Venezuela : Pétrole et industrialisation
Par José Félix Rivas Alvarado
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
La contribution de l'activité pétrolière à l'économie vénézuélienne est connue, depuis plus d'un siècle, pour son énorme capacité à capter des revenus internationaux par le biais des exportations, générant des recettes qui, en raison de leur ampleur, déterminent la dynamique économique nationale.
Cette fonction de rente de l'activité pétrolière est la plus connue, mais une telle capacité de génération de revenus cache un autre visage important de l’extraction des hydrocarbures: son incidence sur l'appareil productif vénézuélien à travers son enchaînement inter-sectoriel et inter-industriel.
Les maillons ou liens, en amont de la chaîne de production des hydrocarbures nous conduisent -comme les versants d’un fleuve- à divers secteurs (et à leurs produits), parmi lesquels se détachent, entre autres, l’industrie chimique et le secteur agricole, en passant par l’industrie pétrochimique.
Le pétrole est présent dans d'autres activités de production et dans la vie quotidienne des Vénézuélien à travers ses dérivés produits par d'autres industries de transformation et alimente une offre importante de biens très variés.
De plus, à partir des liaisons en amont des hydrocarbures, nous trouvons un ensemble d’activités productives de biens et services nécessaires à l’activité d'exploration et d’extraction qui ont permis l’existence d’un secteur productif associé aux chaînes de soutien qui entourent la production pétrolière. La production industrielle de vannes, de divers intrants et même les services d’ingénierie sont nés et ont mûri avec le développement de l’extraction et de l’exportation des hydrocarbures.
Si nous considérons la production de gaz, aussi bien de gaz associé à l'extraction de pétrole (qu'en général, on brûle) que les réserves de gaz non associé, on a une source d'énergie amie de l'environnement puissante pour l'industrialisation, l'agriculture, d'autres secteurs de la production et pour la consommation des foyers.
Des secteurs industriels vénézuéliens, avec une expérience de longues années sont en condition de fournir les services et les équipements que l'activité pétrolière requiert actuellement. Beaucoup de ces équipements, des pièces et du matériel sont importés, ce qui implique, dans un contexte d'extrême restriction de devises, une importante veine ouverte par où elles s'échappent. Un programme de substitution stratégique des importations est, pour l'industrie pétrolière et les secteurs nationalistes du patronat industriel vénézuélien, une possibilité certaine.
L'activité pétrolière a été exploitée jusqu'à présent pour ses avantages comparatifs propres à une ressource naturelle qui fait bouger l'appareil de production de la planète. C'est ce qui nous condamne au sous-développement, au capitalisme périphérique, à la condition de dépendance du système capitaliste mondial qui, depuis ses centres hégémonie, industrialisés, nous perçoit et nous traite comme de simples fournisseurs d'une ressource naturelle énergétique essentiel à l'industrie et au développement mais qui leur appartient. C'est-à-dire, comme des acheteurs de petits miroirs en échange d’or.
L'industrialisation des hydrocarbures signifie aller au-delà en construction et en renforçant. Les avantages comparatifs dynamiques. Les chaînons nationaux des activités que requièrent l'exploitation, l'extraction et la commercialisation du pétrole (et du gaz), en plus de développer le capital national directement lié, ont un effet d’entraînement vers d'autres activités industrielles et gèrent ainsi une partie importante du marché interne, la fourniture de biens intermédiaires et de capital.
Conclusion, préliminaire : si on industrialisait les chaînons liés en amont et en aval avec l'extraction du pétrole, on arriverait à industrialiser une partie importante du pays.
Pourquoi cet industrialisation n'a pas eu lieu dans toute sa potentialité ? Parce que un bi rare qui conspire contre la dimension productive industrielle, a dominé. Dans l'activité pétrolière, l'importation d'une grande partie des fournitures et du capital réel (matériel, parties, structures, machines, fournitures…) a prédominé, pour trois raisons :
Premièrement, l'objectif de la compagnie Petróleos de Venezuela (PDVSA) a été d'extraire la plus grande quantité de pétrole possible parce que c'est une industrie tellement rentable que cette propension exportatrice-rentişte ne considère pas l'industrialisation et le renforcement du capital (physique) national comme une priorité.
