Amérique latine : Crise au MERCOSUR
Par Claudio Mardones
La surprenante annonce de Lacalle Pou sur un l’éventuel accord de libre-échange avec la Chine a provoqué des tensions dans le bloc régional. Le président argentin, pour l’instant, a confirmé sa présence au sommet.
À quatre jours de sa réalisation, le prochain sommet des présidents du MERCOSUR subit une tempête à cause de la décision du président uruguayen, Luis Lacalle Pou, de négocier de façon bilatérale un traité de libre-échange avec la Chine. Cette mesure a été annoncée cette semaine depuis Montevideo. C’est une semaine avant la réunion semestrielle des présidents. Le chancelier Santiago Cafiero devait se rendre ce lundi à Montevideo pour rencontrer son homologue uruguayen, Francisco Bustillo, et aborder la position du voisin oriental mais finalement il ne le fera pas. Sans sondage diplomatique anticipé, la controverse sera débattue directement à Asunción, Paraguay, mercredi prochain, quand les chanceliers et les quatre partenaires commerciaux y seront.
Le rendez-vous des présidents sera le lendemain. Il sera tendu à cause des risques de rupture du bloc et de l’absence confirmée du président brésilien Jair Bolsonaro qui ne s’y rendra pas pour protester contre l’annonce du président uruguayen.
Lacalle Pou a officialisé une décision politique que l’Uruguay discute depuis 2017. À la chancellerie, ils ne comprennent pas pourquoi il a décidé de faire cette annonce maintenant alors qu’il aurait pu la faire après le sommet semestriel. Ce message a été interprété comme une tentative pour porter atteinte à la réunion et pour créer par la force une situation que les autres pays ne souhaitent pas.
Cafiero devait se rendre à Montevideo ce lundi mais, selon son entourage, cette visite était prévue avant que ne soit connue la décision du TLC avec la Chine. « Maintenant, nous voyons directement au sommet et là nous dirons ce qu’il faut faire, » ont-ils confié au palais sans Martin. Ils n’occultent pas les tentatives pour dédramatiser le débat qui se profile mais ils admettent que c’est la première fois en 31 ans d’existence du bloc régional que la situation est troublée par une pandémie inattendue et la guerre en Ukraine. « Jamais il n’y a pas eu une situation qui tende autant les prix internationaux et qui importe une inflation dans la région comme celle que nous avons actuellement. Dans ce cadre général, l’Uruguay a décidé de faire appel à un sauve qui peut en provoquant les principaux partenaires du bloc, » a répondu une haute source diplomatique à ce journal.
Une autre partie du TLC qu’a annoncé Lacalle Pou reste non révélée. La diplomatie chinoise n’a rien dit mais elle n’a pas non plus interdit les déclarations de l’Uruguayen. À Buenos Aires, ils ne perdent pas de vue que Pékin ne voudrait pas entrer dans une situation de tension avec le Brésil ou avec l’Argentine, ses deux partenaires les plus importants. Maintenant, c’est tout le contraire qui arrive mais à partir d’une initiative du Gouvernement de l’Uruguay. A la chancellerie, ils estiment que la mini crise fait son irruption en ce moment, entre autres choses, à cause de l’égo de Lacalle Pou. Ils pensent que, l’étude préliminaire de faisabilité » ensuite « devrait être traitée et internalisée à l’intérieur du MERCOSUR pour être analysée par tous les pays membres. »
Cette position est concrète. « Chaque fois que le bloc régional a pu obtenir des accords hors du MERCOSUR avec d’autres pays ou d’autres régions, ce qu’ on a toujours fait, ce sont des études pour lesquelles il doit y avoir un consensus de toutes les parties. » Ils espèrent qu’il en sera ainsi mais ils craignent que le Gouvernement uruguayen ne recherche autre chose.
Même si il s’agit d’une « analyse de faisabilité », la négociation avec Pékin a aussi eu un impact à Washington. Le président nord-américain Joe Biden vient d’annoncer un changement dans sa politique de coopération et de financement pour toute l’Amérique latine. Il l’a fait lors du terne Sommet des Amériques qui a eu lieu le 10 juin à Los Angeles. Cette initiative a pour but de renforcer la concurrence politique, économique et militaire avec la Chine dans la région. La Maison-Blanche considère comme « décisif » que cette stratégie s’applique pendant cette décennie parce que ce sera la clé pour « arrêter » le renforcement et l’expansion mondiale du géant asiatique en Amérique latine, la région la plus mise à l’écart par Washington. À l’intérieur du MERCOSUR, l’Uruguay était jusqu’à présent l’allié le plus fiable des États-Unis. L’exploration commerciale avec la Chine pourrait mettre entre parenthèses ce lien.
À la maison Rose, on pense que ce bras de fer n’est pas la conséquence d’une décision de la Chine pour accélérer les liens avec l’Uruguay. Et pas non plus pour passer par-dessus le Mercosur. Mais ils ne perdent pas de vue l’impact qu’il aura sur les États-Unis. Le silence de Pékin alimente l’hypothèse contraire. Il y a des fonctionnaires qui pensent que la Chine force le débat à l’intérieur du MERCOSUR grâce au TLC avec l’Uruguay. Le président Alberto Fernandez aura la possibilité de savoir de première main quelle lecture en fait la Maison-Blanche quand il arrivera dans la capitale étasunienne le 26 juillet, date du 70e anniversaire de la mort d’Eva Péron. Il rencontrera Biden au salon ovale dans une rencontre bilatérale qui a demandé presque deux ans de travail. L’intention du visiteur argentin est de relancer la relation économique, de savoir jusqu’où les États-Unis pourraient ouvrir leur porte-monnaie dans la région et d’évaluer la renégociation de la dette avec le Fonds Monétaire International.
Ce voyage présidentiel a été conçu lors du sommet accidenté du MERCOSUR. Tout a changé de façon drastique pendant ces derniers jours. Le Brésil a hurlé plus rapidement que les autres joueurs. Le géant de l’Amazonie est un partenaire de la Chine dans le bloc des BRICS. Cette espace a tenu un sommet la semaine dernière lors duquel Pékin a officialisé son intérêt pour que l’Argentine se joigne à la communauté avec la Russie, l’Inde et l’Afrique du Sud.
Les heures s’étant écoulées, les précisions sur ce qui devrait se passer à Asuncion se diluent. Cette rencontre pourrait se devenir virtuelle si les tensions empirent mais jusqu’à présent la présence du président Alberto Fernandez accompagné par Cafiero est confirmée. Sans Bolsonaro, le Brésil ne sera représenté que par son chancelier Carlos Franca. Lacalle Pou et le président hôte, le Paraguayen Mario Abdo, devraient également être présents. Face aux changements intempestifs d’ordre du jour, la seule chose sûre, pour l’instant, c’est que mercredi prochain les quatre chanceliers impliqués dans la discussion seront présents alors que le Paraguay continue à insister pour que tout se passe comme prévu.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos
Source en espagnol :
https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/07/17/527314/
URL de cet article :
http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/07/amerique-latine-crise-au-mercosur.html