Colombie : L'impact sur la région des 6 premiers mois de Gustavo Pétro
Par: María Fernanda Barreto
Le nouveau gouvernement colombien est déjà en place depuis un peu plus de six mois et déjà les effets positifs sur son pays et sur notre Amérique se font sentir. La région est dans l'attente de la position que prendra Pétro concernant les intérêts des États-Unis et ses liens avec l’OTAN.
La semaine dernière, le Gouvernement de Gustavo Pétro a atteint ses 200 jours d’existence. Un Gouvernement nouveau, sans aucun doute, pour une Colombie habitué à être gouvernée par une élite mafieuse, népotiste et génocide.
L'accession de Pétro au pouvoir exécutif colombien en tant que dirigeant de cette grande alliance appelée « pacte historique » implique un changement dans les relations de force politiques et sociales à l’intérieur du pays mais aussi dans les relations internationales. Comme on pouvait s'y attendre, les contradictions vont s'aiguiser dans la mesure où certaines actions qui touchent les intérêts de l'oligarchie et de l'impérialisme dans la région sont exécutés alors que d'autres, par contre, restent intactes. C'est ce que nous allons tenter d’analyser brièvement.
Le rétablissement des relations avec le Venezuela
Le premier impact international de la victoire de Gustavo Pétro a été la reconnaissance du Gouvernement légal et légitime du Venezuela par un appel téléphonique que Pétro a adressé au président Nicolas Maduro quelques heures après avoir été déclaré président élu, c'est-à-dire, avant même d'être investi.
L'une des premières conséquences découlant de cette décision a été d'achever d'enterrer ce qu'on appelle le « groupe de Lima » duquel s'était déjà retiré le Pérou, et cela a fini de discréditer la figure affaiblie de Juan Guaidó, que, bien qu'il soit devenu une charge pour ses propres idéologues, les États-Unis d'Amérique continuaient à soutenir grâce à la reconnaissance de quelques rares Gouvernements, principalement celui de l'ancien président colombien Iván Duque, et de ceux qui ont intérêt à participer au pillage des richesses du Venezuela comme le Royaume-Uni.
Une fois qu'il a été investi, cette reconnaissance a aussi eu comme conséquence la restitution légales de l'entreprise Monómeros colombovenezolanos à son légitime propriétaire. Même si l'entreprise a été pillée et endettée, cette restitution est un acte de justice très important, car c’est le premier des actifs à l’étranger volés au Venezuela (on utilise des euphémisme comme confisqué, retenue, etc…) qui lui a été rendu. Quelques jours plus tard, le ministre du commerce de la Colombie a dit que son pays était intéressé par le fait de négocier avec le Gouvernement bolivarien l'achat de toutes les actions de cette entreprise.
Le second pas a été la réouverture de la frontière avec le Venezuela et la désignation mutuelle du représentations diplomatiques. Depuis lors jusqu'à maintenant on a signé plusieurs accords entre les deux pays et on envisage même l'installation d'une zone économique binationale. Cela a été très important pour les peuples des 2 pays, et il faut s'attendre à ce que cela se répercute en bénéfices économiques et sociaux, ce qui aura sans doute aussi un impact positif sur une région qui a parmi ses grands défis économiques, celui d'augmenter les échanges commerciaux intérieurs.
Grâce à ces mesures, on revient aussi vers le critère de réalité qui doit guider les relations diplomatiques et on recule dans les actions qui violaient les accords internationaux exécutées par le Gouvernement précédent, comme celle contre la Convention de Vienne, consistant à reconnaître de soi-disant représentations diplomatiques désignées par Guaido.
Mais ces efforts n'ont pas échappé à l’ingérence étasunienne. Les mesures coercitives unilatérales prises par les États-Unis contre le Venezuela ont réussi à empêcher jusqu'à présent CONVIASA (la ligne aérienne d'état vénézuélienne), de réaliser des vols vers la Colombie et les alliances entre ECOPETROL et PDVSA ont également reculé.
Le réajustement des relations avec Cuba
Le bon sens est revenu dans les relations entre la Colombie et Cuba, après que le Gouvernement uribiste de Duque ait demandé aux États-Unis d'inclure l'île des Caraïbes dans leur liste de « pays qui patronnent le terrorisme, une mesure par laquelle se sont aggravées les conséquences déjà criminelles du blocus que Cuba subit depuis plus de 60 ans. Cette mesure a son origine dans la non reconnaissance par l'ancien président colombien des protocoles signés avec les pays garants du dialogue avec l'Armée de Libération Nationale (E.L. N) et la courageuse position de Cuba qui a refusé de violer ces protocoles.
Le Gouvernement de Pétro continue ses efforts pour revenir sur cette injustice et bien qu'il l’ait déclaré publiquement devant plusieurs autorités nord-américaines, il n'y est pas parvenu. Mais les relations entre Cuba et la Colombie continuent à s'améliorer et on doit s'attendre à ce que la récente visite de la vice-présidente Francia Marquès à La Havane pour participer à la foire du livre contribue à les renforcer.
