Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Amérique Latine : L’accord entre le MERCOSUR et l’Union Européenne ne doit pas être signé

22 Décembre 2020, 18:18pm

Publié par Bolivar Infos

Un grand nombre d’organisations a manifesté son rejet de l’accord  entre le MERCOSUR et l’Union Européenne et exige des autorités du MERCOSUR qu’elles ne le signent pas.

 

« Cet accord aura de forts impacts économiques, sociaux, dans le monde du travail et sur  l’environnement dans les pays du MERCOSUR. Il forcera le secteur de l’industrie à s’ouvrir dans les pays du bloc dans un délai de 15 ans et favorisera ainsi l’importation de produits comme les automobiles, les machines, les textiles et les chaussures, entre autres. Cela provoquera l’effondrement de centaines d’industries dans la région et la production industrielle locale sera remplacée par des importations, ce qui provoquera une augmentation du chômage. Dans une situation économique critique liée à la pandémie de coronavirus, cette ouverture aura des effets sociaux incalculables et aggravera les conflits sociaux dans la région.

 

Nous trouvons inquiétant que cet accord ait été négocié par les Gouvernements du MERCOSUR de façon opaque et peu transparente : sans montrer d’études d’impact et sans un véritable dialogue avec les secteurs concernés ni avec l’académie régionale. Les négociateurs se sont laissés guider par une foi aveugle dans le libre commerce sans analyser la totalité des impacts des chapitres de cet accord sur la santé, les écosystèmes, le monde du travail, les droits de l’homme et les femmes.

 

Pour sa part, la Commission européenne a publié récemment une étude élaborée par la London School of Economics (LSE)  dont les résultats sont inquiétants. Cette étude prédit qu’avec cet accord, on obtiendra une augmentation 0,1% du PIB pour l’Union Européenne en 10 ans et qu’il aura un impact de -0,1% pour les pays du MERCOSUR. elle signale aussi que le chômage augmentera dans le secteur des véhicules à moteur en Argentine et en Uruguay, dans le secteur des machines au Brésil et au Paraguay et dans le secteur pharmaceutique et de la chimie en Uruguay, au Paraguay et en Argentine. D’autres études montrent les effets qu’il aura sur l’emploi : on estime que seulement  en Argentine, plus de 180 000 postes de travail seraient en danger.

 

En général, les résultats des études existantes montrent des résultats négatifs pour les pays du MERCOSUR dans de nombreux aspects. Entre autres, cet accord contribuerait à renforcer les inégalités de genre en augmentant les inégalités de salaire entre les sexes qui existent toujours dans les 2 blocs mais qui sont beaucoup plus graves dans les pays du MERCOSUR. Les importations de textiles d’Europe, par exemple, augmenteraient de plus de 400% et affecteraient surtout les femmes qui occupent 94% des postes de travail dans ce secteur au Brésil et 80% en Argentine.

 

Dans cet accord, l’ouverture du commerce n’est pas le seul problème important puisque le reste des chapitres intitulés « associés au commerce » aurait également des impacts sur la région. Le chapitre sur les services vise la privatisation, en particulier des services postaux, des télécommunications et la dérégulation du secteur financier. On ne connaît pas encore les annexes qui accompagneront ce chapitre, c’est pourquoi on n’est pas sûr que certains secteurs échappent à la dérégulation. De même, l’ouverture concernera le domaine des achats publics dans lequel de petites et moyennes entreprises locales devront entrer en compétition d’égal à égal avec des corporation multinationales européennes pour fournir l’Etat à n’importe quel niveau, que ce soit au niveau national, au niveau de la province ou au niveau  de la municipalité et cela restreindra la possibilité de créer des emplois locaux en tant que politique publique. Cette ouverture pourra aussi empêcher de mettre en place des programmes d’acquisition d’aliments en provenance de l’agriculture familiale (PAA) pour fournir les goûters scolaires, les hôpitaux, les casernes et autres établissements d’Etat  comme cela se fait au Brésil.

