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Mexique : 6 raisons de ne pas signer l’accord global Union européenne

11 Juillet 2022, 17:53pm

Publié par Bolivar Infos

Nous, les organisations de la société civile, les syndicats, les défenseurs des droits de l’homme, du bien-être animal et de l’environnement qui avons signé la présente lettre nous adressons aux responsables politiques du Mexique et de l’Union Européenne (UE) pour leur demander de ne pas ratifier le traité de libre commerce entre l’Union Européenne et le Mexique (TLCUEM) « modernisé ». Ce texte a été négocié dans le dos des citoyens sans débat ni consultation publique et a été finalisé en avril 2020 au milieu de l’une des pires crises sanitaires, sociales et économiques du monde déchaînée par la pandémie de COVID-19.

 

Nous rappelons que le TLCUEM est en vigueur depuis 20 ans et que loin de respecter ses promesses, il n’a fait que générer de graves impacts sociaux, économiques et environnementaux, avant tout pour le Mexique. L’accord « modernisé » ne fera rien d’autre que d’approfondir les problèmes du TLCUEM pour les raisons suivantes :

 

1, il ne protège que les investisseurs étrangers et met en danger les changements urgents en faveur du climat, de l’environnement et des peuples.

 

Le nouvel accord aura un nouveau chapitre sur les investissements destiné à renforcer le recours à l’arbitrage international en tant que mécanisme de résolution des différends entre investisseurs et Etats. Ce qui est préoccupant, c’est que le système de Cour d’Investissement (ICS) proposé ne résout pas les pires parties du mécanisme classique de résolution des controverses entre investisseurs et Etats (ISDS). Cela signifie que les investisseurs de l’Union Européenne vont pouvoir porter plainte contre le Mexique (et vice versa) devant un système de justice parallèle qui donne la priorité à ses intérêts privés et que les règles environnementales, sociales et de bien-être commun général passent au second plan. Ces dernières années, beaucoup de ces plaintes ont été déposées par des investisseurs transnationaux pour attaquer des mesures et des lois environnementales. Par exemple, en 2010–2013, la transnationale espagnole ABENGOA-COFIDES a porté plainte contre le Mexique après avoir refusé de respecter les normes environnementales et a obtenu 48 000 000 de dollars « d’indemnisation pour les bénéfices perdus. » Avec les récentes réformes au Mexique sur l’électricité et les mines de lithium confirmées par la Cour Suprême de Justice, certaines transnationales européennes parmi lesquelles IBERDROLA ont déjà menacé le Mexique d’utiliser le mécanisme de l’ISDS. L’Europe a également reçu plusieurs plaintes de ce type pour avoir approuvé des politiques climatiques comme celle du géant énergétique allemand RWE contre les Pays-Bas à cause de leur plan d’élimination du charbon pour 2030. Signer le TLCUEM va générer plus de plaintes de cette sorte des deux côtés de l’Atlantique, va compromettre les budgets nationaux et retarder des changements nécessaires en faveur du climat, de l’environnement et du bien-être des populations et des animaux.

 

2. Il permettra aux entreprises européennes de continuer à violer impunément les droits de l’homme au Mexique.

 

