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Pérou : Le départ d’Hector Béjar ne résoudra rien

18 Août 2021, 16:46pm

Publié par Bolivar Infos

Ceux qui pensent que le départ d'Hector Béjar de la chancellerie résoudra la crise politique se trompent complètement. Elle ne s’achève pas ici, ici elle commence.

 

La mafia, vaincue pour l’instant, passera à l’offensive avec l’arrogance que nous lui connaissons tous et cherchera à tout détruire. Dans l’immédiat, elle exigera le départ d’autres ministres, ensuite,  le changement de cabinet ou sa censure, ensuite la rectification des changements de direction du Gouvernement. Enfin elle cherchera à renverser Pedro Castillo.

 

Ce n’est pas une prémonition ni un mauvais augure. C’est simplement la logique politique et dans ce cas, elle est marquée par le comportement des forces agissantes dont le pays connaît les antécédents. Voyons certains des éléments qui doivent être pris en compte.

 

Les déclarations remises en question

 

Tout d’abord il faut signaler que le ministre des relations extérieures remis en question par le haut commandement naval n’a fait aucune déclaration qui aurait pu porter atteinte à la marina ou à qui que ce soit.

 

La déclaration qui a provoqué l’indignation des militaires a été faite non par le ministre mais par le professeur d’université et analyste politique, bien longtemps avant qu’il ne soit chancelier, alors qu’il analysait l’ensemble de la situation du pays dans le cadre d’une interprétation de faits qui se sont produits et de leurs conséquences.

 

Si cela peut être utilisé comme outil politique, il faudrait se demander pourquoi on ne s’en est pas servi ainsi que d’autres arguments proches quand Alan Garcia a fait l’éloge du « mysticisme » des membres du Sentier Lumineux et Armando Villanueva a fait l'loge d’Edith Lagos ?

 

Pourquoi ce qu'a dit Hector Béjar est-il une horreur et le fait que Fujimori ait « négocié  » avec Abimael Guzman, par personne interposée, pour obtenir une « reddition » discutable, ne l’est pas ?

 

Ce qui se passe, c’est qu’ils utilisent à présent cet argument pour obtenir la chute d’un ministre qui a proposé une politique étrangère autonome, indépendante et souveraine, différente de celle que la mafia proposait pendant la campagne électorale, c’est-à-dire, une autre, soumise au dictats de l’empire et aux intérêts de l’extrême droite péruvienne et  étrangère.

 

Ils renversent Hector Béjart parce qu’il a annoncé le départ du pays du Groupe de Lima discrédité et  obsolète, parce qu’il a annoncé le rétablissement des relations avec le Gouvernement constitutionnel du Venezuela, parce qu’il s’est déclaré ami de Cuba, parce qu’il a rejeté la politique de blocus, de menaces et d’ingérence étrangère comme celle qu’utilise le Gouvernement des États-Unis pour châtier les peuples. C'est cela, la cause de la furieuse offensive déchaînée par la réaction grâce à ses différents porte-parole.

 

Les « déclarations » n'ont été que le prétexte utilisé pour unir les volontés sous l'en-tête du soi-disant patriotisme. Les marins se sont déclarés « héritiers » de Grau, comme si l'amiral avait approuvé une fois une politique opposée.

 

La politique étrangère et le Président

 

Il faut rappeler que, selon l’article 118 de la Constitution en vigueur, § 11, diriger la politique étrangère de l’État est une attribution du président de la république. Ce n’est pas le rôle du chancelier. Le chef de l’État nomme un ministre pour qu’il exécute les dispositions qu’il prend en la matière mais celui qui décide, c’est lui.

 

C’est pourquoi le chancelier ne peut pas être « interpelé ». Au mieux il peut être invité à la commission des relations étrangères du Congrès pour qu’il « informe » sur le déroulement de la politique étrangère que le président de la république a décidé de mettre en œuvre.

