Amérique Latine : Remplacer l'OEA par la CELAC, une idée d'Hugo Chávez
Le président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador, qui exerce actuellement la présidence tournante de la Communauté des Etats Latino-américains et Caribéens (CELAC) a appelé frécemment à remplacer l’Organisation des Etats Américains (OEA) dont le siège se trouve à Washington (USA) par une organisation indépendante d'un nouveau modèle qui œuvre pour l'intégration des pays d'Amérique Latine et des Caraïbes.
« La proposition est, ni plus ni moins, de construire quelque chose comme l'Union européenne mais d'attaché à notre histoire, à notre réalité et à nos identités, » a dit AMLO lors d’une cérémonie destinée à commémorer le 238 ème anniversaire de al naissance du Libérateur Simón Bolívar.
« Dans cet esprit, on ne doit pas écarter l'idée de remplacer l'OEA par un organisme véritablement autonome, qui ne soit la laquais de personne, mais un médiateur à la demande et avec l'accord des parties en conflit dans les affaires concernant les droits de l'Homme et la démocratie, » a-t-il ajouté, en s'adressant aux chanceliers et aux représentants des pays de la région au château de Chapultepec.
D'autres pays se sont prononcés dans le même sens.
Luis Arce, président de la Bolivie, a déclaré sur Twitter le 26 juillet qu'il est d'accord avec les déclarations de son homologue mexicain.
Le Nicaragua, le pays auquel l'OEA a récemment envisagé d'appliquer la Charte Démocratique et qu'elle a envisagé de suspendre, a déjà déclaré tourner le dos à cette organisation.
Le président de l'Argentina, Alberto Fernández, a décaré mercredi que « l'OEA a cessé d'être un organisme qui fonctionne et qui sert l'Amérique Latine » et donc, qu'il faut « créer un nouvel environnement qui exprime mieux » les intérêts de la région.
Enfin... 10 ans plus tard !
Si cette position est nouvelle pour le Mexique et l'Argentine, il y a 10 ans, le président du Venezuela, Hugo Chávez, qui fut le principal fondateur de la CELAC en 2011, avait exprimé l'espoir qu'à moyen terme, cette organisation remplace l'OEA.
A ce moment-là, Chávez et Rafael Correa de l'Equateur, Evo Morales de Bolivie et Raúl Castro de Cuba, le noyau dur de l'Alternative Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique (ALBA-TCP), avaient une position commune qui consistait à chercher à poser, dans ce nouveau mécanisme, les bases élémentaires d'un nouveau système régional sans les Etats-Unis ni le Canada.
Des pays dont la position était plus modérée comme l'Argentine de Cristina Fernández et le Brésil de Dilma Rousseff et de Lula Da Silva ont aussi contribué à la fondation de la CELAC et on a invité les pays de la Communauté des Caraïbes, traditionnellement non alignées sur les positions de l'Amérique hispanique continentale, à en faire partie. Ils n'étaient déjà en grande partie plus exclus depuis qu'ils participaient à l'ALBA-TCP grâce au mécanisme PETROCARIBE.
Le note dissonante, lors de la fondation CELAC vint de la Colombie, dirigée par Álvaro Uribe. Lors des événements préparatoires, pendant la transition entre le Groupe de Río et la CELAC, Uribe s'est ingénié à ralentir les accords et même à essayer de les saboter. Mais lorsqueJuan Manuel Santos a été élu, la Colombie a rejoint la CELAC.
Les processus politiques régionaux ont été en grande partie modelés sous la dénomination de « système inter-américain » que les Etats-Unis ont imposée juste pour que ce soient leurs règles concernant les relations internationales qui s’appliquent dans leur « zone d'influence » ou plutôt leur « arrière-cour. »
Mais les revirements de la politique régionale qui ont été en grande partie favorisés par Chávez étaient dûs à la fondation de l'ALBA-TCP avec Fidel Castro, à La Havane en 2004 et ensuite par la création de l'Union des Nations Sud-américaines (UNASUR) en 2008. Ce sont des mécanismes qui se sont imposés à l'échelle de la sous-région et sont apparues comme des coordinations anti-hégémoniques clairement opposées à l'OEA.
En 2009 Chávez a envisagé, comme il l'avait déjà fait, de retirer le Venezuela de l'OEA et de créer un orgnaisma parallèle.
« Si cela continue ainsi, il faut vraiment se demander :; pourquoi l'OEA ? Pour que le cynisme continue ? (…) Venezuela pourrait quitter l'OEA et créer (un nouvel instrument) ou inviter les peuples de ce continent à nous libérer de ces vieux instruments et de créer une organisation des peuples d'Amérique Latine, des peuples libres. »
Lorsque la CELAC a été créée à Caracas en 2011, les critiques politiques et les médias régionaux de droite s'en sont pris au Venezuela, en affirmant qu'ils craignaient que Chávez cherche à remplacer l'OEA. Ils avaient raison bien qu'à l'époque, seuls Chávez et quelques présidents de l'ALBA-TCP l'aient envisagé.