La seconde raison est que, dans une activité dans lesquelles l'évolue, les valeurs des importations sont élevés, importer constitue une affaire dans la culture d’un écosystème pernicieux pour l'économie de production par les intermédiaires qui commercialisent et importent.
Les hautes autorités du Gouvernement peuvent annoncer mille fois qu'il faut « semer le pétrole » ou « industrialiser l'économie nationale », ce sont les instances de gérance qui décident de la fourniture et de l'achat qui ont le dernier mot. Elles conspirent de fait contre l'industrialisation nationale. Les administrateurs des achats et des fournitures, avec une vision myope, donneront la priorité à l'achat d'importations, plus encore, s’il y a un réseau logistique biaisé à l’importation.
Le gène du biais importateur anti-industrialisation a été à l'intérieur de PDVSA dès sa naissance. C’est un héritage du métabolisme d'achat inter-firmes des compagnies pétrolières transnationales.
Si on élimine ou si on réduit au maximum le biais importateur, si les initiatives sont renforcées pour s’intégrer dans le capital national qui a surgi pendant ces dernières années de blocus, au Gouvernement, à PDVSA, et dans le secteur privé lié à cette activité en cherchant à remplacer les importations, à renforcer les enchaînements, et par conséquent, à encourager l'industrialisation, nous allons avoir une PDVSA qui, non seulement se fixe des défis–indubitablement nécessaires–de production et d'exportation, mais qui, en outre, stimule le développement socio-économique. C’est à dire une activité pétrolière qui encourage structurellement l'indépendance et la souveraineté nationales.
D’autres économies sous blocus et assiégées par la guerre impérialiste ont réussi à industrialiser des secteurs associés à l'exploitation de cette ressource primaire qu’est le pétrole. La République islamique d'Iran a obtenu que 90 % des infrastructures qui produisent du pétrole soient faites dans le pays…
Industrialisation et développement
Il faut reconnaître que le Gouvernement bolivarien a obtenu une grande réussite économique en exerçant la fiscalité souveraine des revenus pétroliers. De là sont venues les ressources qui ont financé les missions et beaucoup de projets de production et d'infrastructures. La loi sur les hydrocarbures est une loi révolutionnaire car elle capte la rente et la redistribue au peuple. Mais la tâche doit encore être complétée : en plus de la génération de rente, le pétrole a une grande capacité pour générer l'industrialisation et le développement.
On pourrait penser que dans les conditions actuelles de blocus que subit le Venezuela, la viabilité de cette proposition est très difficile. Paradoxalement, de telles conditions adverses ont montré que l'industrialisation des hydrocarbures est non seulement une nécessité macro-économique mais aussi une grosse opportunité pour faire passer du discours à la réalité le changement structurel dont l'économie vénézuélienne a besoin. Les acteurs se trouvent dans le secteur public et dans une fraction qualitativement et quantitativement importante du capital national.
Si on internalisait l'enchaînement productif de l'activité pétrolière (et du gaz), on stimulerait l'industrialisation nationale des hydrocarbures, et ainsi, étant donné les effets multiplicateurs des enchaînements industriels, une partie importante de l'industrialisation du pays.
Nous avons vu deux raisons pour lesquelles l'industrie pétrolière, en ayant d'importantes relations intercectorielles, ne tend pas spontanément vers la promotion du développement diversifié de l'économie nationale.
Le troisième motif a à avoir avec les conceptions dominantes dans la pensée économique qui prévaut parmi ceux qui font la politique économique et, par conséquent, dans la vision de la majorité des économies formés en « macro-économie de la croissance » et non en macroéconomie du développement.
Mais c'est un sujet pour un épisode postérieur de cette série.
Source en espagnol :
https://www.resumenlatinoamericano.org/2024/11/29/venezuela-petroleo-e-industrializacion/
URL de cet article :
http://bolivarinfos.over-blog.com/2024/11/venezuela-petrole-et-industrialisation.html