Venezuela, États-Unis et Brésil : toujours le pétrole en toile de fond
Par Aram Aharonian
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
Les sanctions internationales sont des instruments politiques du droit international dont l'application s'est étendue au système de relations internationales mais l'imposition et la mise en place de ces sanctions a des effets non seulement sur le pays qui les reçoit mais aussi sur les pays de la région à laquelle il appartient et sur les relations entre eux.
Peu avant les élections de cette année au Venezuela, les États-Unis ont eu recours une nouvelle fois aux sanctions économiques comme mesure de pression contre le Gouvernement de Nicolas Maduro, essayant ainsi de faire pencher la balance vers le candidat d’opposition Edmundo Gonzalez et sa patronne Maria Corina Machado.
À quelques jours de remettre la présidence à Donald Trump, Anthony Blinken, le secrétaire d'État de Joe Biden a tweeté sur le Venezuela et qualifié l'ancien candidat d'extrême droite Edmundo Gonzalez de « président élu. »
En 2015, sous le mandat de Barack Obama, les États-Unis ont imposés les premières mesures dans le cadre de la loi de défense des droits de l'homme et de la société civile au Venezuela destinée à châtier les personnes signalées comme responsables de violations des droits fondamentaux.
Les premières sanctions dans le domaine de l'économie remontent à 2017. Le département du trésor aux ordres de Donald Trump avait imposé des restrictions aux opérations, transactions et négociations entre entités et personnes étasuniennes et le Gouvernement vénézuélien.
Cela a conduit à une politique de respect excessif dans les départements légaux des banques des États-Unis concernant les transactions dans lesquelles seraient impliqués des citoyens vénézuéliens. Cette année, le Venezuela est entré en défaut dans son paiement de la dette.
Pendant les années suivantes, s’y sont ajoutés des secteurs et des organismes particuliers. En 2019, en plein conflit entre le président pantin Juan Guido et Maduro, Washington a frappé la compagnie pétrolière d’État Petróleos de Venezuela (PDVSA), affaiblie par la crise économique. Pour la première fois, on a suspendu l'échange pétrolier entre le Venezuela et les États-Unis, un client traditionnel payeur de la compagnie pétrolière vénézuélienne, qui lui livrait alors quelques 500 000 barils par jour.
En 1976, Juan Pablo Pérez Alfonzo, ancien ministre des mines et des hydrocarbures du Venezuela, connu comme le père de l'Organisation des Pays Producteurs de Pétrole (OPEP), a qualifié le pétrole, « d'excrément du diable », en faisant allusion aux dangers que représentent pour une société le fait d'avoir une réserve de ressources naturelles qui pourrait fournir de l'argent facile sans beaucoup d’efforts.
Le chemin de l'assouplissement de ces blocus en vue de la vente du pétrole vénézuélien a commencé le 25 février 2022, quand la Russie a envahi l'Ukraine. 6 réunions à Doha, sous les auspices du Qatar, en parallèle aux négociations avec l'opposition, qui avaient débuté un an auparavant au Mexique, ont conduit aux accords de la Barbade, avec une série d'engagements politiques et la mise en place de la licence 44 qui a ouvert la porte à la production, l'extraction, la vente et l’exportation de pétrole ou de gaz du Venezuela.
Avec ces sanctions, connues comme « primaires », on a appliqué ce qu'on appelle des « sanctions secondaires » qui menacent d'un veto dans le système financier des États-Unis non seulement les citoyens de ce pays, mais des citoyens et des entités étrangers qui « apportent une assistance matérielle, patronnent ou fournissent un soutien financier, matériel ou technologique ou des biens ou des services au Gouvernement du Venezuela sanctionné. »
Par cette interdiction, la commercialisation du brut de PDVSA sur les marchés internationaux a été compliquée et cela a amené le pays à recourir au marché noir du pétrole en le commercialisant bien en dessous du prix et à utiliser des bateaux fantômes pour assurer la vente ou le troc contre des marchandises ou des dérivés d'hydrocarbures, des barils qui restaient sur les quais de PDVSA.
Il y a eu un changement dans le régime de sanctions concernant le Venezuela fin janvier, quand le tribunal suprême a confirmé la disqualification de Maria Corina Machado, la candidate préférée de Washington : le département du trésor a, ordonné de fermer toutes les opérations avec MINERVEN qui avait été permises grâce à l'émission de la licence 43 A en octobre dernier avant le 13 février 2024.
Le Venezuela est arrivé à exporter plus de 3 000 000 de barils par jour, mais n'est pas revenu à dépasser le million depuis qu'il a enregistré son plus bas niveau, au moment de la plus importante crise dans les opérations de la compagnie d'État, qui s'est aiguisée avec le véto des États-Unis envers le pétrole vénézuélien. Aujourd'hui, entre 800 000 et 850 000 barils sont produits chaque jour.
Le Brésil, l'associé des États-Unis dans les BRICS
Les BRICS, pour leur part, poursuivent la promotion des investissements, le renforcement de l'industrie, de l'énergie et de l'agriculture dans ses pays membres. Dans ce contexte, le surprenant véto du Brésil, à l'entrée du Venezuela dans le bloc représente un coup contre son économie, ce qui a inévitablement une incidence sur les conditions de vie de sa population et encourage l'émigration.
