Amérique latine : Les BRICS et le nouvel ordre mondial : opportunités, défis et risques.
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
L'alliance BRICS est devenu un acteur géopolitique à fort impact sur l'ordre international.
La montée en puissance des BRICS renforce la multipolarité, redéfinit l'architecture du pouvoir économique et politique mondial, offre des opportunités inestimables au Sud mais sans une stratégie locale solide, elle pourrait ouvrir la porte à de nouveaux cycles de pillage à partir d'autres latitudes.
BRICS : une nouvelle scène du pouvoir mondial qui redéfini rat le XXIe siècle
L'alliance BRICS, conçue à l'origine comme un ensemble d'économies émergentes composé par le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, est devenue un acteur géopolitique à fort impact sur l'ordre international.
Avec la récente entrée de l'Égypte, de l'Éthiopie, de l'Iran, de l'Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis en 2023, le bloc représente à présent 45 % de la population mondiale et génère 32 % du PIB mondial.
Cette expansion a été vue non seulement comme une déclaration d'intentions économiques mais aussi comme un défi direct à la domination des puissances occidentales dirigées par les États-Unis.
BRICS : un défi à l'ordre hégémonique de l’Occident
L'Ascension des BRICS est un symptôme de la transition vers un monde multipolaire. Dans son essence, le groupe cherche à démanteler les structures de pouvoir créées après la seconde guerre mondiale, en particulier la domination des États-Unis sur des institutions comme le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale et même l’ONU.
L'une des propositions les plus ambitieuses du bloc a été l'utilisation de monnaie locale dans le commerce international, ce qui diminue la dépendance envers le dollar étasunien.
Les BRICS, non seulement défient l’hégémonie monétaire de l'Occident, mais créent des institutions financières alternatives comme la Nouvelle Banque de Développement (NBD) qui a déjà financé pour plus de 40 000 000 000 de dollars de projets dans les pays en développement.
Cette banque se profile comme un contrepoids au FMI, qui, traditionnellement, impose des mesures d'austérité dévastatrices aux économies émergentes, en particulier, en Amérique latine et en Afrique.
Défis géopolitiques et opportunités pour l'Amérique latine
L'expansion des BRICS amène avec elle des défis internes qu'on ne peut ignorer: les tensions sur la frontière entre l'Inde et la Chine, la compétition économique entre la Russie et la Chine et les intérêts divergents des nouveaux membres comme l'Arabie Saoudite et l'Iran sont des obstacles que le bloc doit surmonter pour se renforcer en tant que force unie.
Mais l'influence croissante de ce groupe représente également des défis pour les puissances occidentales, en particulier, en terme de sécurité mondiale et de reconfiguration des alliances stratégiques.
Pour l'Amérique latine, les BRICS offrent une fenêtre d'opportunités pour rompre avec des décennies de dépendance économique envers les États-Unis et l’Europe. Le Brésil, en tant que membre fondateur, a dirigé ce rapprochement, mais des pays comme le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua et Cuba ont également exprimé leur intérêt à rejoindre officiellement le groupe.
Même la Colombie, sous la présidence de Gustavo Pétro, a montré des signes d'intérêt pour un rapprochement avec les BRICS, ce qui représente un changement par rapport aux politiques traditionnelles d'alignement sur Washington.
La région affronte le défi de coordonner une position commune et cohérente face à ce bloc en assurant une représentation correcte de sa diversité culturelle et économique.
Si l'Amérique latine réussit à s'unir sous un front commun à l'intérieur des BRICS, cela pourrait renforcer sa capacité de négociation globale et offrir de nouvelles sources de financement pour des projets de développement, d'infrastructures et de transition énergétique.
La monnaie commune : un projet viable ?
Une des discussions les plus médiatiques dans le bloc a été la possibilité de créer une nouvelle monnaie commune pour le commerce entre ses membres.
La viabilité de cette proposition est encore en débat, mais sa mise en place pourrait être un coup stratégique à la domination hégémonique du dollars dans le commerce mondial.
