers recevront presque 30 000 000 000 de $ de moins.

 

Ce résultat a été obtenu par un Gouvernement assiégé par les médias de droite locaux et contre lequel joue le pouvoir économique. A ce montant, on ajoutera l'allègement des paiements dû au change de la dette en dollars sous la législation locale et ensuite l'étendue de la dette envers le FMI.

 

La différence avec l'offre d'origine présentée le 21 avril dernier aux créanciers étrangers est de quelques 11 500 000 000 de $ en paiement du capital et des intérêts. Mais qui que ce soit qui ait participé une fois à une négociation, même à l'achat d'un immeuble, sait que cette sorte de tractations n'about ni à la premeière ni à la deuxième proposition.

 

Le Gouvernement commence ainsi à mettre de l'ordre dans le déséquilibre des finances publiques dont il a hérité. En plus de balayer un facteur d'instabilité économique, l'accord avec les créanciers est une victoire politique indiscutable de Fernández . Un des principaux actifs des Gouvernements kirchnéristes a été le succès de la négociation avec les créanciers. Fernández pourra aussi montrer ce succès.

 

Quel impact peut avoir cet accord sur l'économie argentine

 

Le principal effet immédiat sera une amélioration de la situation financière du pays et une modération de l'incertitude du change. On espère moins d'inflation dans les prochains mois avec un flux de devises plus important dans le pays et on s'attend moins à une dévaluation.

 

Cet accord est important pour commencer à rétablir la stabilité de l'économie. Certains analystes affirment que ses conséquences immédiates seront la réduction de la brèche du change. Cela donne l'opportunité à l'équipe économique d'augmenter les réserves internationales. Jusqu'à présent, cela a été difficile : la brèche entre le change commercial autour de 70 pesos et le change financier d'environ 120 pesos a été l'un des facteurs qui a favorisé la diminution des exportations et l'avancée des importations.

 

Les analystes de la city considèrent aussi que cet accord avec les créanciers étrangers permettra de réduire l'inflation dans les prochains mois parce qu'il y aura plus d'entrées de devises dans le pays et moins de dévaluation.

 

La réduction du risque pays due à la hausse du prix des bons est un autre facteur important pour l'économie. Une plus grande certitude financière permettra de réduire la taux d'intérêt que paient les entreprises pour obtenir un financement.

 

Mardi, on s'attend à une augmentation plus importante du prix des actifs financiers. Les vagues d'achat ont commencé lundi à minuit avec la rumeur concernant cet accord. Les actions ont augmenté de de 10% et le risque pays a baissé de 150 points.

 

Ces derniers mois, l'absence d'accord avec les détenteurs de bons avait été l'un des éléments qui avaient fait augmenter la volatilité de la cote du dollar en bourse.

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2020/08/04/argentina-ya-hay-acuerdo-de-la-deuda-las-claves-de-la-negociacion/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2020/08/argentine-accord-sur-la-dette-les-points-importants-de-la-negociation.html