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Le Venezuela: Qui est derrière l'escalade diplomatique pour l'Esequibo ?

12 Octobre 2023, 17:05pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Quand on pense à la nocivité du processus de conquête et de colonisation, on imagine presque immédiatement cette répartition de casino que les puissances européennes ont fait de l'Afrique grâce à la conférence de Berlin au 19e siècle, mais on oublie les vestiges laissés en Amérique latine et dans les Caraïbes par l'empire espagnol avec l'indépendance inachevée de Porto Rico, et par l'impérialisme britannique avec le vol des îles Malouines à l'Argentine et de la rive occidentale de la rivière Esequibo au Venezuela.

 

Et si le processus de décolonisation a permis à ce principe de base des Nations Unies d'autodétermination des peuples de se matérialiser, rendant politiquement visible ce qu’on appelle le« tiers monde », il n'est pas moins vrai qu'il a transféré les problèmes et les différends que les puissances avaient entre elles et avec la gestion interne des « colonies » aux nouveaux États qui ont émergé. Selon cette logique, combien de conflits territoriaux sont actuellement de la responsabilité directe de la colonisation du Nord mondial, du pillage et de la distribution illégales qu'il a réalisés ?

 

C’est dans cet esprit que nous devons aborder la récente escalade du conflit territorial pour l'Esequibo entre le Venezuela et le Guyana,

Dans cette optique, nous devons aborder la récente escalade du conflit territorial sur l'Essequibo entre le Venezuela et la Guyane, en élargissant l'image interprétative du conflit au-delà du cadre qu'ils tentent de nous imposer, en particulier avec des discours chauvins qui font appel à des solutions de force (tout ou rien) et qui nient la situation géopolitique internationale dans laquelle se trouve le Venezuela.

 

Etats-Unis  agent de déstabilisation

 

Les plaintes déposées par Caracas sur la participation de la compagnie pétrolière transnationale étasunienne ExxonMobil, et derrière elle du département d'État, dans  l'escalade des tensions entre le Guyana et le Venezuela ne sont ni nouvelles ni gratuites.

 

Selon les époques et les conjonctures, le soutien des États-Unis variera d'un pays à l'autre en pariant parfois sur le Venezuela, d'autres fois sur le Guyana, en aiguisant un conflit qui a toujours dû être résolu par la voie diplomatique de la négociation entre les personnes impliquées.

 

Ainsi, pendant le processus de décolonisation, les États-Unis ont accompagné Caracas dans la dénonciation de la sentence arbitrale de Paris de 1899 et, par conséquent, dans la signature de l'accord de Genève en 1966 entre le Venezuela, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et le Guyana britannique ; dans l'indépendance du Guyana et la possibilité qu'un Gouvernement de gauche, pro-communiste, proche de Cuba et de l'Union soviétique prenne le gouvernement du pays était un risque que Washington ne pouvait pas courir à nouveau.

 

Au contraire, après la chute du bloc communiste et avec le triomphe du récit néolibéral pendant les années 1990 et au début des années 2000, les États-Unis ont soutenu et accompagné Georgetown dans son processus d'ouverture économique qui a caractérisé, depuis lors, le modèle économique en vigueur au Guyana, coïncidant avec l'arrivée de la Révolution bolivarienne au Venezuela.

 

Malgré la médiatique, pendant les deux mandats d'Hugo Chávez et les deux de Nicolás Maduro, l'État vénézuélien a dénoncé l'octroi de concessions par le Guyana aux entreprises énergétiques et aérospatiales sur le territoire contesté ; néanmoins, Chávez et Maduro comprenaient et comprennent la composante géopolitique qu'une confrontation ouverte avec le Guyana aurait pour les deux pays en particulier et pour la région en général, et ont misé sur un rapprochement politique et diplomatique qui ouvre la voie à une solution binationale pratique et satisfaisante, comme le stipule l'Accord de Genève, et là se situent le rôle stratégique de PETROCARIBE à l'époque et l'appel constant au dialogue fait par le président Nicolás Maduro.

 

La déstabilisation subie par le Venezuela depuis 2016, bien qu'elle ait pour objectif central le changement de régime dans le pays, a également affecté les initiatives de sécurité énergétique que Caracas offrait aux pays des Caraïbes (dont le Guyana) et d'Amérique centrale grâce à Petrocaribe. Ce n'est pas un hasard si, depuis 2015, Barack Obama, lors du sommet sur la sécurité énergétique des Caraïbes, a parlé de la nécessité pour les Caraïbes de surmonter la « dépendance » par rapport aux hydrocarbures vénézuéliens et de critiquer les méthodes de « contrainte énergétique » de Miraflores.