En 2020, en pleine pandémie, les États-Unis ont mis leurs veto à l'accès du Venezuela aux ressources assignées par le Fonds Monétaire International pour mettre en place les mesures sanitaires nécessaires contre le COVID–19. Ce veto s'est ajouté à l'ensemble de sanctions destiné à provoquer un « changement de régime ».
Depuis le début du XXe siècle, la politique étrangère du Brésil a montré un alignement stratégique sur les États-Unis, dans un phénomène que l'historien Bradford Burns a décrit comme « une alliance non écrite» entre les deux pays. Cet alignement a facilité l'extension du Brésil vers des territoires de la Bolivie et du Pérou.
Ce lien a évolué pendant les années et une relation de dépendance s'est renforcée. actuellement, c'est précisément en Amazonie, sur la base aérospatiale d'Alcantara, que la présence militaire étasunienne se trouve. Cette présence représente non seulement une association mais aussi une forme de subordination plus large des intérêts de sécurité et de la défense brésilienne à ceux des États-Unis dans le cadre de cette « alliance non écrite. »
Au milieu de la situation économique difficile et du conflit, post électoral, le véto brésilien joue, comme toute décision politique, un rôle dans une stratégie plus large. Objectivement, à court terme, cette mesure ne pas ne semble pas avoir d’autre fin tactique que de faire obstacle à l'investiture du 10 janvier et à créer les conditions pour un « changement de régime ».
Celso Amorim a exposé ce qu'on pourrait considérer comme le but stratégique qui se cache derrière le veto contre le Venezuela. Pendant son intervention, Amorim a affirmé : « Son principal intérêt est d'éviter que le Venezuela devienne un foyer de rivalités géopolitiques qui menace la paix en Amérique du Sud et qui représente des conflits dans le « cœur » de l'Amazonie. »
En signalant le Venezuela comme une menace latente pour la paix en Amazonie, Amorim, non seulement relie ce veto à l'intérêt du Brésil en Guyane, mais révèle aussi l'existence d'une stratégie qui va beaucoup plus loin que le véritable désaccord politique.
Aussi bien la préservation des intérêts géopolitiques des États-Unis dans la région que les plans d'expansion du Brésil ont besoin d'un Venezuela affaibli, un pays qui ne récupère facilement ni en économie ni son influence sur le continent. C'est le rôle des véto et des armes : deux faces d'une même monnaie. Le veto est ainsi un outil qui a été utilisé en fonction de ce « principal intérêt. »
Quand Amorim mentionne « le cœur de l'Amazonie », on pense inévitablement aux intérêts stratégiques et au plan d'expansion du Brésil. Pour Brasilia, toute cette zone représente sa « zone d'influence naturelle. » C'est pourquoi le Brésil ne voit pas d'un bon œil les réclamations du Venezuela sur l’Esequibo et a mis en place une politique de soutien au Guyana qui inclut le soutien militaire, diplomatique et des projet de routes.
Rubio, et ce qui viendra
La désignation de Marco Rubio comme secrétaire d'État du prochain Gouvernement de Donald Trump n'aura pas que des implications diplomatiques mondiales, mais en soi-même, est une déclaration d’intentions concernant l'Amérique latine. Rubio a joué un rôle central dans la politique envers le Venezuela et adopté une position permanente de « plus forte pression. »
Il ne s'agit pas seulement de sa remise en question de gouvernement du Venezuela, de son rejet de tout assouplissement des sanctions pétrolières. En politique, il est profondément marqué par son origine cubaine qui le place dans une perspective particulière concernant la région.
Pour Rubio, le retour du Venezuela dans la sphère d'influence des États-Unis fait partie d'un changement plus large dans le panorama de l'Amérique latine, une transformation qui concerne aussi Cuba. C'est pourquoi sa politique envers le Venezuela est marquée par une vision destinée à reconfigurer les relations de pouvoir dans l'hémisphère, sous une tutelle des États-Unis plus importante.
Bien que Trump ait manifesté clairement pendant son premier mandat son intérêt à renverser Nicolas Maduro et à appliquer une politique de « plus forte pression », ce qui n'est pas clair, c'est la façon dont il abordera la situation, maintenant, s'il continuera, ou s’il augmentera la stratégie de pression, s'il cherchera de nouvelles alternatives comme un accord sur la fourniture de pétrole et sur les licences, ou s'il fera une certaine sorte d'intervention militaire directe ou secrète.
Rubio arrive au secrétariat d'État avec une vision très particulière de Cuba et du Venezuela, celle d'un Cabano-américain, ce qui va créer des difficultés aussi bien pour l’accomplissement de ses responsabilités que pour sa propre carrière politique. Le problème pour Rubio en tant qu’aspirant à la présidence, est d'obtenir des résultats concrets au Venezuela et à Cuba, quelque chose qui n'est pas simple.
L'augmentation des sanctions contre le Venezuela affecterait la fourniture de pétrole lourd si nécessaire aux raffineries des États-Unis et difficile à obtenir sur d'autres marchés. Un blocus plus sévère que le blocus actuel détériorerait les conditions de vie de la population et encouragerait l’émigration.
D'autre part, si on optait pour une intervention militaire sanglante directe ou secrète, que ce soit à Cuba, ou au Venezuela, Rubio se trouverait face à une situation aux conséquences imprévisibles aussi bien pour les pays impliqués que pour ses aspirations à la présidence.
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