 

Tandis qu’avec cet accord, les travailleurs sont les perdants, un gagnant apparaît très clairement dans le  MERCOSUR : le secteur agro-alimentaire.  Ce secteur bénéficiera de l’élargissement des quotas d’exportation pour les produits agricoles vers l’Union Européenne, en particulier pour la viande bovine, de porc et de volaille. L’élargissement de la frontière agricole pour l’exportation porterait directement préjudice à l’agriculture familiale et paysanne, affecterait les territoires et les peuples indigènes et encouragerait le déboisement et la taille illégale de bois pour élargir la superficie consacrée à l’élevage et aux cultures d’exportation. Cela ne se produirait pas seulement en Amazonie car de vastes territoires sont habités par des peuples indigènes  dans les pays du MERCOSUR. L’avancée de la production agro-alimentaire   porterait atteinte au mode de vie des peuples et à leurs droits, surtout  à ceux des peuples indigènes en isolement volontaire et aux droits de la nature elle-même.  Ce traité avec l’Union Européenne ne fera que renforcer la détérioration de la production d’oxygène, affectera la biodiverstié et aggravera la crise climatique planétaire.

 

Dans cet accord, les allusions aux problèmes environnementaux ne sont qu’une rhétorique destinée à « habiller de vert » son objectif véritable : augmenter le commerce en faveur des grandes entreprises. Alors que les clauses qui libéralisent le commerce et ouvrent les économies sont des « lois dures » contraignantes, l’Accord de Paris sur le changement climatique auquel il est fait allusion au chapitre sur le développement soutenable est une « loi non contraignante » qui fait état de promesses volontaristes, très faibles, peu contraignantes et sanctionnables. S’il y a une véritable volonté d’affronter le changement climatique, le lieu pour exiger que ces accords soient respectés est la convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique, pas un accord commercial qui, par définition, va provoquer plus d’émission de gaz à effets de serre (GEI) à cause de l’augmentation des flux commerciaux. L’intention de négocier ou d’imposer aux pays du MERCOSUR une lettre d’intention ou un protocole adjoint qui empêche soi-disant les incendies en Amazonie et de continuer à violer les droits des peuples indigènes qui l’habitent est hypocrite et cynique à la fois et ne vise qu’à faire taire l’opinion publique critique des 2 bords. Nous pensons que cet accord ne peut en aucune façon être « amélioré » par les protocoles environnementaux qui sont en train d’être négociés.

 

Cet accord encourage l’extension du modèle biotechnologique agraire basé sur l’utilisation extensive des pesticides et des agro toxiques qui ont fait la preuve qu’ils étaient préjudiciables pour la santé humaine et les écosystèmes. Ces produits affectent directement les travailleurs ruraux et la population rurale ainsi que les consommateurs des villes aussi bien  les dans les pays du MERCOSUR que dans ceux de l’Union Européenne. Le cas du Brésil est emblématique puisque jamais autant de nouveaux pesticides n’ont été approuvés que pendant ces 3 dernières années. Ces pesticides, interdits en Europe mais libres au Brésil, deviennent la règle pour la consommation en Amérique Latine et arriveraient aussi aux consommateurs européens grâce à leurs importations.

 

Les résultats qu’on attend de cet accord sont si peu prometteurs qu’en Europe, il existe aujourd’hui une remise en cause sociale et politique croissante de son approbation : de l’Autriche, qui a rejeté totalement cet accord aux déclarations réprobatrices des parlements et/ou des gouvernements de la France, de la Belgique, du Luxembourg, de l’Allemagne, de l’Irlande, de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Slovaquie et de la  Hollande. Récemment, le parlement européen a approuvé une déclaration disant que l’accord avec le MERCOSUR ne pourra pas être approuvé « dans son état éctuel. »

 

Dans les pays du MERCOSUR, cependant, le soutien à cet accord semble tacite et montre l’absence de recherche d’alternatives réelles d’intégration. 

 

Aujourd’hui comme jamais, face au défi que représente la pandémie,  sont apparus de larges secteurs sociaux affectés qui déjà avant l’apparition du virus réussissaient difficilement à survivre et qui aujourd’hui, ne pourraient subsister sans une action ferme et  volontariste de l’Etat. C’est pourquoi nous rejetons la signature d’un accord rigide, déséquilibré et asymétrique. »

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2020/12/21/nuestramerica-el-acuerdo-entre-el-mercosur-y-la-union-europea-no-debe-ser-firmado/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2020/12/amerique-latine-l-accord-entre-le-mercosur-et-l-union-europeenne-ne-doit-pas-etre-signe.html