 

Juste dans ce contexte, alors qu'ExxonMobil annonçait en mai 2015 la découverte de réserves de pétrole dans le bloc Stabroek de la façade continentale de la région frontalière de l'Esequibo revendiquée par le Venezuela et soumise à l'Accord de Genève, par un ex-militaire (formé au Royaume-Uni, au Nigeria et au Brésil) nommé David Granger, qui a servi pendant ces années comme une fiche clé dans la déstabilisation internationale contre le Venezuela, devenait président du Guyana.

 

Une décennie de conflit par procuration aujourd’hui actualisé

 

Au cours des années 2015 et 2016, le Gouvernement vénézuélien a dénoncé devant la communauté internationale l'opération dite « opération tenaille » grâce à laquelle les États-Unis, par l'intermédiaire de la Colombie et du Guyana, devaient provoquer un conflit militaire contre le Venezuela et faciliterait leur intervention ultérieure.

 

Depuis 2015, les forces de défense du Guyana participent aux exercices militaires des Caraïbes "Tradewinds" (dirigés par le Commandement Sud), et dans son édition 2023, ils les ont accueillies pour la deuxième fois en trois ans. En outre, elles ont participé aux désormais célèbres exercices navals UNITAS qui intègrent plusieurs marines de la région latino-caribéenne dans des activités dans l'océan Pacifique et l’Atlantique.

 

En février 2022, on a appris dans un article publié en Argentine une hypothèse militaire (PUMA) inspirée par une intervention militaire présumée dans un pays ( le Venezuela appelé Vulcano) avec une forte déstabilisation politique. Les pays limitrophes à l'est et à l'ouest (la Colombie –Celles– et le Guyana –Tellus–) joueraient un rôle important dans une telle action.

 

Craig Faller, alors chef du Commandement Sud, s’est rendu en République coopérative du Guyana en 2021 afin de renforcer les engagements des États-Unis envers  Georgetown en matière de sécurité. D'autre part, Antony Blinken s’est rendu cette année sur le sol guyanais et des sujets concernant l'investissement énergétique pour ses entreprises et la sécurité territoriale ont été abordés. Lors de la conférence de presse, à l'époque, le secrétaire d'État a déclaré :

 

« Les entreprises étasuniennes peuvent apporter une expérience sans précédent, des normes professionnelles et environnementales élevées, et de la transparence pour aider à stimuler la croissance dynamique du Guyana, à promouvoir la sécurité énergétique dans la région et apporter des avantages tangibles à l'ensemble du peuple du Guyana ».

 

La période qui s'est écoulée de 2015 à 2020 a été une période de harcèlement de l'État vénézuélien au niveau international où, à l'hostilité déjà « pérenne » de la Colombie et de son conflit interne s'est ajoutée celle du Guyana sur le flanc oriental. Là, les États-Unis ont joué et jouent toujours un rôle stratégique de proxénète de l'État guyanais.

 

Le Venezuela doit assumer cette controverse unie et cohésive, en surmontant la position d'opposition qui a instrumentalisé et conditionné la défense historique du territoire de l'Esequibo à celle d'obtenir un plus grand soutien dans sa croisade pour renverser le Gouvernement de Nicolás Maduro. Ce manque de cohésion dans une question d'État a conduit à reconnaître la prétendue souveraineté guyanaise sur le territoire de l’Esequibo par le biais d'un communiqué du Groupe de Lima en date du 4 janvier 2019, ce qui a suscité des notes de protestation du Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela contre les États signataires du communiqué et a conduit la plupart des signataires à se rétracter.

 

Il faut dénoncer aussi comme irréelles et démagogiques les positions maximalistes de forces qui ignorent le rôle de la première puissance militaire dans la controverse sur l'Esequibo et prétendent entraîner la nation vénézuélienne dans un conflit par procuration (subsédé) dans lequel le Guyana n'est que le délégué derrière le véritable acteur: les États-Unis.

 

UN CONFLIT DANS LEQUEL ILS VEULENT NOUS ENTRAÎNER

 

Au cours de ces huit années, depuis la première annonce des découvertes d'ExxonMobil dans la région de l'Esequibo, le gouvernement vénézuélien a traversé des moments forts où différents facteurs nationaux et étrangers ont cherché à le pousser dans un conflit qui, de toute évidence, est délégué, et dans lequel les gouvernements de David Granger puis d'Arfaan Ali ont été des filiales de la transnationale pétrolière et du gouvernement américain.

