Nicaragua : Ce qu'il faut savoir sur l'opposition (2)
Par Ben Norton
La famille Chamorro a aussi dirigé le principal journal El Nuevo Diario, qui a fermé en 2019 tandis que l'autre important média de l'opposition nicaraguayenne, Confidencial, est dirigé par le frère de Cristiana, Carlos Fernando.
Carlos Fernando Chamorro est le Rupert Murdoch du Nicaragua. Grâce aux nombreux millions de $ qu'il a reçus des Gouvernements occidentaux pendant des années, il a construit un véritable empire médiatique.
L'arme la plus importante de l'arsenal de guerre de l'information de Carlos Fernando est Confidencial. Il l'utilise pour produire de la propagande permanente contre le Gouvernement du président Daniel Ortega, fixe une ligne éditoriale néolibérale agressive qui fait ressembler Fox News à un bastion de la rigueur journalistique.
Confidencial qualifie le gouvernement élu de « dictature » et de « régime » et répand des histoires douteuses et de la désinformation peu basée sur des faits.
Pendant ce mois de mai, par exemple, le journal de Carlos Fernando cherchait à détourner l'attention de l'enquête du Gouvernement sur le blanchiment d'argent présumé de sa famille en publiant une histoire absurde qui affirmait qu'une tentative de recouvrement par la mairie de Managua d'impôts en retard dûs par des corporations nicaraguayennes faisait partie d'un « plan d'extorsion de fonds. » Confidencial a aussi accusé la mairie de Managua de « terrorisme fiscal » parce qu'elle voulait obliger les élites riches à payer leurs impôts.
L'institution qui finance cette fabrique de désinformation est le Gouvernement des Etats-Unis. Confidencial est financé par la NED par l’intermédiaire des entreprises Invermedia et Promedia, propriété de Carlos Fernando.
Confidencial est également financé par le Gouvernement suisse, ce qui est normal puisque Carlos Fernando a employé une stratégie dans le style de celles des banques suisses pour créer une panoplie d'entreprises fantômes de fait destinées à recueillir des fonds étrangers pour les médias anti-sandinistes.
En plus de Confidencial, Invermedia et Promedia, Carlos Fernando dirige un groupe d'influence intitulé Centre d'Investigation de la Communication (CINCO).
Le Groupe CINCO, comme la Fondation Chamorro de sa sœur Cristiana, est financé par un autre Etat membre de l'Union Européenne, l'Agence Espagnole de Coopération Internationale pour le Développement (AECID).
Carlos Fernando Chamorro aide à diriger le groupe CINCO avec la célèbre activiste d'opposition Sofía Montenegro. Ils sont alliés avec le Mouvement de Rénovation Sandiniste (MRS), un parti d'opposition social-démocrate fondé par des activistes d'ONG de la classe haute et des enseignants qui ont demandé, dans les années 1980, une loyauté momentanée envers le mouvement sandiniste mais ont rompu avec lui quand ila perdu le pouvoir dans les années réclament 1990.
Quand le Front Sandiniste est revenu au pouvoir en 2007, les intellectuels libéraux riches comme Carlos Fernando Chamorro et Montenegro sont devenus les opposants les plus véhéments au Gouvernement. Ils se sont alliés à Washington, ont obtenu des sommes substantielles d'entités des Etats-Unis qui souhaitaient un changement de régime.
Les journalistes nicaraguayens Nora McCurdy et Stephen Sefton ont découvert des photos montrant Montenegro tenant des réunions amicales avec l'ambassade des Etats-Unis et les dirigeants du MRS.
Le MRS n'a jamais pu obtenir plus de 2% des voix à une élection présidentielle mais ses membres petits bourgeois dominent le secteur des ONG, des médias et de l'enseignement au Nicaragua. Le MRS a été un acteur important de la violente tentative de coup d'Etat soutenue par les Etats-Unis en 2018 en aidant à organiser et à fournir les divers éléments.
En janvier 2021, les dirigeants du MRS ont abandonné toute prétention de loyauté envers le sandinisme et ont changé le nom de leur parti en Union Démocratique de Rénovation ou UNAMOS.
La page web NicaLeaks a publié un document interne de USAID qui révèle que Montenegro et le Groupe CINCO qu'elle aide à diriger avec Carlos Fernando Chamorro sont financés par le Gouvernement des Etats-Unis.
En 2016, l'USAID a accordé à Montenegro une subvention de 80 000 $ pour 1 an pour financer son travail médiatique anti-sandiniste.
D'autres organisations fantômes dirigées par Carlos Fernando Chamorro comprennent le peu connu Fonds de Soutien au Journalisme d'Investigation, l'Association de Production du Journalisme Indépendant qui a son siège au Costa Rica, sa station de radio Onda Local et ses programmes de télévision «Esta Semana» et «Esta Noche».
La proximité de Carlos Fernando et de Cristiana Chamorro avec le Gouvernement des Etats-Unis se reflète dans le fait que tous 2 ont été invités à signer, en 2020, unde lettre ouverte mise au point par la NED qui accusait les « régimes autoritaires » d'exploiter la pandémie de COVID-19 pour « renforcer leur contrôle sur le pouvoir. » Beaucoup de puissants dirigeants politiques de droite de toute l'Amérique Latine se sont joints à eux .