Une nouvelle autorité régionale
Le président Gustavo Pétro a une action très intéressante dans la région car jamais auparavant la Colombie n'avait exercé cette autorité d'un point de vue progressiste. Sa gestion a été très bien accompagnée par celle de la sénatrice Gloria Florès en tant que chef de la commission II du Sénat, qui s'occupe des relations internationales du Congrès, colombien et présidente élue du Parlement à Andin. Par contre, certaines contradictions ont été mises en évidence avec la chancellerie concernant les opinions exprimées à l'Organisation des Etats Américains sur le Nicaragua, et l'abstention au vote qui devait avoir lieu en faveur de la Palestine à l'Organisation des Nations Unies.
Pétro a exprimé son intérêt pour l'intégration régionale. Il encourage le retour du Venezuela et du Chili ainsi que l'incorporation de l'Argentine à la Communauté Andine des Nations et le retour du Venezuela au MERCOSUR. On a envisagé l'éventuel retour de la Colombie à l'Union des Nations Sud-américaines(UNASUR), le groupe de Puebla s'est réuni dans le pays et la Colombie a eu une participation intéressante à la CELAC où, en opposition avec l’appel qu’elle a lancé au Venezuela et au Nicaragua pour qu'ils réintègrent un espace aussi obsolète que l'Organisation des Etats Américains (OEA) , elle a envisagé que la Communauté des Etats Latino-américains et Caribéens (CELAC) soit le véritable espace d'intégration latino-américain en lieu et place de l’OEA qu’elle a évoquée comme un organisme idéologiquement partial et dont elle a mis en doute le fait qu'il vaille la peine de la renforcer.
Ce nouvel organisme créée en 2011 a eu pour principaux créateurs les Gouvernements du Venezuela et de Cuba, et c'est un mécanisme dans lequel, à la différence de l'OEA, les pays d'Amérique latine et des Caraïbes se réunissent sans les États-Unis ni le Canada.
Ce qui est difficile à comprendre, c'est l'insistance à remettre en marche le Système Inter-américain de Protection des Droits de l'Homme et à demander au Venezuela de retourner dans ce système qui a donné assez de preuves de partialité contre les Gouvernements non soumis aux États-Unis et a été complice de coups d'Etat récents comme celui qui a eu lieu au Péro. Les déclarations du président colombien à propos du coup d'état au Pérou et du génocide qui est en train d'être exécuté là-bas ont été très justes. Cela lui a coûté une déclaration du Congrès péruvien putschiste qui l'a qualifié de « persona non grata. »
Ses déclarations de soutien au Gouvernement de Lula da Silva face aux agressions à Brasilia qui ont imité la prise du Capitole des États-Unis en défense de Donald Trump ont été également très justes.
Pétro s'est rendu en Équateur au début de cette année, ce que les médias ont rapporté comme sa première visite à un Gouvernement latino-américains de droite étant donné le discours macchartiste traditionnel qui prédomine dans les médias colombiens. En résumé, en un peu plus de six mois, il s'est rendu au Venezuela, au Chili, au Brésil, au Pérou, en Équateur, en Argentine et au Mexique, mais jamais il n'a rencontré personnellement le président des États-Unis, Joe Biden, car, selon lui, il ne fait pas partie de ces présidents qui cherchent à savoir Biden va aux toilettes pour le rencontrer dans le couloir.
Les contradictions de l'enclave pour la guerre qui veut être « une puissance mondiale de la vie ».
D'autre part, Pétro a demandé de ré-envisager la guerre contre les drogues mise en place par les États-Unis en Colombie et dans toute la région. Cela a été l'un des sujets principaux de sa politique intérieure, et avec les problèmes de migration et d'énergie alternative, a été l'un des sujets sur lesquels il a le plus insisté dans ses voyages dans la région. En effet, il l'a mis à l'ordre du jour de sa dernière rencontre avec le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, car les tentacules du trafic de drogue mexicain administré par la D.E.A, évidemment, sont de plus en plus évidentes en Colombie.
Le dialogue avec l’ELN continue avec le concours de plusieurs pays de la région. Au début, c'étaient essentiellement Cuba et le Venezuela, et maintenant la participation s'étant au Mexique, au Chili et au Brésil. L’ELN est actuellement l'organisation de guérilla la plus grande et la plus ancienne du continent et dans ces dialogues, on a établi que ce qui va être décidé va être respecté, c'est pourquoi il faut s'attendre à ce qu’ils commencent à porter des fruits dans le pays et au début aussi dans les pays frontaliers, au moins dans certains aspects sociaux et dans le domaine de la sécurité bien que, pour le moment, ce qui est stratégique reste intact.