L'expérience de la zone euro démontre que créer une monnaie commune n'est pas une tâche facile, demande des mécanismes de contrôle centralisés et une stabilité économique entre les pays membres qui, dans le cas des BRICS, n'existe pas encore.
Mais la discussion en elle-même a provoqué de l'inquiétude en Occident puisque une monnaie BRICS pourrait déstabiliser le système financier mondial dominé par le dollar.
Projections à moyen et à long terme : les BRICS, l'Afrique et l'Amérique latine en tant qu’acteurs
À moyen et à long terme, les BRICS ont la possibilité de se renforcer en tant que bloc clé sur la scène mondiale.
L'inclusion de pays africains comme l'Égypte et l'Éthiopie montre l'intérêt du groupe à élargir son influence sur le continent le plus riche en ressources naturelles.
L'Afrique et l'Amérique latine, des régions traditionnellement exploitées par les puissances occidentale, pourraient jouer un rôle crucial dans ce nouvel ordre multipolaire.
En particulier, l'accès à de nouvelles sources de financement comme la NBD permettrait à ces pays de développer des projets d'infrastructures et des projets technologiques sans les sévères conditions imposées par le FMI.
En terme de projection, l'éventuelle inclusion dans le bloc de pays comme l'Argentine, le Venezuela ou le Mexique transformerait les dynamiques géopolitiques dans l'hémisphère occidental.
L'Amérique latine pourrait devenir un bastion clé à l'intérieur des BRICS avec le Brésil et éventuellement le Venezuela dirigeant les efforts pour intégrer la région dans une nouvelle architecture économique mondial.
Cela impliquerait de s'éloigner progressivement des pactes commerciaux et politiques avec Washington, ce qui, à son tour, affaiblirait l'influence des États-Unis sur son « arrière cour ».
Le rôle des BRICS dans le nouvel ordre mondial : conséquences pour l'Occident et les États-Unis
L'ascension des BRICS suscite une série d'interrogations pour l’Occident, en particulier pour les États-Unis et l’Europe.
L'expansion du bloc et son renforcement en tant que pôle de pouvoir alternatif pourrait marquer le début de la fin de la domination unilatérale des États-Unis dans les problèmes mondiaux.
Des pays comme la Chine et la Russie utilisent déjà les BRICS comme plate-forme pour projeter leur influence sur des régions stratégiques en défiant ouvertement le récit de Washington sur la démocratie et les droits de l'homme et en promouvant un modèle de coopération basé sur le respect de la souveraineté nationale.
Le bloc BRICS a aussi la capacité d'attirer d'autres acteurs mondiaux qui se sentent marginalisés par le système financier et politique dominé par l’Occident. L'éventuelle intégration de plus de pays du sud mondial comme le Nigeria, la Turquie, l'Indonésie ou l’Algérie dans les BRICS pourrait augmenter encore plus le poids du groupe dans les forums internationaux.
Cela se traduit non seulement par un coup certain sur l'influence des États-Unis dans ces régions mais stimulerait aussi un processus de dédollarisation qui pourrait altérer l'architecture financière mondiale.
Les risques d'entrer dans les BRICS sans une perspective locale solide
Même si les BRICS représentent une opportunité historiques pour les pays du Sud mondial, l'accès à ce bloc, sans une vision locale solide et sans alliances régionales fortes pourrait susciter des risques importants, en particulier pour l'Amérique latine et l’Afrique.
Traditionnellement, les relations économiques internationales ont amené le pillage des ressources naturelles et le déplacement de communautés et les BRICS ne sont pas exempts de ce risque s’ils n’établissent pas des garde-fous clairs et des mécanismes de protection.
Le défi consiste à éviter que cette nouvelle configuration multipolaire copie les dynamiques coloniales et extractiviştes qui ont caractérisé les relations entre le sud mondial et l’Occident.
Si l'Amérique latine et l'Afrique ne renforcent pas des accords dans le bloc et leurs institutions locales, elles pourraient être vues à nouveau comme des sources de ressources naturelles sans valeur ajoutée, et être sujettes à des dynamiques d'exploitation qui ne donnent pas la priorité aux droits de l'homme et au bien-être environnemental.