Les Etats-Unis et l'Union Européenne accusent sans fondement le Nicaragua de blanchiment d'argent alors qu'ils financent les élites riches accusées de blanchiment d'argent.
Parmi les Nicaraguayens de la classe ouvrière moyenne, on sait bien que les oligarques Chamorro contrôlent d'innombrables entreprises fantômes, des groupes façade et des ONG politiques et que beaucoup de millions de dollars arrivent sur leurs comptes bancaires d'une quantité d'entités étrangères qui les patronnent. La famille est connue pour avoir des finances troubles.
L'enquête du Gouvernement sur le blanchiment d'argent présumé de la Fondation Chamorro se produit à un moment où le Nicaragua essaie de prendre des mesures énergiques contre l'évasion fiscale d'une partie des élites locales.
Ce mois-ci, l'Assemblée Nationale a voté un renforcement des lois sur le blanchiment d'argent pour mieux combattre le crime et a signalé que les nouvelles technologies et les monnaies virtuelles ont rendu plus facile de cacher sa richesse aux impôts.
L'augmentation de l'application des lois contre le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale a pour but d’organiser la base d'imposition au Nicaragua, qui a été très affecté par la tentative de coup d'Etat de 2018, les suivantes et les sanctions étasuniennes agressives qui ont bloqué de fait l'économie du pays hors du contrôle de Washington du système financier international.
En février 2020, le Nicaragua a été placé sur la « liste grise » du Groupe d'Action financière, un instrument créé par las nations du G7 apparemment pour réduire le blanchiment d'argent mais qui est, en fait, un bras économique de l'OTAN conçu pour punir les pays qui refusent de suivre la ligne néolibérale exigée par Washington et Bruxelles.
La même année, la Commission européenne a ajouté le Nicaragua sur sa liste courte de « pays tiers à haut risque, » une autre attaque économique du Gouvernement sandiniste déguisée en mesure contre le blanchiment d'argent.
Tandis que les Gouvernements occidentaux emploient des accusations douteuses de blanchiment d'argent pour étrangler économiquement le Nicaragua, ils continuent à canaliser des millions de dollars vers les élites conservatrices du Nicaragua, tristement célèbres pour leur comptabilité trouble.
L'objectif explicitement déclaré par l'USAID au Nicaragua: « la transition politique »
L'Agence des Etats-Unis pour le Développement International (USAID) est le principal organisme qui patronne financièrement l'opposition politique auNicaragua. La plupart des sandinistes de base connaissent bien la sombre histoire de l'USAID dans le pays et le nom de cette organisation est devenu synonyme d'ingérence et de déstabilisation.
Pendant les années 1980, l'USAID a aidé la CIA à réaliser des opérations secrètes destinées à armer et à financer les escadrons de la mort d'extrême-droite, la CONTRA. Le sous-secrétaire d'Etat de l'époque, Elliott Abrams, a admis que le Gouvernement Reagan avait envoyé des armes aux CONTRAS dans ce qu'on appelait des vols « d'aide humanitaire. »
Aujourd'hui, l'USAID joue le même rôle dans les tentatives de Washington pour renverser le Gouvernement de gauche élu démocratiquement non seulement au Nicaragua, mais aussi au Venezuela.
L'USAID a été utilisée pour canaliser des centaines de millions de $ au régime parallèle putschiste dirigé par Juan Guaidó. L'agence a aussi fait partie intégrante d'une violent e tentative de coup d'Etat des Etats-Unis au Venezuela en février 2019. En 2021, le propre bureau de l'inspecteur général du Gouvernement des Etats-Unis a reconnu que l'USAID avait commis une fraude pour financer les efforts de changement de régime au Venezuela.
Le fait que l'USAID veuille également un changement de régime au Nicaragua n'est pas secret. L'agence admet sur son propre site que l'USAID a mis en place au Nicaragua un programme patronné par son Bureau d'Initiatives de Transition (OTI).
L'objectif de l'OTI est simple: renverser les Gouvernements qui défient la domination politique et économique du monde par Washington. Il dit cela très clairement sur son site et explique que le bureau « soutient les objectifs de la politique étrangère des Etats-Unis « et « fournit une assistance rapide, flexible et à court terme destinée à une transition politique importante. »
L'USAID et l'OTI se vantent de soutenir la « société civile indépendante, les médias indépendants et les défenseurs des droits de l'Homme » ou, en d'autres termes, l'opposition de droite au Nicaragua pendant et depuis le coup d'Etat raté de 2018 en faisant pression pour une « sortie de la crise politique actuelle » et la fin du Gouvernement démocratiquement élu du président Daniel Ortega.
