Cuba : Comment a-t-on pu croire à de telles absurdités ?
Dans l'une de ses chansons les plus emblématiques, Jalisco Park, l'auteur-compositeur-interprète cubain Carlos Varela établit un parallèle entre le parc en ruine de son enfance et sa vie, inextricablement mêlée à l'histoire de Cuba. Dans un de ses vers, il affirme :
Auteur: Michel E. Torres Corona | informacion@granmai.cu
23 février 2022 08:02:22
Dans l'une de ses chansons les plus emblématiques, Jalisco Park, l'auteur-compositeur-interprète cubain Carlos Varela établit un parallèle entre le parc en ruine de son enfance et sa vie, inextricablement mêlée à l'histoire de Cuba. Dans un de ses vers, il affirme : « Ils ont voulu faire dérailler la montagne russe avec toutes les calomnies de la patria potestad (autorité parentale). Et puis le père de mon petit camarade l'a emmené faire un tour sur le petit bateau et il n'est jamais revenu. »
C'était les premières années de la Révolution et la propagande anti-communiste était à son apogée. On disait que les Soviétiques démantelaient les familles, séparaient les enfants de leurs parents, que l'État tout-puissant arrachait les enfants à leur foyer et les endoctrinait pour en faire des serfs robotisés. Les rumeurs les plus apocalyptiques parlaient même de cannibalisme : les communistes mangeaient les bébés ou exportaient leur viande en conserve.
Ainsi, la « montagne russe », l'Union soviétique, l'influence du communisme à Cuba, devenait dans l'esprit de certains crédules une ombre qui planait sur leurs maisons, sur leur vie privée, sur leur progéniture. Il fallait à tout prix fuir ce monstre aux tentacules infinis et incommensurables. C'est alors que fut mise en branle l'Opération Peter Pan.
En utilisant la « calomnie de l'autorité parentale », qui n'était rien d'autre qu'un mensonge grossier sur une prétendue réglementation que le gouvernement révolutionnaire cubain approuverait dans un avenir pas trop lointain pour « exproprier » les enfants de leurs parents, des agents des services spéciaux étasuniens, des marionnettes réactionnaires et certaines autorités ecclésiastiques ourdirent un complot pour convaincre plusieurs familles d'envoyer leurs plus jeunes enfants aux États-Unis.
De nombreux « petits camarades » firent leurs adieux à Cuba et durent attendre de nombreuses années avant de revoir leur pays. Certains ne revinrent jamais. Les « enfants perdus » ne furent pas emmenés à Neverland, l'île fantastique pleine d'Indiens et de pirates, mais dans des endroits où ils ont souvent été victimes de violations, abusés de mille et une façons, des endroits où ils ont subi des traumatismes à vie. Leurs parents, cibles de la propagande anti-cubaine et anti-communiste, étaient convaincus de leur avoir rendu un grand service.
La triste ironie de cette histoire, aussi réelle que déchirante, est que, en essayant de protéger leurs « droits parentaux », ces personnes avaient renoncé à voir leurs enfants grandir. Les enfants sont devenus adolescents, jeunes adultes, voire adultes, sans pouvoir revoir leur « famille d'origine ». Et, à ce moment-là, les cicatrices étaient souvent si profondes que la même affection n'existerait plus jamais entre eux.
Lorsque l'on lit ou que l'on apprend des choses sur cette période de l'histoire du pays, la perplexité l'emporte souvent sur tout autre sentiment. Comment est-il possible que quelqu'un puisse croire à toutes ces histoires ?
Avec une certaine condescendance, nous parvenons à justifier ce fait par les circonstances, la naïveté qui régnait à cette époque, la désinformation résultant de la déconnexion. Mais la réalité est qu'aujourd'hui, des décennies après l'Opération Peter Pan, certains des mêmes arguments ridicules et faux sont à nouveau invoqués, cette fois à propos du futur Code des familles.
Nous ne pouvons qu'espérer que cette fois-ci, il y aura moins de personnes qui se laisseront manipuler et que les gens, plus conscients et plus connectés, approfondiront leurs connaissances et rechercheront de plus en plus d'informations avant de donner leur avis et de prendre des décisions. Cuba ne mérite pas d'avoir de nouveaux « enfants perdus », ni d'être confondue avec Neverland, ni d'écouter avec mélancolie les accords d'une chanson, les accords d'un jeune chanteur qui a perdu un ami d'enfance à cause d’individus abjects qui ont su manipuler des personnes crédules.
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