L'un des risques les plus importants est le pillage des terres et des ressources naturelles. Sans une bonne protection des droits territoriaux des peuples indigènes, des paysans, des afro-descendants et des métis, l'entrée dans les BRICS pourrait ouvrir les portes à des investissements étrangers massifs dans des secteurs comme les mines, l'extraction du pétrole ou l’agro-industrie, ce qui, traditionnellement, a provoqué le déplacement forcé de communautés et la destruction d’écosystèmes.
De plus, les projets d'infrastructures et de développement financés par la Nouvelle Banque de Développement doivent s'aligner sur un cadre éthique qui donne la priorité au respect illimité de la biodiversité et des valeurs culturelles des peuples originaires.
En particulier, les peuples indigènes et ruraux de l'Amérique latine et de l'Afrique en jouait un rôle essentiel dans la conservation des écosystème et leur participation à tout projet qui concerne leurs territoires doit être garantie.
Sans une perspective environnementale renforcée, il y a un risque que les pays du Sud mondial tombent à nouveau dans un modèle de développement extractiviste qui perpétue les dommages environnementaux à grand échelle.
Cela a déjà été évident dans des régions comme l'Amazonie où l'exploitation irresponsable des ressources naturelles a amené la dévastation des bois, de la biodiversité et des communauté qui dépendent d’eux.
C'est pourquoi , il est important que l'intégration au BRICS ne se fasse pas à n'importe quel prix. Si l'Amérique latine et l'Afrique ne négocient pas en position de force, une position dans laquelle les droits des communautés locales et le respect pour les écosystèmes seraient au centre du débat, le bloc pourrait simplement devenir une nouvelle forme de domination économique, en copiant des modèles historiques d'exploitation, non plus à partir de l'Occident, mais à partir de nouvelles latitudes comme la Chine ou la Russie.
Un avenir en bloc où le risque de la répétition historique
Les BRICS représentent une nouvelle architecture de pouvoir mondial et défient l'Occident en offrant une plate-forme au sud mondial.
L'Afrique et l'Amérique latine se profilent comme les grandes bénéficiaires de cette nouvelle configuration avec la possibilité d'accéder à des sources de financement qui n'imposent pas les conditions de l'ordre du jour néolibéral.
À mesure que le bloc continuera de s'élargir, son impact sur l'économie sur la politique mondiale ne fera que s’intensifier.
La monnaie commune, la banque des BRICS et les alliances stratégiques avec des pays émergents indiquent que le monde ne tourne déjà plus uniquement autour de Washington et de Bruxelles mais commence à tourner aussi autour de Pékin, de Moscou et de New Delhi.
La participation aux BRICS doit être accompagnée d'accords souscrits en tant que bloc et d'une vision régionale partagée qui renforcerait la capacité de négociation des pays du Sud mondial.
Sans alliances claires et sans stratégies communes, l'Amérique latine et l'Afrique pourraient perdre l'occasion de transformer réellement leur économie et leur société.
Le respect illimité pour les droits environnementaux et les droits des communautés locales doit être un pilier essentiels dans les négociations avec les BRICS pour éviter que le pillage et l'exploitation des ressources continuent à être la marque de nos peuples dans cette nouvelle étape de la géopolitique mondiale.
Si on n’aborde pas ce défi en urgence et avec détermination, la promesse d'un nouvel ordre mondial plus juste pourrait être réduite à une simple redistribution du pouvoir entre élites mondiales, sans véritable bénéfice pour les peuples du Sud.
Il est impératif qu'on profite de cette nouvelle opportunité multipolaire pour rompre avec les dynamiques traditionnelles de pillage et de soumission et pour construire un avenir basé sur la justice sociale, économique et environnementale.
Ouvrir les yeux sur d'autres visions du monde, d'autres cultures, d'autres valeurs, d'autres modes de gouvernement et d'autres modes de relation qui dépassent le développement occidental moderne qui met aujourd'hui en péril la vie sur la planète.
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