ChilI : Le mauvais début de Boric avec les émigrés vénézuéliens
Par Franco Vielma
Récemment, le président élu et déjà en fonction, Gabriel Boric, a ab ordé la situation des émigrés vénézuéliens dans son pays et a proposé un plan d’action international.
Ce lundi 14 mars, Boric a dit qu’il demandait les conseils des Gouvernements européens sur « le système de quotas » qu’ils ont appliqué à l’exode syrien.
« Nous avons demandé l’opinion de présidents étrangers à propos de cela. Nous devons en parler multilatéralement mais je pense que nous pourriosn tous y gagner, aussi bien les pays que les émigrés, qui émigrent dans une situation très désespérée. Souvent, en surchargeant un seul pays, ils se retrouvent dans une situation d’insertion très difficile, » a-t-il expliqué.
Boric fait face au « problème » d’une forte affluence d’émigrés vénézuéliens dont beaucoup sont venus, invités par Sebastián Piñera depuis Cúcuta en 2019, dans le cadre de cette opération de changement de régime contre Caracas à laquelle des dirigeants de la région ont participé grâce à la mise en place du soi-disant Gouvernement parallèle raté de Juan Guaidó.
Mais d’autres facteurs comme des conditions de vie plus dures au Pérou, en Equateur et en Colombie à cause du pic de la pandémie de COVID-19 ont accéléré le flux de Vénézuéliens au Chili au milieu d’une cruelle pauvreté et de la discrimination.
Boric a indiqué que les conditions de la collaboration multilatérale dans la région sont affaiblies par l’existence d’instances qui ne font pas l’unanimité parmi les Gouvernements comme l’UNASUR, le PROSUR et le Groupe de Lima, mais il n’a pas fait allusion à l’OEA (un détail important).Il n’a pas dit non plus que la destruction du multilatéralisme dans la région obéit à une action programmée par le Département d’État dans laquelle les Gouvernements de droite oin -t eu un rôle prépondérant en suivant ses directives.
Pour commencer, Boric devrait déclarer que « l’union dans la diversité » que propose le Venezuela depuis toujours n’intéresse pas le grand patron du continent mais qu’il a mis la migration à la première place de son ordre du jour dans la région dans son discours.
C’est important car c’est le facteur central de la gouvernance de al région, crucial pour créer un système de « quotas » de migrants théoriquement répartis de façon équitable dans la région.
Copier l’expérience « réussie » de l’Europe?
L’Europe n’est pas le meilleur exemple d’une politique réussie en matière de migration et ça se voit au premier coup d’oeil. Que Boric cherche les conseils des Européens est déjà porteur d’échec car c’est ignorer la tragédie que les migrants vivent aujourd’hui aux portes de l’Europe.
En 2020, la Commission Européenne a discuté de l’épuisement de son modèle d’accueil des migrants, des réfugiés et des déplacés qui avait été développé depuis 2015. Pour le moment, on a envisgé de renoncer aux quotas dans la « répartition » des réfugiés et d’en expulser beaucoup.
Bruxelles a démantelé sa politique de quotas en échange d’une sorte de solidarité à la carte dans laquelle on pourrait opter pour accueillir des migrants ou pour aider à les expulser. Maintenant, la Commission Européenne a proposé un nouveau système centré surtout sur l’assouplissement des attributions de migrants vers leurs pays d’origine quand ils n’obtiennent pas le droit d’asile. Mais cette mesure ne convainc aucun Gouvernement et est bloquée depuis 1 an.
Ce système d’accueil par quotas auquel se réfère Boric ne fonctionne pas, de fait, il n’a pas été appliqué et, en outre, il est en train d’être déformé de façon conjoncturelle en faveur de l’accueil sélectif d’Ukrainiens déplacés par la guerre. D’où le fait que sans une politique migratoire définie et homologuée par le bloc européen, tout sera à présent plus difficile à cause du fait que les Gouvernement agissent de façon la discrétionnaire dans l’application de l’accueil des déplacés pour des raisons politiques guidées par la guerre au détriment des hommes et des femmes bruns qui vivent dans des camps depuis déjà des mois.
La stratégie des quotas a échoué de façon évidente, au point que seul un quart des réfugiés en Europe ont été assimilés par ce système. Cela a provoqué une énorme prolifération de camps de réfugiés en Grèce, en Turquie, en Hongrie et en Pologne. La Biélorussie, un pays qui n’est pas membre de l’Union Européenne, a même servi d’État « tampon » ou contention de la migration vers la Pologne.
Le résultat de la politique migratoire européenne ratée, soi-disant human itaire, s’est renforcé grâce à des territoires entourés de murailles et barricadés, des camps « d’accueil » de migrants qui, à la base, ont été des camps de détention à ciel ouvert. C’est le monde dystopique du film Children of men, rendu réel dans un bourbier d’Europe de l’Est.
L’échec des institutions européennes s’exprime dans la nombre de morts par noyade en Mer Méditerranée qui, selon les Nations Unies, a dépassé les 20 000 entre 2014 et 2020. Mais, en plus, les hivers ont coûté des vies dans les camps de réfugiés en Grèce, en Hongrie et en Pologne, par dizaines, année après année. Le décompte est dantesque.