L'USAID et l'OTI ont été dénoncés pour avoir organisé un complot putschiste identique destiné à renverser le président élu du Venezuela, Hugo Chávez. Un câble secret du Département d'Etat des Etats-Unis publié en 2006 par WikiLeaks montre que la stratégie de changement de régime de l'USAID et et l'OTI avait pour but « d'infiltrer la base politique de Chávez, de diviser le chavisme, de protéger les affaires étasuniennes vitales et d'isoler Chávez au niveau international. »
Au Nicaragua, l'USAID avance vers les mêmes objectifs : infiltrer la base du Front Sandiniste, diviser le sandinisme, isoler le président Ortega au niveau international et, évidemment, promouvoir les intérêts des corporations étasuniennes.
En 2020, Grayzone a exposé le dernier schéma de changement de régime de l'USAID au Nicaragua en révélant un document interne qui contient le programme Responsive Assistance in Nicaragua (RAIN) de l'agence. Ce projet appelle ouvertement à renverser le Gouvernement sandiniste, à imposer des réformes néolibérales basées sur une « économie de marché, » la « protection des droits de propriété privée » et à épurer l'armée, la police et toutes les institutions de l'Etat de toute trace de sandinisme.
Le « Programme de Renforcement des Médias » de l'USAID de 9 400 000 $, finance les médias anti-sandinistes du Nicaragua.
La Fondation Chamorro, qui a reçu au moins 7 000 000 de $ de l'USAID de 2013 à ce jour, est le nœud central des opérations actuelles de l'USAID au Nicaragua.
Une grande partie des informations concernant les subventions de l'USAID au Nicaragua est extraite de documents qui citent la loi sur la transparence et la responsabilité de l'aide étrangère de 2016 comme justification. Elles ont été plus complètes depuis que la tentative ratée de coup d'Etat de 2018 a révélé au grand jour la portée de la pénétration des Etats-Unis dans la société civile nicaraguayenne.
En 2020, par exemple, une organisation, au Nicaragua, a reçu 2 820 000 $ de l'USAID mais l'agence écrivait le nom du destinataire et la nature de ses activités. En 2021, l'USAID a à nouveau occulté le nom des destinataires et les raisons de la subvention de 1 600 000 $ et d'une autre subvention de 1 200 000 $.
Cela signifie que le chiffre de 7 000 000 de $ remis à la Fondation Chamorro n'est qu'une estimation et que la somme réelle remise par les Etats-Unis à la Fondation et à d'autres organisations pourrait être nettement supérieure.
Les registres publics existants montrent que l'USAID a exécuté ses programmes de soutien à l'opposition au Nicaragua par l’intermédiaire de différents sous-traitants :
Institut National Démocrate (NDI), qui a aussi entraîné les forces d'opposition contre le président socialiste Rafael Correa en Equateur.
Institut Républicain International (IRI), qui a joué un rôle clef dans les coups d'Etat soutenus par les Etats-Unis contre le président progressiste d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide
Freedom House, un groupe de pression para le changement de régime
US Consortium for Elections and Political Process Strengthening (CEPPS)
World Bank’s International Finance Corporation
International Research and Exchanges Board (IREX)
RTI International
Global Communities
Creative Associates International
FHI 360
Fondation Chamorro
Les données internes de l'USAID contrôlées par Grayzone montrent que l'USAID a un programme de plusieurs millions depuis une décennie avec la Fondation Chamorro destiné à créer, à financer, à former des médias de droite au Nicaragua.
Intitulé « Programme de renforcement des médias, » cette initiative est très confidentielle mais les registres de l'USAID montrent qu'en 2014, l'agence a signé un accord de 9 400 000 $ avec la Fondation Chamorro pour superviser leprogramme qui devait être mené à bien jusqu'en 2023.
En mai 2021, plus de 7 000 000 de $ sur les 9 400 000 assignés à ce programme avaient été remis à la Fondation.
Il n'y a pas de rapport interne qui expose la portée du Programme de renforcement des médias de l'USAID et il n'est presque pas mentionné sur internet, sauf dans 2 rapports d'audit publiés par le Bureau de l'Inspecteur Général de l'agence.
Mais l'USAID met en œuvre un programme similaire au Mozambique, un autre pays précédemment colonisé gouverné par la parti révolutionnaire qui a renversé le régime colonial, dans ce cas, le FRELIMO, ou Front de Libération du Mozambique.
Au Nicaragua, le site web NicaLeaks a publié des documents internes qui montrent qu'au moins 12 médias d'opposition sont des « partenaires » de la Fondation Chamorro et, par conséquent, reçoivent un financement de l'USAID.
Parmi les partenaires clefs de la Fondation USAID/Chamorro se trouve le réseau de droite 100% Noticias, qui a joué in rôle important dans la tentative ratée de coup d'Etat de 2018 en diffusant de fausses informations, en incitant à la violence contre les sandinsites et en encourageant les spectateurs à prendre les armes contre le Gouvernement élu.
Le directeur de 100% Noticias, Miguel Mora, qui a demandé en 2018, une invasion militaire du Nicaragua par les Etats-Unis dans le style de l'invasion du Panamá , a reçu personnellement 43 100 $ de l'USAID par l'intermédiaire de la Fondation Chamorro en 2015. Et cette subvention n'est que pour 1 an dans un programme qui doit durer 10 ans.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Source en espagnol :
URL de cet article :
http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/06/nicaragua-ce-qu-il-faut-savoir-sur-l-opposition-2.html