Cuba-Etats-Unis: Des journalistes cubains qualifient la conduite d’Obama de « pathétique »
Des journalistes cubains, interviewés par la chaîne télévisée libanaise Mayadin pour résumer la visite du président Obama dans leur pays, se sont montrés très critiques envers le président américain, l’accusant de tenter de susciter la rébellion et de « monter le gouvernement et le peuple » l’un contre l’autre. La journaliste Rosa Miriam Elizalde a déclaré que cette visite était une grande victoire pour Cuba car ce sont les Etats-Unis – et non Cuba – qui avaient changé de rhétorique et de position. Le journaliste Iroel Sanchez, qui a qualifié de « pathétique » l’utilisation par Obama de mots en espagnol cubain, a conclu que les relations avec les Etats-Unis ne changeraient pas la culture anti-impérialiste de Cuba. Cette interview a été diffusée le 3 avril 2016. Extraits :
La journaliste cubaine Rosa Miriam Elizalde : Nous autres Cubains avons le sentiment que ce qui s’est produit est une grande victoire pour notre pays. C’est indubitablement le gouvernement américain qui a changé sa rhétorique et sa position, alors que Cuba n’a renoncé à rien.
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Obama est allé dîner dans un restaurant privé, parce qu’il était venu nous vendre l’idée selon laquelle le secteur privé allait sauver Cuba et nous appeler à adopter le capitalisme. Un expert cubain renommé a déclaré qu’Obama tentait de monter le peuple et le gouvernement cubains l’un contre l’autre, et de générer un conflit entre les secteurs privé et public, en raison de son inclinaison naturelle vers le secteur privé.
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Le journaliste cubain Iroel Sanchez : Obama s’est exprimé dans le dialecte cubain local. Il ressemblait à un enfant qui vient tout juste d’apprendre à parler, et qui découvre un nouveau mot, alors il le répète sans cesse. Je pense que c’était un peu stupide. La première fois c’était drôle, mais la seconde c’était pathétique. Il est venu porteur d’une brochette d’idées stéréotypées. Il avait entendu de ses conseillers quelques bribes sur le vécu cubain, mais il a répété des idées stéréotypées suivant la perspective de Miami. Mais Cuba n’est pas Miami. Alors il a perdu la capacité à se connecter avec les gens, alors même qu’il était venu pour tenter de se faire aimer d’eux.
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La journaliste cubaine Arleen Rodriguez Derivet : Parfois, ce que disait Obama ressemblait à un appel à la rébellion.
Iroel Sanchez : Exactement.
Arleen Rodriguez Derivet : Il a affirmé que les gens avaient le droit de s’exprimer et de se rebeller.
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Iroel Sanchez : Cela m’a fait penser à son discours à l’université du Caire en 2009, au cours duquel il avait approuvé le soi-disant « Printemps arabe », qui a brisé les sociétés laïques et imposé le fanatisme religieux.
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Lorsqu’il évoque la responsabilisation du peuple cubain, il parle en fait de la création d’une élite qui détruira le pays et préservera ses propres intérêts. C’est exactement ce qui est arrivé dans les pays voisins de Cuba.
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Arleen Rodriguez Derivet : Je pense que l’erreur principale qu’Obama a faite dans son discours était de mépriser la culture du pays qu’il visitait.
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Iroel Sanchez : Je trouve que son discours était très simpliste. Il a parlé de [la danseuse étoile cubaine] Alicia Alonso et du rappeur Pitbul. Il les a placés sur le même plan, alors qu’ils ne peuvent être comparés. Ils n’ont rien en commun. Il a comparé la culture profonde et enracinée [d’Alonso] à un phénomène primitif et commercial.
Arleen Rodriguez Derivet : Exact. C’est ce que j’ai dit auparavant. Ils tentent de comprendre Cuba à travers le prisme de Miami.
Iroel Sanchez : Exactement. Souvenez-vous de ce qu’il a dit le 17 décembre 2014. Il avait dit : « Miami est la capitale de l’Amérique latine. » C’est ainsi qu’il voit les choses.
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Rosa Miriam Elizalde : Ils suivent l’hypothèse selon laquelle le peuple cubain est similaire au peuple américain. Leur peuple a une mémoire courte. Ils sont prêts à entendre quelqu’un leur raconter une histoire aujourd’hui, et à oublier tout ce qui s’est passé auparavant. Nous ne sommes pas ainsi. Nous avons une histoire de plus de 100 ans de lutte contre les desseins des Etats-Unis, qui veulent annexer Cuba à leur territoire.
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Iroel Sanchez : Dans son discours, Obama a utilisé le mot « changement » 14 fois. C’est la méthode qu’ils emploient : répéter, répéter, répéter.
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Rosa Miriam Elizalde : Même si Obama n’avait rien à voir avec l’assassinat de Che Guevara, commis par ses prédécesseurs, il représente le pays qui l’a assassiné. Par conséquent, de nombreux Cubains se sont sentis humiliés. [Se faire photographier avec une photo du « Che » derrière lui] n’était pas habile de sa part. Ce n’était pas un pas vers la réconciliation. Il ne s’est excusé à aucun moment, et n’a pas même mentionné cet événement, qui a causé une immense douleur dans ce pays.
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Iroel Sanchez : Cuba n’a pas changé, et ne bougera pas d’un iota de ses positions fondamentales. Cuba réitère son soutien aux peuples palestinien et sahraoui.
Arleen Rodriguez Derivet : Et au peuple syrien.
Iroel Sanchez : Exact. Le peuple syrien, qui est un ami de Cuba depuis longtemps. Les relations avec les Etats-Unis n’auront pas la moindre influence sur la culture anti-impérialiste du peuple cubain.
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