Amérique latine: Renaissance de la gauche, le nécessaire changement d’époque
Depuis 2018, des dirigeants de gauche sont arrivés à la présidence de pays comme le Mexique, l'Argentine, la Bolivie, le Pérou, le Honduras, le Chili et la Colombie.
Il y a des attentes sur le changement dans la situation de la région que pourrait provoquer les élections d’octobre au Brésil où l'ancien président Luiz Ignacio Lula da Silva a large avantage dans les sondages d'intention de vote face à Jair Bolsonaro.
Une victoire de Lula mettrait les 7 nations les plus peuplées d'Amérique latine et leurs 6 économies les plus importantes aux mains de la gauche, affirme la presse occidentale.
Beaucoup d'analystes considèrent qu'il s'agit d'une nouvelle situation dans laquelle la gauche en Amérique latine semble renaître. À quoi est due cette apparition de gouvernement de gauche dans la région ? Pourquoi cette nouvelle apparition dans la politique latino américaine ?
Cuba d'Agathe en parle avec la spécialiste coordinatrice pour l'Amérique latine et des Caraïbes du centre d'investigation de la politique internationale (CIPI) Claudia Marin Suárez.
– Que pensez-vous de la situation de l'Amérique latine et des Caraïbes ?
Nous sommes à un moment différent dans lequel un groupe de Gouvernements qui représente des secteurs de spectre politique assez large qui va du centre, du centre gauche et de la gauche a conflué mais qui, même dans certains cas, a eu besoin de se coordonner avec des secteurs de la droite modérée pour arriver au gouvernement.
Ils ont en commun l'intention de promouvoir des changements dans les politiques des gouvernements de droite qui ont dominé le panorama politique de la région pendant les années précédentes mais il existe une grande diversité de position à l'intérieur de chacun d’eux.
Ceci dit, je pense que le changement dans la carte politique de la région n'est pas un fait mineur pour les pays dans lesquels il s'est produit ni pour la région dans son ensemble.
Au niveau national, dans la plupart des cas, ces gouvernements revendiquent des droits qui avaient été violés par les Gouvernements néo-libéraux même s'ils n'ont pas tous la capacité de restituer pleinement ces droits en terme de garantie que l'État puisse offrir pour l'accès au service public dans des conditions équitables.
Dame des pays comme la Colombie, le seul fait que puisse arriver au gouvernement un représentant d’un secteur qui ne provienne pas de la droite conservatrice est en soi-même un changement très important même si on ne prévoit pas que le nouveau Gouvernement fasse, au moins au début, des politiques radicales.
Une éventuelle victoire de Lula aux élections présidentielles du Brésil, avec les limites prévisibles que pourrait avoir sa gestion, représenterait un changement important à cause du poids et de l'importance que le Brésil a dans la corrélation des forces au niveau régional.
Ce nouveau moment peut évidemment créer une meilleure ambiance pour la coopération, le dialogue et la gestion civilisée des différentes politiques dans la région sans que cela implique que celles-ci disparaissent.
Si seulement on pouvait profiter de cette situation politique pour créer des synergies et des espaces d'autonomie régionale qui aideraient à renforcer les capacités endogènes pour le développement, et surtout, à gérer la relation asymétrique avec les partenaires stratégiques de la région ! Ça serait souhaitable.
–Quelles sont les principaux défis qu'affrontent en ce moment les pays de cette zone ?
Les défis sont divers et ils ont plusieurs dimensions.
Dans le domaine politique, l'un des défis des plus importants pour les nouveaux Gouvernements sera de mener à bien leur programme en gérant la diversité des positions politiques et par conséquent les limites que leur imposent les alliances concertées et dans de nombreux cas, la pression du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire qui ne les accompagnent pas.
À cela, on doit ajouter l'usure et les limites qui découlent de la situation économique, en particulier des pressions de l'inflation et des inégalités qui existaient auparavant mais se sont renforcées avec la pandémie et le conflit en Ukraine.
Il ne sera pas facile de récupérer des espaces d'autonomie avec les niveaux d'endettement très hauts et les relations de sécurité préétablies. Ces deux facteurs sont utilisés comme éléments de pression politique par les États-Unis et leurs alliés, en particulier pour freiner les relations avec leurs rivaux stratégiques.
– Dans cette situation, comment marchent les processus d'intégration régionale ?
L'intégration régionale traverse un moment difficile depuis quelques années pour, à mon avis, plusieurs raisons : la polarisation politique de l'étape précédente qui doit tendre à être relativisée dans ce nouveau contexte, l’incapacité des schémas d'intégration à atteindre les objectifs qu'ils s'étaient proposés et de créer des synergies productives qui encouragent les relations d'interdépendance et le plus grand intérêt, reflété dans les stratégies d'insertion internationale des pays, pour la relation avec les marchés mondiaux que pour la relation avec les marchés de leurs voisins.
Non le nouveau contexte présente des conditions plus favorables, non sans affronter de fortes résistances internes et externes, pour provoquer ces synergies régionales d’autonomie.
Les rapprochements récents entre pays qui ont des réserves importantes de lithium comme le Mexique, le Chili, l'Argentine et la Bolivie peuvent être une part initiale très important dans cette direction.
À mon avis, les meilleures possibilités se trouvent dans le domaine de la coopération et du dialogue politique régional. La réactivation de la Communauté des Etats Latino-américains et Caribéens (CELAC) tant dans le domaine du dialogue politique que dans celui de la coopération sur des problèmes sectoriels d'intérêt pour les pays latino-américains et caribéens est un bon signe qui doit se renforcer. C'est pourquoi il faut souligner le rôle de la présidence tournante du Mexique et maintenant de l’Argentine.