Cette prédiction a été constante, en particulier depuis que le Venezuela est présidé par Nicolás Maduro, car depuis 2017, face à une ambiance d'hostilité évidente, le pays a décidé de se retirer de l’organisme et l'a fait effectivement en 2019, à la fin du délai prévu pour cette procédure.
Aujourd'hui, l'OEA accueille de façon aberrante comme représentant du Venezuela en qualité d'« ambassadeur » un représentant du Gouvernement de Guaidó qui n'existe pas L'OEA prend activement position sur tous les sujets qui peuvent lui permettre de promouvoir une intervention et une ingérence au Venezuela.
En 2019, elle a invoqué le Traité Inter-américain d'Assistance Réciproque (TIAR), et elle a même discuté de l'éventualité d'une intervention militaire et pris des mesures coercitives économiques, financières et commerciales contre le pays qui n'en faisait déjà plus partie.
Heureusement, enfin, 10 ans plus tard, d'autres pays ont pris une position ouverte à l'idée que l’organisation qui a son siège à Washington est finie.
La réformer et y rester, ce n'est pas comme en créer une nouvelle.
Juste après les déclarations d'Andrés Manuel López Obrador, la Chambre des Représentants des Etats-Unis a approuvé la loi sur les assignations de fonds pour des opérations à l'étranger et a également approuvé une loi qui appelle le Gouvernement du président Joe Biden à enquêter pour savoir si les dénonciations sans fondement de l'OEA concernant les « irrégularités électorales » en Bolivie ont abouti à un coup d'Etat contre l'ex-président Evo Morales en 2019.
La Bolivie revient comme un boomerang car c'est un cas évident d'ingérence et de déstabilisation commises par l'OEA contre un pays pendant la période récente. La loi sur les assignations de fonds pour des opérations à l'étranger demande au Département d'Etat de demander des comptes à l'OEA concernant son comportement en Bolivie pour « garantir que des attaques semblables contre la démocratie ne se produisent plus » dit un communiqué de la Chambre en donnant pour certain que ces attaques ont bien eu en Bolivie mais sans préciser qui en est responsable.
On peut interpréter cela comme un contrôle de dommages, à cause du fait que cela se produit maintenant. Déjà en novembre 2019 un groupe de membres du Congrès des Etats-Unis avait demandé à l'OEA des explications concernant le rapport de la mission d'observation des élections en Bolivie et avait révélé qu'effectivement, l’organisation avait joué un rôle important dans le déroulement du coup d'Etat contra Evo Morales en 2019 en en créant les conditions. Cela n'avait pas été pris en compte et maintenant, presque 2 ans plus tard, le Parlement étasunien décide d'agir...
Il faut comprendre que ces mesures destinées « à attirer l'attention » sur l'OEA viennent du Parlement des Etats-Unis et de leur mécanisme de financement des opérations à l'étranger. C'est à dire que le Gouvernement étasunien, en fait, traite l'OEA plus comme une instance qui dépendrait de son cabinet et ce n'est pas pour rien que Fidel Castro l’appelait « ministère des colonies » des Etats-Unis.
De plus, le Conseil Permanent de l'OEA, la structure qui serait habilitée à remettre en question la mission électorale en Bolivie en 2019 et le Secrétaire Général Luis Almagro, n'a jamais discuté de ce point. Ce sont les Etasuniens eux-mêmes qui se chargent directement de le faire.
On ne sait pas encore ce qui peut découler des déclarations des présidents du Mexique et de l'Argentine auxquels s'ajoutent les plaintes formulées par le Venezuela et d'autres pays de l'ALBA-TCP pendant ces 10 dernières années. Renforcer cette aspiration serait une prouesse et peut-être le cadre actuel de désintégration partielle de la région pourrait-il avoir une grand influence sur cela.
Mais nous devons être certains que le Gouvernement étasunien souhaite réellement reprendre sa position de « leader » qui décide de tout dans le monde et évidemment aussi en 'Amérique Latine et dans les Caraïbes. Complot, pressions sur les pays, destruction de toute initiative qui ne fait pas partie de son ordre du jour, sont à l'ordre du jour et il est probable que pour cela, il doive remettre en question l'OEA et Luis Almagro. Nous allons le voir.
Ce qui est important actuellement, ce n'est pas qu'on puisse « raccommoder » l'OEA, c'est que les discours du Mexique et de l'Argentine soient l'expression d'une aspiration réelle et que cette aspiration puisse devenir réalité avec la création d'un autre organisme depuis la CELAC. En dehors de cela, que nos pays hors de la sphère d’influence des Etats-Unis, restent à l'OEA n'aurait pas de sens.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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