Venezuela: Hugo Chávez et le destin d'un peuple (3° partie)
Par Germán Sánchez Otero, 22 juillet 2016
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Dans la soirée, ils se sont rendus à Guanare, dans l'état de Portuguesa où il sont rencontré 5 000 paysans. De là, ils sont allés en hélicoptère jusqu'à Barquisimeto, dans l'état de Lara et ils ont parlé à l'université.
La soirée réserve le meilleur... Le stade de la ville se remplit pour voir la nouvelle partie de base-ball entre le Venezuela et Cuba. Cette fois, il n'y a pas d'espiègleries et la nouveauté, c'est qu'y participent d'ex joueurs professionnels mais aussi plusieurs qui ne le sont pas. La surprise arrive presque à la fin quand Chávez vient lancer et que Fidel vient frapper avec sa batte, avec ses 74 ans d'enthousiasme. L'arbitre vénézuélien, inquiet, dit à Chávez: “Président, ne lance pas fort, tire à 20 milles, fais attention avec ton coup de balle... » Lui, bien qu'il ait un bon contrôle, décide d'obéir à l'arbitre. Alors Fidel va lui parler dans le box.
Ecoute, tire fort, ne va pas me lancer ces « petites bombes » parce qu'ils me voient à Cuba, lance fort – lui dit l'ami avec insistance.
Et si je te donne un coup de balle ? Réplique Chávez.
Donc donne-moi un coup de balle.
Et ça commence. Il lui lance une balle tire-bouchon que Fidel a tenté de frapper mais sans succès. Après deux strikes, c'est l'inattendu qui se produit: au dernier lancement, en trajectoire rectiligne, l'arbitre valide la frappe alors que le commentateur cubain se trompe et crie "et il l'élimine...!", avant de se rendre compte de don erreur et de rectifier tout de suite.
Boule ou strike ? Les plaisanteries et les polémiques entre les 2 amis et de nombreux Vénézuéliens et Cubains sont le meilleur du jeu qui s'achève 17 à 6 en faveur de Cuba. Quelqu'un, ensuite, a rendu célèbre le paradoxe avec la phrase : Ca a été un strike qui a fait tomber la boule »...
Le lendemain – dimanche – pour la première fois dans son histoire, 2 présidents ont fait l'émission Aló Presidente, 2 présidents qui mêlaient leur charisme et ont offert un fabuleux gala. Chávez dit :
Je t'ai vu, j'ai senti ta noblesse, ta profondeur car un jour on va s'unir plus dans l'âme et dans le cœur. En tant que frères, comme ce que nous sommes, nous avons partagé des heures inoubliables pour tous. Mais il ne s'agit pas seulement d'amitié. Non. Bien au-delà de l'amitié, de l'empathie, de la tendresse, de l'affection, qui est profonde et le sera plus chaque jour, il s'agit d'une vision géopolitique, d'une intégration de nos peuples. Arriver, reprendre le chemin.
Le champ de bataille de Carabobo les incite à se promener dans l'histoire des 2 peuples. Ils parlent aussi du présent. Fidel exprime ses impressions sur ce qu'il a vu au Venezuela,ils discutent du strike qui est devenu balle, ils discutent avec des auditeurs du Venezuela et de Cuba et à la fin, Chávez réussit presque l'exploit de faire chanter son ami...
Le moment fort de cette visite est al signature de l'Accord Intégral de Coopération entre entre Cuba et le Venezuela, le 30 octobre, au Salon Ayacucho du Palais de Miraflores. Une idée originale de Chávez, même le nom.
A peine 20 jours auparavant, il nous a annoncé son initiative : le Venezuela vendra tout le pétrole que Cuba importe (106 mil b/d) dans les mêmes conditions que celles de l'Accord Energétique, sauf qu'on lui concède 2 ans de grâce. Ce dernier détail, il l'a décidé parce qu'à la différence des 10 autres pays, dans le cas de Cuba, l'accord qu'il imagine comporte une seconde partie : le Venezuela aura une compensation (et un bénéfice) avec des biens et des services que Cuba fournit dans le domaine de l'éducation, de la santé, du sport, du tourisme, de la culture, de la technologie médicale et sucrière, entre autres.
En s'asseyant pour discuter à Caracas, Fidel n'est en désaccord que sur une idée avec Chávez – et celui-ci accepte - : le Venezuela ne doit pas, pour le moment, fournir à Cuba 106 mil b/d. Il lui propose que ce soit la moitié : 53 mil b/d. Cela représente 31% de al consommation cubaine totale alors que dans le cas des autres pays, en ajoutant les quantités qu'ils reçoivent grâce à l'Accord de San José et à celui de Caracas, ils atteignent 54% de leur consommation.
Un mois plus tard, Chávez dit au revoir au premier groupe de 50 patients vénézuéliens et à leurs accompagnants qui se rendent à Cuba pour être soignés gratuitement. Et en décembre a lieu à La Havane la première réunion de la Commission Mixte binationale pour mettre au point le plan d'échange commercial et de collaboration pour 2001. Ainsi débute le processus de tâtonnements concernant la première expérience historique d'intégration solidaire entre 2 nations de la région. Bien qu'elle soit encore limitée par les réalités politiques que vit le Venezuela, en particulier par les points de blocage dans son gouvernement comme le général (E) Guaicaipuro Lameda, directeur du Bureau du Budget qui réduite montant accordé pour 2001 au septième de celui accordé précédemment. Chávez réussit à surmonter en partie ces liens bureaucratiques et utilise des ressources financières supplémentaires grâce à son effort pour développer la collaboration réciproque entre Cuba et le Venezuela.
