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Venezuela : Pétro et le Front National, solution ou piège pour le Venezuela ?

18 Août 2024, 18:54pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

 

Traduction Françoise Lopez, pour Amérique latine-Bolivar infos

 

La proposition du président Gustavo Pétro de Colombie est surprenantes et imprudent car elle ignore les complexités géopolitiques du Venezuela et sape l'intégration latino-américaine nécessaire en faveur des intérêts des États-Unis.

 

Le 15 août, le président Gustavo Pétro, en accord avec ses homologues Lula da Silva du Brésil et Joe Biden des États-Unis a fait une proposition sur son compte X qui a provoqué un intense débat. Dans son message, Pétro a affirmait:

 

« de Nicolas Maduro dépend une solution politique pour le Venezuela qui amène la paix et la prospérité à son peuple. L'expérience du Front National colombien est une expérience qui, utilisée pendant une période de transition, peut aider à la solution définitive… Un accord politique interne au Venezuela est la meilleure voie vers la paix. Cela ne dépend que des Vénézuéliens. »

 

À première vue, la proposition semble être un appel à la réconciliation et à la stabilité au Venezuela, mais une analyse plus approfondie révèle qu'il s'agit d'un message à double tranchant, une « pomme au cœur empoisonné. »

 

Le Front National cité par Pétro, comme référence est un accord politique entre les le parti libéral et le parti conservateur de Colombie qui ont gouverné alternativement de 1958 à 1974. Pétro propose un modèle qui, historiquement, a démontré qu'il était préjudiciable aux intérêts de la majorité et qu'il pourrait saper les avancées obtenues par les forces progressistes dans la région. Sans aucun doute, le Front National a été un attentat contre la démocratie (Mesa García 2009). il suffit de revoir la large littérature à ce sujet pour trouver ses désavantages. Nous allons voir ici certaines des conséquences de ce Front National.

 

Exclusion politique : Le Front National a marginalisé les autres partis politiques et mouvements sociaux en limitant la participation démocratique. Cela a renforcé un système bipartite qui a empêché la naissance d'alternatives politiques réelles.

 

Répression sociale : Pendant cette période, le gouvernement à réprimer sévèrement les mouvements sociaux et étudiants comme le mouvement de 1968. La réponse de l'État face à tout dissidence a été la violence et un cycle de répressions.

 

Concentration du pouvoir : L'accord entre les libéraux et les conservateurs a perpétué la concentration du pouvoir dans les mains des élites traditionnelles en renforçant les structures économiques et politiques excluantes.

 

Inégalités sociales : Malgré la croissance économique pendant cette période, les inégalités sociales, non seulement ont persisté, mais se sont renforcées en créant des brèches qui continuent à affecter la société colombienne.

 

Violence para-militaire : Le Front National n'a pas abordé les causes profondes de la violence en Colombie et a faciliter l'émergence des groupes para-militaires. Ces groupes, souvent soutenus par certains secteurs de l'État, sont devenus des acteurs clés dans la permanence du conflit.

 

Limitation de la démocratie : La démocratie est devenue une façade avec une participation des citoyens limitée à un aspect très réduit d'options politiques. Cela a laissé comme héritage, un système politique rigide et excluant dans lequel les véritable revendications du peuple ont été systématiquement ignorées.

 

Proposer ce modèle au Venezuela est non seulement une lecture erronée de l’histoire mais sous-estime la complicité de la situation vénézuélienne. Comme le signale Claudio Katz, « les élections dans des territoires possédant du pétrole convoité par l'empire ne sont jamais normales parce qu'elles incluent une composante géopolitique d'une énorme importance. » Le Venezuela n'est pas une exception, sa large richesse pétrolière en fait un objectif primordial pour les États-Unis. (Indymedia 2024).

 

En suivant l'analyse d'Atilio Boron, il est vital de comprendre que ce qui est en jeu au  Venezuela n'est pas simplement un verdict électoral. La véritable bataille se livre pour le contrôle de ses vastes réserves de pétrole. En paraphrase Clinton : « c'est le pétrole, imbécile! » L’ambition de Washington, ne se limite pas voler le pétrole vénézuélien, ils posent aussi les yeux sur le « pré-sel » brésilien. Bien que moins convoité que les réserves du Venezuela, le pré-sel continue à être un objectif convoité. (Boron 2024)

 

Boron souligne aussi que la réactivation de la quatrième flotte des États-Unis en 2008, peu après la découverte du « pré-sel » n'a pas été un hasard. Dans le domaine de la géopolitique, les coïncidences n'existent pas. Washington, pour s'approprier le pétrole et le gaz du Brésil, a d'abord besoin de rompre l'unité sud-américaine. Créer l’inimitié entre le Brésil et le Venezuela fait partie de cette stratégie destinée à démanteler la résistance de la région et à affermir ses intérêts impériaux. (Boron 2024)

 

La proposition de Pétro, loin d'être un pont vers la paix, pourrait devenir un raccourci pour remettre le pouvoir aux élites économiques et politiques en garantissant l'exclusion et la répression de la majorité du peuple.

 

Ces propositions, en dernière instance, aiguise la dague qui menace les projets progressistes dans la région, ironiquement, même ceux que ceux qui les proposent disent défendre et représenter.

 

D'autre part, il est essentiel de réaffirmer, comme l'a fait Estenssoro (2023) que la crise de l’hégémonie mondiale et l'urgence d'un nouvel ordre multipolaire compliquent encore plus la situation. Cet ordre, dominé par les superpuissances de l'hémisphère nord, laisse l'Amérique latine dans un « sud absolu » avec une capacité d'influence extrêmement réduite. Face à ce panorama, l'intégration régionale se présente non seulement comme une option, mais aussi comme une nécessité urgente pour que les pays de la région puissent défendre leurs intérêts et éviter d'être pris dans un cycle perpétuel de sous-développement.

 

La proposition de Pétro est non seulement historiquement et politiquement imprudente mais elle ignore aussi les complexités géopolitique sous-jacentes à la situation du Venezuela et de la région. Il est impératif que l'Amérique latine accélère son intégration et renforce ses relations de coopération pour résister aux attaques d'un empire qui ne cessera jamais de vouloir s'approprier les ressources naturelles et saper les avancées démocratiques dans la région.

 

Source en espagnol:

https://www.telesurtv.net/opinion/petro-y-el-frente-nacional-una-solucion-o-una-trampa-para-venezuela/

URL de cet article:

http://bolivarinfos.over-blog.com/2024/08/venezuela-petro-et-le-front-national-solution-ou-piege-pour-le-venezuela.html