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Pérou : Victoire judiciaire pour Pedro Castillo

28 Novembre 2022, 18:11pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Carlos Noriega

 

 

Harcelé par l'opposition parlementaire de droite qui manœuvre pour le destituer, le président Pedro Castillo a obtenu une victoire judiciaire sur ses accusateurs. Le Tribunal Constitutionnel a décidé d'annuler la procédure pour trahison envers la Patrie, que le Congrès avançait contre le président. Grâce à cette affaire, la droite parlementaire, cherchait à chasser le président de la présidence, une chose qu'elle cherche depuis que le maître rural est arrivé au Gouvernement en juillet 2021. Le plus haut tribunal judiciaire du pays a déterminé que l'accusation de trahison contre le président n'était pas fondée, par conséquent, le procès politique au Congrès pour cette affaire est sans effet. Le Tribunal Constitutionnel s’est prononcé en réponse à un recours d’habeas corpus présenté par Castillo contre cette accusation. La sentence a été un coup dur pour le bloc d’opposition de droite dans lequel prédomine une extrême droite putschiste qui a organisé cette accusation.

 

Une stupidité

 

L'accusation de trahison envers la Patrie contre le chef de l'État par laquelle on cherchait à le renverser, n'est basée sur aucune action ou engagement du Gouvernement, mais sur une déclaration journalistique du président. Lors d'une interview accordée à la chaîne CNN en janvier dernier, Castillo avait confirmé que lors d'une réunion d'enseignants à La Paz en 2018, quand il était dirigeant du syndicat des enseignants et très loin de penser à être candidat à la présidence, il s'était exprimé en faveur de l’aspiration de la Bolivie à avoir une sortie sur la mer, avait exprimé sa sympathie envers cette demande et parlé de la possibilité d'un référendum sur un éventuellement accès de la Bolivie à l’océan Pacifique par la côte sud du Pérou. Cette déclaration n’a provoqué aucune mesure gouvernementale. Le Gouvernement a rapidement précisé que cette affirmation du président n'impliquait pas une éventuelle cession de souveraineté mais évoquait le fait de renforcer des accords avec la Bolivie pour lui donner un accès à la mer par le territoire péruvien, des accords qui ont commencé à être discutés il y a 30 ans. Mais une droite désespérée pour trouver un prétexte pour destituer Castillo a décidé de forcer les choses jusqu'à l'absurde et de l'accuser de trahison envers la Patrie à cause de cette déclaration. Une accusation insoutenable qui est tombée avec la sentence du Tribunal Constitutionnel.

 

". Il n'y a pas de preuve suffisante dans la plainte. Nous sommes face à une déclaration. On ne constate pas d'éléments qu'il fassent penser à un délit. Il n'y a pas de conduite délictueuse (de Castillo), » dit le juriste, Manuel Monteagudo, membre du Tribunal Constitutionnel.

 

Les 6 magistrats qui ont adopté à l’unanimité cette décision en faveur de Castillo ont été nommés il y a quelques mois par la majorité parlementaire de droite et ne peuvent pas être considérés comme ayant des sympathies pour Castillo, ni des motivations politiques contraires à la droite qui les a désignés. Cela a donné plus de poids à leur sentence. Cette sentence du Tribunal Constitutionnel a mis en évidence l'attitude d'un secteur du Congrès qui recourt à n'importe quel moyen pour destituer le président, même en inventant un délit de trahison avec des arguments surprenants.

 

L'avocat de Castillo, Benji Espinoza, n'a pas perdu l'occasion de tirer sur les accusateurs du président : « cette sentence a de puissantes raisons juridiques. Nous avons toujours dit que cette plainte pour trahison envers la patrie était une idiotie. »

 

Malgré l'absence notoire d'arguments de cette plainte, la sous commission des accusations constitutionnelles du Congrès l’avait approuvée par 11 voix contre10, par conséquent, l'affaire était passée à la commission permanente, en tant que seconde instance parlementaire, où elle devait être examinée quand la sentence du Tribunal Constitutionnel a fait tomber l’accusation.