Les signaux récent du début d'une réactivation de la coopération énergétique dans le cadre de PétroCarïbe est aussi une bonne nouvelle, surtout à cause de l'urgence pour les pays des Caraïbes d'accéder à des sources d'énergie dans des conditions financières plus favorables que celles que leur imposent le marché et les institutions financières internationales.
–Comment décririez-vous aujourd'hui les relations entre les pays de l'Amérique latine et des Caraïbes avec les États-Unis ?
L'Amérique latine et les Caraïbes comme d'autres régions du monde sont la scène du conflit pour le pouvoir mondial.
Les États-Unis continuent à être l'un des partenaires les plus importants de la région mais la différence de cette situation de rivalité stratégique, c'est que d'autres acteurs mondiaux leur disputent leur domination absolue en tant que partenaire stratégique et leur capacité en tant que puissance hégémonique.
Ce n'est pas l'intérêt des gouvernements de la région de exacerber létal Sion avec les États-Unis mais il ne semble pas non plus être prêt à renoncer à la coopération avec d'autres partenaires comme la Chine qui se sont placés comme partenaires de poids dans le commerce, l'investissement et la coopération.
Jusqu'à présent, les Gouvernements latino-américains et caribéens ont géré leurs relations étrangères dans la perspective du non-alignement actif en cherchant à ne pas s'impliquer dans un jeu où tout le monde perd malgré les pressions aussi bien explicites que voilées pour qu'ils prennent parti pour l'un ou l'autre camp.
Ce comportement a été le propre non seulement de ce qu'on appelle les Gouvernements progressistes mais aussi des Gouvernements de droite de la région. C’est le cas du Brésil, du Chili, de l'Équateur, du Salvador et même de la Colombie pour certaines projets.
La sphère diplomatique, l'accès à des ressources et à des infrastructures stratégiques qui ont des implications pour le contrôle du territoire et le développement de capacités technologiques, en particulier en ce qui concerne le réseau 5G, semblent être les domaines dans lesquels cette dispute est la plus aiguë.
En tout cas, la position des pays de la région dépendra des ressources disponibles que les acteurs mondiaux mobiliseront pour les projets dans la région et de la capacité des pays à résister aux pressions dans des domaines aussi sensibles que la sécurité et la dette.
Les États-Unis, l'Amérique latine et la menace sur leur « hégémonie »
Les analystes soulignent aussi que face à cette nouvelle renaissance de la gauche en Amérique latine et aux relations de plus en plus fortes des pays de cette zone avec la Chine et la Russie, les États-Unis sentent leur position hégémonique sur le monde menacée bien au-delà de la célébration d’un sommet des Amériques lors duquel Washington n'a rien reçu d’autre que des protestations de la part de ses voisins. Une chose qui, il y a quelques années, était impensable dans la région.
Cubadebate en parle avec le chercheur du Saily pays mettre en histoire contemporaine et en relations internationales, Elio Emilio Perera Pena.
Oui, les États-Unis, voient leur position hégémonique au niveau mondial menacée, c'est pourquoi ils ont essayé de freiner, et avec force, l'avancée économique et commerciale de la Russie et de la Chine sur le continent.
Depuis le sommet de la démocratie, en décembre 2021, en passant par le récent neuvième sommet des Amériques, les États-Unis, ont essayé, sans succès, de faire valoir leur hégémonie. Ils sentent fortement menacée leur position au niveau mondial.
Plus récemment, du 25 au 28 juillet 2022, a eu lieu au Brésil la 15e réunion sommet des ministres de la défense des Amériques. Lors de cette réunion, le secrétaire à la défense des États-Unis, Lloyd Austin, a accusé la Russie et la Chine de vouloir monopoliser les relations économiques, commerciales et politiques avec l'Amérique latine et les Caraïbes, Sophia amener une réponse de rejet de la part, essentiellement, de l'Argentine, du Brésil et du Mexique.
Comme au dernier sommet des Amériques, lors de cette réunion des ministres de la défense, les intérêts latino-américains se sont éloignés de certaines positions officielles étasuniennes et des positions idéologiques de l'Association Inter-américaine de la Défense.
L'Argentine, le Brésil et le Mexique ont déclaré que l'Organisation des Nations Unies était le seul forum adéquat pour trouver des solutions au conflit entre Moscou et Kiev, un sujet évoqué à la demande de Washington, et que, par conséquent, le sommet des ministres de la défense des Amériques n'était pas l'endroit adéquat pour analyser l'opération militaire spécial développée par la Russie,
Le Brésil, parmi les 10 économie les plus fortes du monde, fait partie de l’alliance BRICS, ce qui garantit au pays une meilleure position géopolitique dans l'ordre international.
L'Argentine a le soutien de la Chine pour rejoindre les BRICS et elle renforce avec la nation asiatique son Association Stratégique Intégrale tandis qu'avec la Russie, il y a un engagement entre les deux Gouvernements pour renforcer les échanges commerciaux.
Avec la position brésilienne de ne pas accepter les critiques envers la Russie, le Brésil et l'Argentine protègent aussi les accords signés avec Moscou dans le domaine économique et militaire.
La Chine est actuellement le second partenaire commercial et la seconde destination des exportations de l'Argentine alors que le pays a intensifié avec la Russie ses relations économiques en 2021 (plus de 651 000 000 de dollars), entre autres importants secteurs, dans l'acquisition et la production de vaccins anti Covid, les deux pays euro-asiatiques apportant leur soutien à la cause argentine sur les Malouines, sur la conservation de ses ressources marines et de ses espaces antarctiques.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos
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