L’échec de l’Europe a été clair dans da dispute pour les ressources et pour la délégation des responsabilités. Un énorme budget demandé et une délégation de responsabilités aberrante. Les pays européens n’ont pas respecté les « quotas » fixés et le comble, c’est qu’ils ont renvoyé la responsabilité aux autres à cause de leur politique ratée car en 2021 l’UE a préparé des « sanctions » contre la Biélorussie en l’accusant d’utiliser les migrants comme « arme politique d’attaque hybride contre la sécurité de l’Union Européenne. »
Ces éléments évoquent une politique de chaos dont on suppose qu’elle devrait pas avoir de soutien dans la communauté européenne unie. Nous envisageons d’appliquer cette formule à une région divisée grâce à l’ordre du jour des Etats-Unis consistant à convertir le Venezuela, le Nicaragua et Cuba en parias de la région.
Une politique qui demande une coordination hautement efficace a-t-elle un avenir dans une région dans laquelle on impose aux pays une façon manichéenne et délirante de choisir entre reconnaître ou non le président Nicolás Maduro ou ce pantin de Juan Guaidó?
B ien que le cadre régional ait changé en partie, le plan de Boric est-il viable dans une région où selon le plan du Département d’État yankee, les propres gauches sont divisées entre celles qui font partie de « l’axe du Mal » et les gauches « modérées » et tièdes ?
Oui, le cadre régional est en train de changer. Et le Groupe de Lima n’existe pratiquement plus mais maintenant, on ouvre la voie, peut-être pour le remplacer, au phénomène qui, pour la gauche light met le Venezuela à l’épicentre des récits stigmatisants.
Corruption et politiques ratées entre Gouvernements mais
Le rapprochement de Boric avec des méthodes ratées dans une situation plus contraire demande de revoir d’autres regrettables faits du passé. La migration vénézuélienne est devenue, pour le « Gouvernement parallèle » de Guaidó et pour certains Gouvernements de la région une source de corruption.
En 2021, l’USAID elle-même a publié un document intitulé « Procédures améliorées et conditions nécessaires de mise en place pour les défis et les risques de fraude dans la réponse de l’USAID à propos du Venezuela » qui indique que seulement environ 2 % de « l’aide humanitaire » de l’USAID est parvenue dans les mains de ceux qui en avaient besoin alors que les 98 % restant ont été attribués à des objectifs différents des objectifs originaux.
Selon ce document, quelques 507 000 000 de $ remis par l’USAID ont été gérés par 6 pays et ont été » distribués entre plusieurs opérateurs répartis en 2 types d’assistance : l’assistance humanitaire (260 000 000). et l’assistance au développement (247 400 000).
En réalité, l’unité politique et idéologique dont ont joui les Gouvernements de Duque, Moreno, Piñera, Macri, Bolsonaro et de Vizcarra à leur époque, n’a eu aucune influence sur la condition des migrants mais a été assez utile au lucre et au vol car l’arrivée de Vénézuéliens à pied, avec la faim et le froid qui règnent au Chili, prouve que les programmes « d’aide » n’existent pas. L’argent a été volé.
Si Boric veut une cohésion politique ou une action multilatérale des Gouvernements pour faire fonctionner son idée, il a devant lui le grave défi que les propres sources habituelles de ressources pour « l’aide humanitaire » et « la migration vénézuélienne », c’est à dire le Gouvernement étasunien et l’(Union européenne ont aidé à corrompre la politique régionale en remettant l’argent sans aucun contrôle de son utilisation et de ses buts.
D’autres acteurs, par contre, ont utilisé la migration vénézuélienne comme une entreprise à laquelle même beaucoup d’ONG font des collectes de fonds sans clarté en ce qui concerne la destination des ressources.
L’exemple le plus clair de cette corruption est celui du représentant du « faux gouvernement » de Juan Guaidó auquel le Gouvernement étasunien a remis des centaines de millions de $ qu’il a gelés à la République. L’entreprise internationale de corruption de Guaidó a utilisé ces fonds au nom de la situation des Vénézuéliens à l’étranger et à cause du fait que c’était en marge des lois vénézuéliennes, ceux-ci n’ont été sujets à aucune règle, aucune reddition de comptes ou aucun contrôle. Aucune banque étasunienne ou de la région ne remet au Venezuela de preuves de ces mouvements à cause du blocus et de l’isolement.
Appeler Maduro ou échouer
Le Gouvernement de Boric se trouve devant un dilemme inéluctable : rester bloqué ou non dans le discours de campagne qu’il a utilisé en évoquant le Gouvernement vénézuélien. Il se trouve face au dilemme d’assumer le discours du Groupe de Lima comme son discours propre sur la migration vénézuélienne (dans une re-mastérisation dans son propre style) ou engager des relations sérieuses avec Caracas. Cela va bien au-delà d’uen reconnaissance du président Maduro, cela demanderait, dans ce cas, un ordre du jour conjoint.