 

En d’autres termes, le Congrès pourrait interpeller tous les ministres sauf le chancelier. C’est le président qui devrait rendre compte de ses actes. Personne d’autre. Et en effet le président pourrait demander au ministre des Relations Etrangères de rendre compte de ses actes ou de la façon dont il gère l’application de ses politiques.

 

La Marine et le terrorisme

 

Au cœur de la déclaration qui est remise en question se trouvent la terrorisme et la marine de guerre.

 

Les vice-amiraux – le seul amiral est don Miguel Grau Seminario – ont déchaîné leur ire parce qu'ils se sont sentis « offensés » par une allusion aux activités terroristes de la marine de guerre.

 

Cesar Hildebrandt, qui connaît bien ce sujet, a remis chaque chose à sa place mais on n'a pas besoin d'être comme lui pour rappeler une chose qui est encore vivante dans la mémoire de millions de Péruviens : sous Velasco Alvarado, entre 1974 et 1975, les logements de 2 commandants de la marine, le vice-amiral Larco Cox et le vice-amiral Faura Gaig ont été dynamités. C'était bien avant le « Sentier Lumineux. »

 

Un peu plus tard, entre 1977 et 1978, toujours avant que le « Sentier Lumineux » n'existe, des charges explosives ont été placées dans 2 bateaux de pèche cubains à l'ancre dans la rade de Callao. Dans tous les cas, le Gouvernement des Etats-Unis a dénoncé la main de la marine de guerre du Pérou.

 

Des officiers de marine comme Álvaro Artaza -“Commandant Camión”- et Oscar Brain ont participé à ces actes terroristes ainsi qu'à d'autres. Le premier a dû quitter le pays, on lui a changé son nom et il a « disparu » pour que personne n'enquête sur ses actes et le second s'est volatilisé aussi à ce moment-là.

 

Mais l'infanterie de marine a opéré à Ayacucho et a participé activement à la tuerie d'Aucayacu – vous vous en souvenez ? - et à ce qui s'est passé au stade municipal de de Huanta où « a disparu, » entre autres, Jaime Ayala Sulca, reporter au journal “La República.” L'avez-vous oublié ?

 

Du reste, ce sont des membres de l'infanterie de marine qui ont tué à Páez,, le village du Cône B-Nord et qui ont ôté la vie à 6 Péruviens, le 19 juillet 1977, pendant la grève nationale. Et même la « voiture piégée » qui a explosé devant la Chaîne 2 était une charrue. Vous en souvenez-vous ?

 

Dire que la marine a eu à voir avec ces faits, ce n'est pas vraiment inventer la poudre. C'est mettre le doigt dans la plaie. C'est pourquoi ils sautent au plafond quand on rappelle ces épisodes sinistres de la vie du pays.

 

Le commandement naval devrait les reconnaître et demander humblement pardon à tous les Péruviens mais il ne le fait pas. Au contraire, il crache férocement sur ceux qui font allusion à ces histoires.

 

La démission

 

Malgré la furibonde campagne de l'extrême-droite, le ministre n'aurait pas dû démissionner mais il l'a fiat, découragé par l'absence de solidarité du cabinet et par la facilité avec laquelle certains, comme le ministre de la Défense et même le premier ministre, ont cédé aux pressions de l'ennemi. En tout cas, il a eu le courage de résister et d'affirmer que pour lui, la lutte continue. Et ce doit être ainsi.

 

Tant qu'elle aua l’appareil de production et l'économie dans ses mains, tant qu'elle sera la patronne des médias – presse écrite, radio et télévision – tant que le Gouvernement ne dépassera pas l'apathie qui le paralyse et tant que Pedro Castillo ne prendra pas la direction du peuple pour lutter avec lui et à partir de lui, en prenant en mains les drapeaux essentiels du processus que vit la pays, la droite restera imbattable.

 

Les choses pourraient changer si l'avant-garde se montre, si le Gouvernement devient homogène, si l'unité et la capacité opérationnelle de la gauche s'affirment et si l'autorité d'un Président qui doit tout au peuple se renforce.

 

Traduction Françoise Lopes pour Bolivar infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2021/08/17/peru-lo-que-se-viene/

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