Les entreprises européennes ont une longue histoire de violation des droits de l’homme et des droits environnementaux au Mexique dans une impunité pratiquement totale qui sera renforcée avec le TLCUEM modernisé puisqu’il continue de ne pas envisager de mécanisme efficace de régulation. Certains exemples se trouvent dans les abus tarifaires et la violation du droit d’accès à l’électricité dans le cadre d’un contrôle du monopole d’ IBERDROLA ou bien la violation du droit d’accès à l’eau et les tarifs arbitraires d’AGSAL-Suez (Aujourd’hui Veolia) à Coahuila, Vera Cruz, Mexico et Cancún. Dans le cadre des entreprises d’embouteillages d’eau, c’est le pillage et la dévastation que sont en train de laisser Bonafont/Danone dans la zone de Choluteca où la résistance des peuples unis est en train de d’être criminalisée et réprimée. Le nouveau traité renforcera aussi l’impunité des entreprises européennes qui participent à la construction de méga-projets qui ont de graves impact sociaux et environnementaux sur le territoire comme le Projet Intégral Morelos, les méga parcs éoliens, le corridor interocéanique dans l’isthme de Tehuantepec ou le Train Maya entre autres. Dans ces cas ou bien on a violé directement le droit à la consultation et au consentement ou au refus préalable libre et informé et culturellement adéquat ou bien leur mise en place ne respecte pas les standards internationaux et ceci provoque de grandes divisions et de grands conflits parmi les communautés. « L’accord de principe » du TLCUEM « modernisé » ne comprend pas de clause contraignante qui reflète une volonté de faire respecter les droits de l’homme par ces entreprises et qui permette à ceux qui sont affectés de disposer de mécanismes efficaces pour accéder à la justice, à la réparation des dommages et à la non répétition. La clause concernant les droits de l’homme dans l’accord global entre le Mexique et l’Union Européenne (et de grands conflits parmi les communautés. La clause concernant les droits de l’homme dans l’accord global entre le Mexique et l’union européenne (qui contiennent le TLC UEM) n’a jamais été activée malgré des propositions faites dans ce but par des organisations de la société civile et par le Parlement européen lui-même.

 

3. Il ne permet pas d’avancer en ce qui concerne le droit des femmes et l’équité de genre

 

Le projet de TLCUEM modernisé renforce les schémas patriarcaux enracinés dans la société mexicaine et dans les sociétés européennes. Le traité ne prévoit aucun mécanisme pour mettre fin à la discrimination des femmes et du collectif LGBTIQ et n’inclut pas un langage de « genre » inclusif. En ce sens, l’accord ne parle pas de la nécessité de moderniser et de remettre en question les rôles masculins et féminins et leurs différentes tâches sociales. De plus on a éliminé les rares clauses explicites concernant les femmes qui existaient dans l’ancienne version du traité, concrètement l’article 36 qui mentionnait les femmes à bas revenus et l’article 37 sur le rôle de la femme dans le processus de production. Maintenant, on ne mentionne que la promotion de l’égalité d’opportunités quand on évoque les standards du travail approuvé par l’OIT sans un mécanisme qui puisse être contrôlés. Les différents chapitres du traité puniront la plupart des femmes qui sont pauvres à cause d’un double poste. En tant que travailleuses, paysannes ou patronnes, elles courent le risque d’être sorties du marché à cause de la compétition inégale des entreprises européennes, surtout dans les industries des produits laitiers et de la viande. D’autres part, le chapitre élargi sur l’engagement public ou celui sur protection de la propriété intellectuelle produisent un modèle économique qui fait augmenter le prix des services publics comme la santé ou l’accès aux médecines abordables. La précarité prévisible à cause de la répression du modèle économique ne fera que renforcer le modèle patriarcal qui augmentera la quantité déjà innombrable de victimes de la violence de genre.

 

4. Il porte atteinte à l’agriculture paysanne et érode la souveraineté alimentaire.

 

Les accords de libre commerce comme le TLCUEM sont directement coordonnés avec le système agro-industriel mondial qui a un impact dévastateur sur le droit à une agriculture et à un commerce indépendant, le droit à l’alimentation et à la santé en plus d’être l’un des principaux responsables de la crise climatique. Dans ce cadre, l’attaque contre l’agriculture paysanne en privatisant et en accaparant la terre expulse des personnes, fait exploser la migration alors qu’on subventionne des monocultures d’exportation hautement dépendantes des OGM, des agro-toxiques, de l’énergie, de l’eau, de la main-d’œuvre pratiquement esclave et de méga granges qui ont été à l’origine de pandémies comme celle de la grippe A/H1N1. Avec le TLCUEM, ce seront les corporations agro-industrielles mexicaines et européennes qui tirerons les plus gros bénéfices. Actuellement, les transnationales allemandes comme Bayer-Monsanto continuent d’importer des OGM et des agro-toxiques avec en tête le glyphosate. Ainsi, ils reproduisent des dommages sur la santé qui affectent 99 % des Français. D’autres part, l’Union Européenne fait pression sur le Mexique pour qu’il signe la version 91 de l’Accord International pour la Protection des Obtention Végétales (UPOV). L’acceptation de tout le système UPOV dans n’importe laquelle de ses versions légitime la privatisation des semences et porte directement atteinte à l’agriculture paysanne indépendante, c’est-à-dire au pilier de la souveraineté alimentaire. Les producteurs en Europe se verront aussi affectés par la croissance des importations en provenance du Mexique. 