 

Dans la théorie de la guerre hybride, il y a des auteurs qui parlent de zones grises comme celles caractérisées par le maintien d'une « paix tendue, polémique, présidée par le conflit », des laquelle les acteurs cherchent à altérer le statu quo existant. Ainsi, au cours de ces années passées, nous avons vu comment le Guyana, avec le soutien des Etats-Unis et maintenant du Secrétariat général de l'Organisation des États américains (OEA), a créé cette sorte de zone grise autour du conflit  territorial.

 

Quels sont les aspects du conflit avec le Guyana qui permettent de le classer comme une « zone grise » ?

 

- La prétention de modifier le statu quo qui a maintenu le différend sur les limites dans les paramètres diplomatiques de l'Accord de Genève, jouant à la limite de la légalité avec le recours intenté devant la Cour internationale de justice (CIJ) ;

 

- en utilisant des acteurs non étatiques, tels que les sociétés pétrolières et minières qui ont aiguiser les conflits dans la région ;

 

  • et rendant visible à titre de propagande le soutien de la principale puissance militaire du continent et du monde, comme en témoignent les déclarations du sous-secrétaire à l'hémisphère occidental, Brian Nichols, qui soutient les concessions pétrolières accordées par la Guyane à des entreprises étasuniennes.

 

C’est pourquoi le Venezuela doit être certain que le Guyana sert les intérêts des États-Unis, non seulement axés sur le contrôle des ressources énergétiques de la région de l'Esequibo (dans un contexte dans lequel la guerre en Ukraine rend le marché de l'énergie plus cher), mais aussi pour ouvrir un autre front d'instabilité pour la République bolivarienne, un objectif stratégique du département d'État concernant le Venezuela face à ce qu'ils appellent le « rétablissement de la démocratie dans le pays ».

 

Patience stratégique

 

Si quelque chose a caractérisé l'action du président Nicolás Maduro aussi bien en matière de politique intérieure qu'en politique étrangère, c'est la patience stratégique montrée dans des moments de conflit élevé, en prenant le pouls du moment et en ne laissant pas les passions, les questions des médias nationaux et internationaux, et surtout la pression étasunienne exercée de manière explicite ou par l'intermédiaires du Groupe de Lima ou du Guyana nuire aux objectifs stratégiques de la diplomatie bolivarienne de paix, qui en définitive font du Venezuela une puissance latino-caribéenne face au monde multipolaire qui émerge, comme un pôle géopolitique important.

 

En ce sens, le pari en faveur du dialogue avec le Guyana a été et reste le choix privilégié par le Gouvernement et le choix le plus judicieux au moment où le Venezuela a à nouveau une présence internationale. Faire appel au dialogue avec une observation caribéenne ou de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) et à l'approche diplomatique comme seul moyen de résoudre la controverse démonte le récit que tente de fixer le président guyanais Irfaan Ali, récit qui  tente de présenter le Venezuela comme une menace pour l'intégrité territoriale de son pays.

 

De même, la convocation d'un référendum sur l'Esequibo, destinée  à renforcer les droits souverains du Venezuela sur le territoire en revendication, envoie un message d'unité nationale à la communauté internationale et rappelle au Guyana que la revendication vénézuélienne, produit d'un pillage colonial, précède sa constitution en tant qu'État indépendant et s'inscrit dans les principes constitutifs du droit international.

 

Il est évident que les moments de plus grand conflit interne au Venezuela (2015-2020) ont donné au Guyana des occasions d'avancer dans ses prétentions sur l’Esequibo. Il est  donc indispensable de montrer la solidité et la stabilité de l'État vénézuélien.

 

Indépendamment des prochaines actions réalisées au niveau international comme la présentation vénézuélienne, le 8 avril 2024, devant la CIJ, dont les citoyens devraient apprendre encore plus, il serait logique de voir la réactivation par la République bolivarienne de ce qu’on. appelle la « Zone stratégique pour le développement de la façade atlantique » créée par le décret 4.415 du 7 janvier 2021 et par lequel l'État vénézuélien exerce une présence institutionnelle dans la zone maritime réclamée.

 

Le pari vénézuélien doit rester encadré dans les principes de bon voisinage et de règlement pacifique des différends, et éviter de tomber dans le jeu d’affrontement  dans lequel ExxonMobil et le département d'État ont l'intention de nous placer par l'intermédiaire du Guyana. Ainsi, le Venezuela doit continuer à miser sur le statu quo que représente l'Accord de Genève en tant  mécanisme de règlement pratique de la controverse entre les deux États.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2023/10/09/venezuela-quien-esta-detras-del-escalamiento-diplomatico-por-el-esequibo/

URL de cet article:

http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/10/le-venezuela-qui-est-derriere-l-escalade-diplomatique-pour-l-esequibo.html