 

Les autres accusations

 

Cette accusation pour trahison est tombée mais d'autres accusations qui peuvent lui compliquer la vie attendent Castillo. Une procédure parlementaire d’accusation contre lui pour corruption –avoir bénéficié d'adjudications publiques– qui peut s'achever par sa destitution est toujours en cours. L'affaire est en première instance parlementaire de la sous-commission d'accusation constitutionnelle. Bien que la Constitution ne permette pas qu’un président soit accusé, pendant l'exercice de son mandat, pour les charges de corruption que le procureur impute à Castillo –il peut seulement être jugé pour trahison, pour avoir empêché des élections ou fermé le Congrès sans avoir respecté les procédures légales - l'opposition continue à faire avancer cette procédure. La droite parlementaire et médiatique continue à ne pas respecter l'article constitutionnel qui protège le président de cette accusation. Il s'agit d'un article discuté mais en vigueur. Parallèlement, la droite parlementaire et médiatique fait pression pour gagner le soutien d'un tiers du Congrès exigé pour la destitution de Castillo pour l'accusation ambiguë d'incapacité morale. Deux tentatives antérieures pour appliquer ce mécanisme qui nécessite deux tiers des voix de du Congrès ont déjà échoué.

 

Frappés par cette défaite judiciaire au Tribunal Constitutionnel, les congressistes de droite se sont réunis en urgence, et en secret –bien que le secret ait peu duré– hors du Congrès, dans une ambiance de conspiration, chez une députée pour envisager une contre-attaque. Après cette rencontre, ils ont annoncé qu'ils présenteraient une motion destinée à suspendre le président pour 1 an, le séparant ainsi de sa charge en utilisant l'argument de la corruption utilisé contre lui par le procureur. C'est une façon d'accélérer la chute de Castillo pour cette affaire sans passer par le processus de procès politique et d'esquiver les questions sur la légalité de ce procès politique à cause des charges invoquées. Le problème pour la droite est qu'appliquer cette figure de la suspension impliquerait de forcer la Constitution. Une autre voie pour le coup d'Etat parlementaire.

 

La visite de l’OEA

 

La sentence du Tribunal Constitutionnel, qui a mis en évidence une droite qui cherche à destituer le président avec une accusation sans fondement a été émise quand s’achevait la visite d'une mission de l'Organisation des Etats Américains (OEA) pour analyser, précisément, la dénonciation par le Gouvernement d’un plan putschiste à partir du Congrès d’opposition. L'histoire de l'accusation pour trahison envers la Patrie renforce cette dénonciation du Gouvernement.

 

Castillo a obtenu une victoire et une bouffée d'air, la droite parlementaire est frappée et s'en sort mal. Mais la guerre entre les deux n'est pas terminée. Avec une opposition parlementaire, autoritaire, stupide, arrogante, ultra conservatrice, avec un ordre du jour qui a comme objectif la destitution de Castillo, qui a des liens étroits et anciens avec la corruption et d’obscurs intérêts économiques et avec un Gouvernement qui a donné des preuves renouvelées d'incompétence, qui, au-delà du discours, a laissé de côté les proposition de changement avec lesquelles Castillo a gagné les élections dans les politiques du Gouvernement et qui affronte des scandales de corruption, cette guerre est une guerre entre deux pouvoirs discrédités. Dans ce discrédit partagé, le rejet du Congrès contrôlé par la droite est majoritaire. Selon un récent sondage de l'Institut d'Etudes Péruviennes, l'approbation du Congrès est tombé le mois dernier de 15 à 13 %, la plus basse approbation tandis que le rejet des députés a augmenté de 78 à 81 %. Castillo va mieux mais on ne peut pas dire qu'il va bien. Malgré l'avalanche d'accusations contre lui, son acceptation a légèrement augmenté, le mois dernier, de 25 à 28 % et sa désapprobation a  baissé de 65 à 62 %. Aucun des deux n'a été capable de mobiliser un soutien important dans la rue.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar, infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/11/25/peru-triunfo-judicial-para-pedro-castillo/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/11/perou-victoire-judiciaire-pour-pedro-castillo.html