Brésil: Petrobras, le fond du problème

Por Pedro Otoni / Resumen Latinoamericano /11 mars 2016.-

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

Les scandales actuels qui impliquent des politiciens et des entreprises brésiliennes dans des cas de corruption dans Petrobras, tout en remettant à l'ordre du jour du Congrès National un projet de loi qui retire le monopole des opérations à l'entreprise pétrolière d'Etat sur les réserves de la production de la couche pré-sel ne semblent pas être des coïncidences. Il y a quelque chose qui bouge au-delà de la presse.

Petrobras et les réserves offshore: la carte brésilienne

Petrobras est la plus grande entreprise brésilienne responsable des recherches, de l'exploitation, de la transformation et de la distribution de la principale ressource énergétique actuelle, le pétrole. Mais son importance va au-delà des hydrocarbures: la compagnie d'Etat gère aussi la majorité des brevets brésiliens enregistrés et a un rôle important dans la construction navale et dans le développement et la fabrication de machinerie lourde. Petrobras n'est pas une entreprise ordinaire, c'est un outil stratégique pour l'économie et le développement du Brésil.

Les eaux de mer ultra-profondes du littoral sud-est du Brésil ont des réserves d'hydrocarbures dans des roches calcaires sous une grande épaisseur de sel appelée "couche pré-sel".

Dans le polygone d'exploitation de la couche pré-sel, on a découvert des réserves de pétrole et de gaz d'environ 40 000 millions de barils et on estime qu'il y a 176 000 millions non découverts, selon les chiffres de l'Institut National de l'Huile et du Gaz de l'Université d'Etat de Rio de Janeiro. Cette réserve équivaut à 5 ans de consommation mondiale avec un avantage supplémentaire: son coût d'extraction est de 8 dollars, très bas par rapport au coût moyen de la production mondiale. Il n'y aucun doute sur le fait que la couche pré-sel est une ressource abondante et stratégique et, pour cela, convoitée.

La réserve de la couche pré-sel pourrait financer le développement économique et social du Brésil en surmontant les problèmes sociaux structurels. En ce sens, en 2010 a été créé le Fonds Social de la Couche Pré-sel pour transformer les réserves de la couche pré-sel en ressources et garantir les investissements das l'éducation et la santé au Brésil.

Petrobras et la couche pré-sel dans la ligne de mire des intérêts des multinationales

Dans la dispute pour le pouvoir international, la dimension énergétique est importante. Au bout du compte, l'assès aux sources d'énergie comme le pétrole est déterminant pour le processus d'industrialisation et de développement de toute nation. L'ensemble impérialiste (Euro-Etats-unien) dirigé par les Etats-Unis et matérialisé par l'OTAN connaît le rôle stratégique des réserves énergétiques - comme la couche pré-sel brésilienne - dans la corrélation matérielle des forces.

Il existe une variable importante dans ce jeu géopolitique: les BRICS. L'articulation entre le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud s'est potentiellement formée comme une opposition mondiale à l'OTAN, une inquiétude importante pour Washington. Il s'agit de pays qui ne font pas partie de l'OTAN, possèdent des facteurs stratégiques importants comme des réserves de pétrole ( Brésil, Russie), des armes atomiques ( Russie, Inde, Chine), une population et une force de travail abondantes (Chine, Inde, Brésil et Russie), sont industrialisés et ont un grand potentiel de consommation intérieure.

Ainsi, les BRICS sont une alliance potentiellement forte et peuvent influer sérieusement sur le pouvoir politique mondial concentré dans les nations de l'Atlantique Nord.

Le gouvernement brésilien, face à la crise politique actuelle, ne donne pas la priorité à ses relations avec ses associés internationaux que ce soient les BRICS ou l'UNASUR (Union des Nations Sud-américaines), ce qui l'expose à des pressions des pays centraux, en particulier des Etats-Unis.

La position brésilienne non seulement met en danger le patrimoine et les intérêts nationaux mais contribue aussi à l'affaiblissement des gouvernements progressistes en Amérique Latine. Il suffit de voir l'omission ou la sous-estimation de la situation sensible au Venezuela, en Bolivie et en Argentine.

En résumé, le contrôle d'Etat et de la nation de la couche pré-sel va contre les intérêts géopolitiques de l'Atlantique Nord. Le monopole des opérations que conserve Petrobras sur les réserves de la couche pré-sel, bien qu'il permette l'investissement privé et la privatisation d'une partie importante des gains, est un outil important de développement national et de l'exercice du pouvoir réel dans la géopolitique.

Allié à d'énormes avantages en termes d’énergie, une possible relation étroite de coopération internationale avec les autres BRICS - en particulier la Russie, adversaire déclaré, et la Chine, principal concurrent économique des Etats-Unis - créent de bonnes conditions pour que la Brésil et l'Amérique Latine aient la possibilité de prendre des positions indépendantes dans les relations internationales.

Ces intérêts internationaux dans la couche pré-sel sont matérialisés dans le projet de loi dont on s'occupe au Congrès National et qui propose de retirer le monopole de Petrobras sur l'exploitation de cette sorte d'hydrocarbures. Bien plus, les dénonciations de corruption concernant les ressources de Petrobras, des entreprises et des personnalités politiques n'ont pas pour but de défendre la morale et la légalité mais essentiellement de créer un contexte favorable à la privatisation de l'entreprise pétrolière d'Etat et de mettre fin à la souveraineté énergétique du Brésil.

*Pedro Otoni est politologue et secrétaire politique national des Brigades Populaires

Source en espagnol:

http://www.resumenlatinoamericano.org/2016/03/12/petrobras-y-el-presal-brasileno-el-centro-de-la-disputa/

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