 

5. Il empêche l’avancée d’un système énergétique plus soutenable, décentralisée et démocratique.

 

L’incorporation au TLCUEM de chapitre sur l’énergie est destiné à blinder la privatisation du secteur qui a été renforcée avec la réforme constitutionnelle énergétique de 2013. Cette privatisation a eu des impacts directs sur la population comme l’augmentation des prix de l’électricité. De plus, elle a renforcé le modèle de méga projets (aussi bien en APP que d’initiative privée) pour la production d’électricité en amenant à la privatisation de terres communales, à la répression et à des agressions contre des populations affectées, des impacts environnementaux et de la corruption. Beaucoup de méga entreprises énergétiques européennes et en particulier espagnoles ont de gros intérêts au Mexique et ce sont celles qui font le plus la promotion de ce traité. Certaines entreprises qui investissent déjà dans ce secteur sont entre autres : IBEDROLA, NATURGY AND ACCIONA d’Espagne, ENEL d’Italie et Engie de France.

 

6. L’engagement et les services publics en danger

 

Le TLCUEM « modernisé » ouvre pour la première fois l’engagement public des entreprises européennes au Mexique et vice versa. Cela signifie qu’on mettra en avant les intérêts privés par rapport aux intérêts publics à partir du présupposé que ce qui convient aux investisseurs convient aux sociétés. Un tel présupposé dédaigne les impacts des intérêts corporatifs sur la polarisation du revenu et de la richesse, la détérioration environnementale et la dégradation sociale, la mercantilisation de la culture et de l’histoire. Cela affecte également le développement entrepreneurial lui-même contre les micros et les petits producteurs et au bénéfice des grands capitaux transnationaux aussi bien européens que mexicains. Cela porte atteinte, enfin, aux pratiques sociales et solidaires des deux continents au bénéfice des grands capitaux, les mêmes qui n’ont pas de drapeau. Le développement, aussi bien européen que mexicain demande de privilégier les conditions et les aspirations légitimes de leur société et non les bénéfices.

 

Pour finir, nous voulons rappeler que le Mexique est devenu l’un des principaux paradis industriels au niveau planétaire, c’est-à-dire l’un des laboratoires les plus avancés pour le libre commerce et la dérégulation. Le résultat a été une dévastation économique, sociale et environnementale sans précédent et une multiplicité de « zones de sacrifice » ou « un hiver environnemental » qui continue à coûter des milliers de vie chaque année. Il ne faut pas oublier que beaucoup de ces entreprises sont aussi les principaux responsables de décennies de privatisation et de pillage de ce qui est public en Europe et mettent en danger des droits fondamentaux comme le droit au logement, le droit à l’alimentation, le droit à l’eau et le droit à l’énergie.

 

Nous considérons que le TLCUEM est la victoire du capital transnational aussi bien européen que mexicain au prix des conditions de vie des populations des deux côtés de l’Atlantique et de l’environnement.

 

Sur la base de ce qui a été expliqué ici, qu’on utilise le prétexte de la guerre en Europe pour accélérer la ratification de l’accord qui a de graves implications sur la population mexicaine et européenne nous préoccupe. Pour que l’avenir soit viable et soutenable, le modèle de politique commerciale du XXIe siècle doit mettre en avant le bien-être des communautés, des peuples et des biens environnementaux.

 

C’est pourquoi, nous, les organisations de la société civile européenne et mexicaine, disons non au traité de commerce et d’investissement entre l’Union Européenne et le Mexique ! Et nous exigeons que nos responsables politiques s’opposent à sa ratification.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos 

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/07/08/mexico-seis-razones-para-no-ratificar-el-acuerdo-global-union-europea/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/07/mexique-6-raisons-de-ne-pas-signer-l-accord-global-union-europeenne.html