En termes strictement pratiques, le seul qui pourrait aider Boric à régler la situation des Vénézuéliens au Chili, c’est le président Maduro en personne. Etant donné les précédents créés par le Venezuela ces dernières années qui ont été ignorés ou occultés à cause de l’intérêt politique et des récits des politiciens et des médias, le Venezuela s’est retrouvé au centre du problème mais pas des solutions.
Toutes les grandes crises migratoires régionales du passé et du présent comme la crise mexicaine, la crise colombienne et la crise de l’Amérique Centrale ont été, ont été, statistiquement, plus importantes que la migration vénézuélienne. Mais le Venezuela est le seul pays qui a vraiment développé un plan destiné à se rendre à l’étranger et à faire rentrer ses citoyens, le Plan de la Patrie, grâce auquel 350 000 Vénézuéliens sont rentrés dans leur pays.
Même si, de 2019 à 2020, le Venezuela a perdu 99% de ses revenus en devises étrangères à cause du blocus des Etats-Unis, il a envoyé dans des avions, des bus et des bateaux propriétés de l’État vénézuélien dans les pays voisins pour ramener ses citoyens. C’est el seul pays qui a eu une politique cohérente en cette matière et cela lui a coûté très cher, une dépense à laquelle aucun Gouvernement voisin n’a participé.
On devrait se souvenir de ce plan au Chili car des centaines de Vénézuéliens en situation précaire, sans moyens pour rentrer, se sont réunis à l’époque devant l’ambassade du Venezuela à Santiago dans l’attente de rotations et de pouvoir avoir un vol. Ce plan a été dans certains cas l’objet de sabotages, on a empêché les avions de la compagnie aérienne d’État injustement « sanctionnée » CONVIASA d‘atterrir et de faire le plein de carburant.
D’autre part, la Colombie a instauré un siège sur la frontière et refuse la passage des bus de l’État vénézuélien qui rapatrient les Vénézuéliens aussi bien en Colombie que dans d’autres pays. S’il y avait seulement la moindre collaboration entre les Gouvernements, le Venezuela pourrait envoyer des flottes de bus pour les migrants qui souhaitent rentrer.
En tous cas, ils sont des centaines de milliers, les Vénézuéliens qui sont probablement dans une situation très complexe dans différents pays et qui n’ont pas les moyens de rentrer. Coopérer avec le Venezuela en cette matière demande, en plus de surmonter les les préjugés politiques, de prendre des engagements en matière de migration et de participer aux frais qui seraient beaucoup plus gérables pour certains Gouvernements qui se battent avec la « charge » des migrants, comme disent certains présidents.
Mais la solution de fond de ce problème de la migration vénézuélienne réside dans des causes propres. L’augmentation des migrants économiques dans un pays pétrolier est liée de façon évidente au blocus du pays officiellement en vigueur depuis 2017. Certains dirigeants de la région éludent le problème sur ordre du patron étasuniens, ils ne le traient pas et, au contraire, dans beaucoup de cas, ils le légitiment bien que cela implique une asphyxie de la vie économique du Venezuela.
Boric aurait-il l’intention d’encourager le traitement de ce facteur essentiel sur la scène internationale ? Il devrait l’avoir s’il cherche vraiment à « résoudre » le problème de la migration vénézuélienne dans son pays étant donné que toute solution apportée aux facteurs qui la causent serait plus viable à court et à long terme que de chercher la « répartition » des Vénézuéliens dans différents pays comme s’il s’agissait de caisses de poires.
La migration en provenance du Venezuela a cessé d’augmenter. Il y a en plus des chiffres confus qui ont été créés par des entités et des Gouvernements du « multi-harcèlement » international qui n’évoquent pas ce phénomène réel des migrants qui rentrent. Pour la président Maduro, l’ACNUR cède aux pressions des Etats-Unis en gonflant les chiffres et en renforçant une rhétorique qui ne correspond pas aux dimensions réelles du phénomène vénézuélien qui, bien qu’il soit dans une situation difficile, est loin de la situation de la Somalie dans les années 90 comme on a voulu le faire croire.
Cela concerne aussi Boric et son ordre du jour international intentionnel. Il ne peut pas envisager de « résoudre » le problème avec des données confuses, non fiables et politiquement falsifiés pour légitimer des intentions corrompues dans beaucoup de cas.
Il convient aussi que Boric appelle Maduro car, dans un autre ordre d’idée, le Venezuela connaît le multilatéralisme « dépourvu d’idéologie ». Le Venezuela a été un coordinateur essentiel de la construction de l’UNASUR, un acteur important de la construction de la CELAC et est l’auteur de PETROCARIBE.
Tous ces instruments de l’intégration ont été, dans leur construction, une composition bigarrée de Gouvernements, de tendances et d’intérêts. Maduro sait cela, c’est un agent politique très efficace, il a été le chancelier du Commandant Hugo Chávez, l’architecte de la politique étrangère du Venezuela pendant ces 20 dernières années. Peut-être à cause de cela et de tant d’autres raisons, ils ont voulu renverser le président du Venezuela en bloquant l’économie de son pays et en favorisant le départ des migrants vénézuéliens que Piñera avait invités et qui les gênent tant à présent.
Alors, réfléchis mieux, Boric !
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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