Venezuela : Comment on nous a arraché l'Eséquibo
Par Luis Britto García
Un arbitrage sans Vénézuéliens ni souveraineté. Le long processus d'abus, d'usurpations de la Grande Bretagne a conduit le Venezuela à commettre l'erreur de remettre la décision concernant notre possession de l'Esequibo guyanais au tribunal arbitral étyranger qui a émis ce qu'on appelle la sentence arbitrale de Paris de 1899.
Il suffit d'examiner les règles du traité d'arbitrage qui prépare cette sentence pour deviner son résultat. Son article II stipule que le tribunal sera composé de 5 juristes : 2 pour le Venezuela, 1 nommé par le président du Venezuela, l'autre par les magistrats de la Cour Suprême des Etats-Unis, 2 pour le Royaume Uni et un 5ème choisi par les 4 précédents. Le président vénézuélien choisit Melville Weston Fuller, magistrat adjoint des Etats-Unis,le 5ème arbitre sera le Russe Fiodor Martens, fervent partisan de l'alliance entre la Russie et l’Angleterre. Notre territoire et notre souveraineté ont été négociés sans qu'un seul Vénézuélien soit présent.
La possession privée tue la possession publique
Concernant la méthode appliquée, l'article IV a) « des règles » stipule qu'une « possession opposée ou une extinction dans un délai de 50 ans constituera un bon titre. Les arbitres pourront estimer que la domination politique exclusive d'un district ainsi que la colonisation effective de celui-ci sont suffisantes pour constituer une possession opposée ou créer des titres d'extinction. » On admet ainsi qu'une possession privée d'un demi-siècle ou simplement « effective » prévaut sur la possession publique de 400 ans ou qu'une usurpation politique ou colonisatrice de fait vaut plus que tout autre titre. Les Etats-Unis ou l’Angleterre accepteraient-ils que des gens entrés illégalement les dépouillent du territoire qu'ils en sont venus à occuper de façon privée dans ces pays ? Séduis par la doctrine Monroe, les autorités vénézuéliennes ont accepté ces conditions inacceptables.
Arbitrage de la spoliation
A telles règles, tel résultat. Dans la sentence arbitrale de Paris de 1899, les Etasuniens et les Britanniques qui ne sacrifient rien, immolent tous les droits du Venezuela. Pour être valide, une sentence doit avoir une raison : dans la sentence, il n'y en a aucune. Des jugements, des actes administratifs ou des sentences sans aucune raison ne sont pas non plus valides. Dans la sentence de Paris, ni les faits ni les droits ne sont appréciés ou évalués. On énonce simplement une liste de points de référence d'une ligne de démarcation entièrement favorable aux intérêts de l'empire anglais sans qu'ils soient fondés sur des arguments ou des preuves, qui laissent à peine aux Vénézuéliens le contrôle de l'embouchure de l'Orénoque mais établit la libre navigation sur les fleuves Amacuro et Barima.
La lettre de la spoliation
La sentence stipule :
« Conformément au dit traité d'arbitrage, nous décidons finalement, jugeons et déterminons par la présente que la ligne de démarcation entre les Etats-Unis du Venezuela et le Guyana Britannique est ainsi : débutant sur la côte à Punta Playa, la ligne de démarcation part en ligne droite vers la rencontre du fleuve Barima avec le fleuve Mururuma et continuera au milieu du courant de ce fleuve jusqu'à sa source et de ce point vers l'union du fleuve Haiowa avec le fleuve Amacuro et continuera au milieu du courant de l'Amacuro jusqu'à sa source dans la Sierra Imataca et de là au sud-ouest vers le sommet le plus haut de l'Espolón de la Sierra Imataca jusqu'au point culminant de la Cordillère Principale, au Sud-est, jusqu'à la source de l' Acarabisi et de ce point continuera par le milieu du courant de ce fleuve jusqu'au Cuyuní et de là passera par la berge septentrionale du fleuve Cuyuní à l'ouest jusqu'à sa confluence avec le Wenamu et de ce point continuera au milieu du courant du Wenamu jusqu'à sa source plus à l'ouest et de ce point en ligne droite vers le sommet du Mont Roraima, et du Mont Roraima vers la source du Cotinga et continuera au milieu du courant de ce fleuve jusqu'à son union avec le Takutu et continuera au milieu du courant du Takutu vers sa source et de ce point en ligne droite vers le point le plus à l'ouest de la Sierra Akarai , continuera vers le sommet de la Sierra Akarai jusqu'à la source du Corentín qu'on appelle Río Cutari.
Il est toujours entendu que la ligne de démarcation établie par cet arrêt existe snas préjudice et sous réserve de toute question qui existe aujourd'hui ou qui pourrait survenir concernant la détermination entre les Etats-Unis du Venezuela et la République du Brésil ou entre cette République et le Gouvernement de sa majesté. En fixant cette ligne de démarcation, les arbitres considèrent et décident que, en temps de paix, les fleuves Amacuro et Barima seront ouverts à la navigation des bateaux de commerce de tous les pays, sauf tout juste règlement et paiement d'un droit de phare ou d'autres analogues, à condition que les droits exigés par la République du Venezuela et par le Gouvernement de la Colonie de la Guyane Britannique au sujet du transport de bateaux par les parties de ces fleuves qui leur appartiennent respectivement soient fixés au même taux pour les bateaux du Venezuela et ceux de la Grande Bretagne, droits qui n'excèderont pas ceux qu'on exige de tout autre pays. Il est aussi entendu qu'aucun droit de douane ne pourra être exigé que ce soit par République du Venezuela ou par la Colonie de la Guyane Britannique concernant les marchandises transportées par bateaux, navires ou canots passant par ces fleuves mais les droits de douane seront exigibles pour les marchandises débarquées respectivement sur le territoire du Venezuela et sur celui de la Grande Bretagne.
Fait et publié en 2 exemplaires par nous, à Paris, aujourd'hui, 3 octobre 1899. »
Ultra petita1
Il faut signaler, en outre, que parmi les choses à décider dans cette sentence, la libre navigation sur les fleuves Barima et Amacuro n'était pas incluse c'est pourquoi, en prenant une décision là-dessus, les arbitres ont commis une ultra petita, un défaut de sentence qui accorde plus que ce qui a été demandé ou des biens ou des droits n'ont compris dans le litige. A cause de tout cela, cette sentence est nulle et non avenue. La collusion entre les grandes puissances l'a rendue valide contre le Venezuela.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
NOTE de la traductrice:
E1 Du latin ultra (« outre ») et petita (« [chose] demandée »). Se dit à propos d'un jugement qui va au delà de la demande. (https://fr.wiktionary.org/wiki/ultra-petita)
Source en espagnol :
https://www.resumenlatinoamericano.org/2021/01/19/venezuela-como-nos-arrebataron-guyana/
URL de cet article :
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