Le premier cycle de ces conversations a eu au Venezuela à la fin de l'année dernière et cette année, le second cycle a débuté au Mexique. C'est un bon signe qui indique que le Gouvernement de Pétro continue à essayer de trouver une issue politique négociée au conflit, bien qu'il n'y ai pas de preuve que tout l'État soit engagé dans ce processus.
Mais on a pas avancé avec la même rapidité dans le dialogue avec les FARC-EP seconde Marquetalia ni avec ce qu'on appelle les « dissidence des FARC» avec lesquelles le principal obstacle est d'obtenir une unité de commandement avec laquelle le Gouvernement puisse discuter.
Le démantèlement du para-militarisme n'a pas vraiment débuté bien qu'on ait annoncé le début de dialogue avec certains groupes, et même certains cessez-le-feu bilatéraux, les assassinat de dirigeants sociaux ne se sont pas arrêtés, ni même ceux des anciens combattants des FARC–EP, qui ont respecté les accords de La Havane de 2016. Bien au contraire, le para-militarisme semble s'être regroupé autour du Club du Golfe (qui prétend imposer le nom du dirigeant populaire colombien Jorge Eliecer Gaitán en se faisant appeler à présent, « autodéfenses Gaitanistes de Colombie »), et essaie de récupérer des territoires sur la frontière avec le Venezuela, même du côté vénézuélien d'où il avait été expulsé ces dernières années.
Et comme si ça ne suffisait pas, certaines dénonciations font penser que cette pénétration se fait en collaboration avec l’Armée colombienne, et c'est encore plus délicat pour des relations qui sont passées par le rétablissement des coordinations militaires. Cela marque un recul dans la sécurité de la Révolution Bolivarienne qui s'est consacrée avec force à empêcher cette nouvelle tentative de pénétration paramilitaire, qui, au début concernait, surtout l'état de Tachira, et perturbent les efforts des deux Gouvernements pour rétablir les relations binationales.
Le fait est que, depuis la première semaine de la présidence de Pétro, de hauts représentants du Gouvernement des États-Unis se sont rendus dans le pays à plusieurs reprises et sont apparus publiquement avec le président et la vice-présidente. Le Gouvernement a manœuvré avec un certain succès pour « adoucir », certains engagements militaires comme l'achat d'avions et les opérations conjointes dans l'Amazonie, des accords qui ont certainement été signé à très long terme et qu'il est difficile de rompre mais il n'est même pas possible jusqu'à présent d'estimer jusqu'à quel point il y a intérêt pour le nouveau Gouvernement à les rompre étant donné que le plus visible d'entre eux, l'appartenance à l'OTAN en tant que partenaire mondial, reste intact malgré les critiques de la candidate de l'époque, Francia Marquès et certains commentaires récents de Gustavo Pétro lui-même.
Évidemment, une décision de cette sorte pourrait provoquer un coup d'Etat mais il vaudra la peine de s'arrêter sur ce point dans des analyses postérieures à cause de son grand impact géopolitique. Ce qu'il faut dire à présent, c’est que réussir à retirer la Colombie de l'OTAN doit être un objectif très important pour le Venezuela et en général pour toute Notre Amérique.
Ce devrait être essentiel pour ce Peuple colombien qui parie sur le projet de « paix totale. » A cause du coût politique élevé qu’e cela impliquerait pour le Gouvernement, ce devraient être les mouvements populaires et les organisations sociales colombiennes qui lèvent avec force ce drapeau de lutte et convoquent la solidarité internationale pour cette étape très difficile, basique pour commencer à rétablir la souveraineté colombienne et la souveraineté de Notre Amérique. Parce que sans souveraineté, sans respect du droit à l'autodétermination, il n'y a aucune possibilité de suivre à l'intérieur du pays les chemins vers la Paix.
Il n'y a qu'un peu plus de six mois que le nouveau Gouvernement colombien est en place et son impact international a été en général positif pour la région et a provoqué beaucoup d'expectatives. Mais, étant donné l'agressivité avec laquelle l'impérialisme se consacre corps et âme à la région dans cette situation géopolitique, il sera de plus en plus difficile de continuer à diriger les relations internationales de la Colombie sans prendre une position plus claire en faveur ou contre ses intérêts.
C'est décision, inéluctable et dix euros les contradictions dans tous les domaines, c'est pourquoi le rôle historique des pays de la région continua être d'accompagner chaque changement favorable aux intérêts du peuple colombien, de faire pression et d’en provoquer d'autres.
Au-delà de ce que le Gouvernement de Gustavo Pétro peut faire pour le bien de la Colombie et de toute Notre Amérique, il est clair que l'unité des Gouvernements de la région, la résistance de ceux qui ne sont pas soumis aux États-Unis et surtout la force du tissu de réseaux entre les peuples, continue à être le présupposé indispensable pour transformer cette enclave de la guerre impérialiste en une puissance mondiale de la vie.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos
Source en espagnol :
URL de cet article :