Brésil : De la dictature de 64 au Brésil de Bolsonaro
Par Gustavo Veiga
Le Brésil actuel est le résultat d'un projet de destruction délibérée. Comme lors de l'explosion du cuirassé Maine dans la baie de La Havane en 1898 qui a permis aux Etats-Unsi d'entrer en guerre avec l'Espagne pour essayer de garder Cuba, Bolsonaro a allumé la mèche pour faire exploser son propre pays. Il n'était pas et n'est toujours pas seul dans son aventure planifiée qui n'a été possible que grâce à la destitution de Dilma Rousseff et à l'interdiction faite à Lula de se présenter aux élections et à son emprisonnement. La classe dominante, le parti militaire et un ensemble docile de croisés évangéliques l'accompagnent. La copie conforme d'Hitler s'est tranformé en bistouri de grosse chirurgie. Il a opéré pour faire imploser la 8ème économie du monde et le mettre au service d'un plan qui est devenu plus visible pendant que Donald Trump était à la Maison Blanche. La célébration du 31 mars, date du coup d'Etat de 1964, est aussi symbolique que presque inédite en Amérique Latine. D'autres émeutes dans des pays voisins ne sont pas habituellement revendiquées publiquement et ceux qui en ont la nostalgie ont l'habitude de contrôler plus leurs fêtes. C'est évident mais elles sont moins perceptibles que dans le géant gouverné par le sociopathe de la grippette.
Une vidéo qui parcourt le Río Grande do Sul en ce moment fait dresser les cheveux sur la tête. Elle a été publiée avec la musique de fond de « Je t'aime, mon Brésil, » la marche qu'entonnaient les putschistes dans les années 60. Sous un slogan que 30 personnes répètent avec les mêmes mots : « Le 31, j'y vais, » on a invité à célébrer le coup d'Etat de 1964 qu'ils ont commémoré ce mercredi. On a donné rendez-vous aux gens sur la Place des Azorianos (le peuple des îles portugaises qui colonisa Porto Alegre en 1752) qui est toujours dans la capitale. Des hommes, des femmes, des vieux, des jeunes, tous vont laisser leur témoignage avec un air martial. Ils fêtent le régime au milieu d'une pandémie qui tue des milliers de personnes par jour dans le principal foyer de contamination de la région. Ils acclament la dictature civile et militaire qui a gouverné le pays pendant 21 ans – la seconde plus longue dictature d'Amérique du Sud après celle d'Alfredo Stroessner au Paraguay – et qui a laissé des marques très visibles dans l'actualité brésilienne.
3 des 5 présidents de fait de cette période sont nés dans le Río Grande do Sul: Artur da Costa e Silva, Emilio Garrastazú Medici et Ernesto Geisel. Comme le vice-président actuel Hamilton Mourao, originaire de Porto Alegre, un autre nostalgique de cette époque qui a twitté le jour anniversaire edu coup d'Etat : « Ce même jour, il y a 57 ans, le peuple brésilien avec le soutien des forces armées, a empêché le mouvement communiste international de fixer ses tenailles sur le Brésil. Force et honneur ! » Que le coup d'Etat de 64 ait tellement de soutien dans l'état frontalier avec l' Argentine ne semble pas être un hasard.
Les putschistes qui ont renversé Joao Goulart sous la direction du général Humberto de Alencar Castelo Branco ont supprimé l'opposition, créé leur propre parti (ARENA), décrété une féroce censure de la presse et militarisé le pays. Le terrorisme d'Etat qui s'est implanté s'est perfectionné au milieu des années 70 dans le Plan Cóndor qui a annihilé systématiquement toute tentative de résistance dans le Cône sud. Il est même arrivé jusqu'à Washington, la preuve en est l'assassinat de l'ex-chancelier chilien de Salvador Allende: Orlando Letelier. Ils ont fait exploser la voiture dans laquelle il se trouvait le 21 septembre 1976.
Restés 9 ans au pouvoir (1964-1973), les militaires brésiliens ont apporté leur soutien au coup d'Etat au Chili. Ils savaient comment faire. Formés à l'école française contre la subversion, selon Pierre Lallart, conseiller militaire à Brasilia au début des années 60, ils avaient renversé Goulart dans une opération « extrêmement bien montée, en 2 jours. » Pour ne jamais ne soient jugés ce délit et d'autres, la dictature que fêtent aujourd'hui les acolytes de Bolsonaro et les forces armées ont imaginé une loi d'amnistie (N° 6.683) qui est entrée en vigueur le 28 août 1979. C'est Joao Baptista Figueiredo, le dernier dictateur du régime militaire qui l'a faite.
Cette loi, selon Amnesty International, « empêche les responsables de la pratique généralisée de la torture, des exécutions extra-judiciaires, des disparitions forcées et des violations pendant la régime miliaire (1964-1985) d'être traduits en justice pour ces crimes. » Cette règle reste encore en vigueur aujourd'hui et elle n'a jamais été abrogée, pas même sous les Gouvernements du PT de Lula y Dilma. Le rapport de la commission nationale de la vérité remis à Dilma en décembre 2014 n'a pas eu non plus de conséquences judiciaires importantes. Ni, en 2010, la sentence de condamnation émise par la CIDH contre l'Etat brésilien pour avoir conservé une loi « incompatible » avec les traités concernant les droits de l'homme. Le travail de cette commission précisait que 191 personnes avaient été assassinées, 243 avaient disparu dont on avait retrouvé 33 corps. Leurs familles ont seulement obtenu des indemnisations mais aucun oppresseur n'a été condamné par la justice brésilienne. Le seul à être encore vivant, Atila Rohrsetzer, déclare Jair Krischke, du mouvement de Justice et des Droits de l'homme à Página/12, pourrait être condamné à perpétuité mais en Italie.
Waldo Ansaldi, docteur en histoire et ex-chercheur à CONICET soutient dans son livre « Matriuskas de terreur ( XXIème siècle, 2004), un travail sur la dictature argentine dans le contexte d'autres dictatures du Cône Sud, que la dictature brésilienne « n'a pas totalement nié la politique et que, en lui abandonnant un petit espace, elle n'a pas radicalisé l'incompatibilité entre dictature et politique. »
Ceci, parmi d'autres raisons, certaines d'ordre économique, e rendu possible le fait que la doctrine de sécurité nationale continue à être latente au Brésil. Bolsonaro est l'une des plus célèbres têtes de cette Hydre de Lerne. Grâce à la loi 13 491 du 13 octobre 2017, les militaires qui violent les droits de l'homme de civils seront jugés par des tribunaux militaires. Cette règle ne respecte pas les obligations du pays envers le droit international. Elle a été votée sous la présidence d'un civil, Michel Temer, héritier de la tradition putschiste qui parcourt la terre de Jorge Amado et de Vinicius de Moraes. La pandémie et les politiques d'un Gouvernement militarisé ont mis en évidence comme jamais ce bloc de pouvoir qui passera dans l'histoire comme un reliquat de la Guerre Froide.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Source en espagnol :
URL de cet article :
http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/04/bresil-de-la-dictature-de-64-au-bresil-de-bolsonaro.html