Cuba :Haydée Santamaria : 40 ans après sa mort
Avant et après l’attaque de la Moncada, Haydée fut l’une des dirigeantes les plus prestigieuses de la Révolution
Auteur: Marta Rojas | informacion@granma.cu4 août 2020 12:08:50
« Rendez-lui hommage comme à une brave », écrivit Fina Garcia Marruz dans son poème dédié à Haydée Santamaria, après sa mort, et elle décrivit Haydée en quelques lignes et comment nous devrions l'honorer. Aujourd'hui, quarante ans après sa mort, il est intéressant de revenir au texte de la poète avant d’aborder, de façon succincte, sa vie et son œuvre.
(...) Couvrez-la de fleurs, comme Ophélie. / Ceux qui l'ont aimée sont orphelins / Couvrez-la de la tendresse des larmes / Devenez la rosée qui rafraîchit son deuil / Et si la pitié des fleurs ne suffisait pas / Dites-lui à l'oreille que tout ne fut qu'un rêve. / Rendez-lui les honneurs comme à une brave / Qui n’a perdu que sa dernière bataille / Ne restez pas en son heure inconsolable / Que ses actes n’aillent pas à l'oubli de l'herbe / Qu'ils soient recueillis un par un, / Là où la lumière n'oublie pas ses guerriers.
Le poète et essayiste uruguayen Mario Benedetti, qui travailla avec elle pendant de nombreuses années à la Casa de las Américas, écrivit : « Haydée Santamaria, c’est un monde, une attitude, une sensibilité et aussi une Révolution. »
Ces deux voix donnent un sens particulier, magnifique, au besoin de se souvenir et de rendre hommage à Haydée Santamaria Cuadrado, à l'occasion du 40e anniversaire de sa mort.
Que ce soit avant ou après l’attaque de la Moncada, Haydée Santamaria fut l'une des dirigeantes les plus remarquables de la Révolution, dotée de qualités qu'elle forgea au sein de sa propre famille, parmi ses frères, dans la sucrerie Constancia, dans l'ancienne province de Las Villas où elle naquit. Son intelligence et son caractère lui valurent la reconnaissance de tous dès son plus jeune âge. Il suffirait de citer en exemple son affinité politique et son attitude de collaboration permanente avec son frère Abel Santamaria, au point qu’elle l’accompagna à La Havane lorsque le jeune homme décida d'y venir pour travailler et étudier.
Elle partageait les idées révolutionnaires d'Abel et était sa collaboratrice la plus déterminée et la plus fidèle dans leur appartement situé entre les rues 25 et O, qui devint bientôt le quartier-général clandestin du Mouvement révolutionnaire de la Génération du centenaire, créé par Fidel après le coup d'État militaire de Batista le 10 mars 1952.
Haydée participa à l'organisation de l’attaque de la caserne Moncada. L'histoire de cette journée, les tortures et l’assassinat d'Abel, furent dénoncés par Fidel lors de son procès, tant au palais de Justice le 21 septembre, qu'à l'hôpital civil le 16 octobre, dans son plaidoyer, connu sous le nom de L'histoire m’acquittera.
Haydée conserva les horreurs de cette époque au fond de son cœur et de sa mémoire jusqu'au jour de sa mort, le 28 juillet 1980. Toute la souffrance vécue, au lieu de l'affaiblir, renforça son engagement révolutionnaire durant les huit mois d’emprisonnement qu’elle purgea dans la prison de Guanajay, en compagnie de Melba Hernandez.
Pour Haydée, comme elle l'a déclaré à plusieurs reprises, le fait que Fidel l'ait choisie, avec Melba, pour éditer et imprimer son plaidoyer, qu'il avait reconstitué dans la prison de l'île de Pins [Île de la Jeunesse aujourd'hui], fut un encouragement à suivre avec plus de force et de détermination la voie choisie. Son travail dans la préparation du 30 novembre à Santiago de Cuba, comme l'une des dirigeantes du Mouvement du 26 Juillet, son départ immédiat pour la Sierra Maestra, pour assumer ses fonctions, son travail clandestin à La Havane, et sa tâche de déléguée du M-26-7 à l'étranger, la collecte de fonds pour acquérir des armes, jusqu'au triomphe de la Révolution furent exceptionnels. L’asthme, qui l’affligea toute sa vie, ne l’empêcha jamais d’assumer ses responsabilités.
La Révolution triomphante la remplit immédiatement de ferveur et elle s’engagea, avec le courage qui la caractérisait : celui d’une profonde révolutionnaire.Elle démontra son intelligence innée dans la direction de la Casa de las Américas ; elle créa et rapprocha les intérêts intellectuels et révolutionnaires d’écrivains et d’artistes prestigieux d'Amérique latine et des Caraïbes. Elle le fit comme un artisan tisse sa toile. Il existe des témoignages inestimables de personnalités exceptionnelles sur les qualités d’Haydée, alors qu'elle n'avait pas eu la possibilité d’étudier au-delà de l'école primaire.
Depuis son enfance à la sucrerie Constancia, elle fut toujours passionnée de lecture. Elle continua de l'être à La Havane, puis après la Moncada, si bien qu’elle put soutenir des discussions avec des intellectuels prestigieux qu’elle avait invités à la Casa de las Américas, comme Mario Benedetti, par exemple, lesquels furent des collaborateurs exceptionnels. Le savoir et la rébellion furent ses grandes passions.
Le Che lui écrivit dans une lettre : « Je vois que tu es devenue une femme cultivée avec une maîtrise de la synthèse, mais je t'avoue que la manière dont je te préfère, c'est un jour de l'an, avec tous les fusils qui tirent, et les coups de canon tout autour. »
Sur le plan politique, Haydée fut membre du Comité central du Parti communiste de Cuba depuis sa fondation ; présidente de l'Organisation latino-américaine de solidarité. Dans ce sens, elle enrichit ses relations latino-américanistes et rencontra Ho Chi Minh pour encourager l'action des révolutionnaires latino-américains en faveur de la cause vietnamienne. À Cuba, les écrivains et la Casa de las Americas bénéficièrent de son talent rassembleur, mais elle fut aussi un soutien extraordinaire pour le mouvement naissant et le développement du mouvement musical de la Nueva Trova et de la chanson engagée.
Haydée fut toujours la même, mais ne parvint pas à oublier, pas même un seul jour, les atrocités qu'elle avait vécues après l'attaque de la Moncada et, en particulier, celles commises contre son frère Abel.
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