Fidel célèbre ses 75 ans au Venezuela
Un souhait intime a fait que Chávez invite Fidel à fêter son anniversaire dans l'état de Bolívar, le 13 août. Qui est le plus heureux ? Fidel dit que fêter ses 75 ans sur la terre de Bolívar, « c'est comme naître une deuxième fois ». Et le Vénézuélien savoure ce cadeau fait à l'ami admiré et aussi – avoue-t-il à ses intimes – aux peuples du Venezuela et de Cuba.
La scène naturelle, économique et historique qu'il choit ne peut être meilleure. L'état de Bolívar semble avoir été crée pour le souffle divin : des paysages séduisants dans la Gran Sabana et Roraima où surgissent des élévations tabulaires appelées tepuyes qui ressemblent à des sculptures colossales, plusieurs fleuves cristallins, des aras et des toucans qui colorent l'air, des chutes d'eau – dont la plus haute de la planète : El Ángel., des lagunes, des communautés indigènes, la confluence des fleuves Orénoque et Caroní, des ressources minérales variées – parmi lesquelles du fer, de l'or, de la bauxite et des diamants – des usines industrielles d'acier et d'aluminium, un port fluvial... un trésor prestigieux, protégé par une population concentrée à Ciudad Guayana et à Ciudad Bolívar (ancienne Angostura), cette dernière d'architecture ancienne et où se trouvent de célèbres sites historiques comme la Maison San Isidro où a vécu le Libérateur et où il écrivit son message au Congrès d'Angosturad'Angostura en 1819.
Il profite de ces visites avec Fidel. La maison mémorable, l'immeuble de 2 étages où cet événement constitutionnel a eu lieu et la belle Place Bolívar où il décore son invité de l'Ordre du Grand collier d'Angostura et où celui-ci prononce un discours inspiré par le Libérateur et par Martí. Ils vont au Parc National Canaima et naviguent sur la lagune du même nom dans une curiara1, ils se laissent éclabousser par les eaux écumeuses de la cascade et Fidel y glisse un doigt pour sentir la température devant le sourire étonné de son ami qui n'a pas pu répondre à cette question. Ils signent une annexe à l'Accord de Coopération et tombent d'accord sur le fait qu'il y a beaucoup à faire. Ainsi, entourés de forêts, de fleuves, de tepuyes2, d'histoire bolivarienne, d'humour, d'usines et de gens de toute part, ils fêtent l'anniversaire de l'accouchement à Birán. 3 jours splendides de culture vénézuélienne et cubaine sont la crise sur le gâteau...
Quelques jours plus tard, le 5 septembre, se réunit à Caracas la Commission Mixte Inter-état de l'Accord Intégral de Coopération. Au début de son discours, Chávez surprend avec une idée. Je cite : « Il ne s'agit pas d'un échange commercial basé sur les prix puisque la loi sur la valeur et les relations économiques internationales fondamentales dans celle-ci aboutissent à porter préjudice aux pays sous-développés. » Il précise : « Cela, le Che l'a dit ». Et il explique que l'essence de cette pensée inspire « cette rencontre d'aujourd'hui (…) et cette rencontre de toujours entre Cuba et le Venezuela. »
Il ajoute qu'il est nécessaire de construire un modèle alternatif d'intégration « dont l'avant-garde ne soit pas le dollar, dont l'avant-garde ne soit pas le commerce. Non, dont l'avant-garde soit l'âme et la volonté. Comme nous le faisons ici. C'est ça, le chemin. Je crois que ça, c'est le modèle de Marti et de Bolivar, le modèle révolutionnaire. » Il continue : « Il s'agit de ce que nous, nous sommes appelés à créer, un modèle alternatif à l'intégration néo-libérale avec laquelle ils prétendent nous amener dans la poêle même du Cinquième cercle de l'Enfer. Ils nous amènent vers l'ALCA et avant d'exprimer l'idée nouvelle, je demande : Pourquoi ne commençons-nous pas (…) à construire une alternative à l'ALCA ? Encore le pognon, non ? » Et enfin, il lance cette proposition audacieuse : « Et alors, c'est là que nous avons commencé à travailler à al création de cette alternative que nous pourrions appeler l'ALBA, Alternative Bolivarienne pour les Amériques, un autre modèle d'intégration. » Il a semé la graine.
Entre août et décembre, il réalise plusieurs actions internationales importantes. Le 17 août, il participe au XV° Sommet du Groupe de Río, à Santiago de Chili, qui accepte sa proposition sur le caractère participatif que doivent avoir les démocraties dans la région. Il soutient que pour vaincre la pauvreté, il faut faire des révolutions économiques, laisser de côté le néolibéralisme et remplir les peuples de démocratie.
Il reste au Chili et visite la maison de Pablo Neruda à l'Isla Negra et la tombe où reposent les restes du poète qu'il admire tant, face à l'Océan Pacifique. Emu, alors qu'il imagine le barde baigné par la brise fraîche dont il profite aussi en ce moment, il récite un extrait d'Un Chant à Bolívar, le poème préféré du Vénézuélien. : « J'ai connu Bolívar pendant une longue matinée à Madrid, dans le sein du Cinquième Régiment et je lui ai dit : « es-tu, père, ou n'es-tu pas ou qui es-tu ? » et il a dit en regardant la caserne de la montagne : « Je me réveille tous les 100 ans quand le peuple se réveille. »
Il participe à la X° Assemblée du Parlement de l'Amazonie, à Bogotá, le 25 septembre. RCN, consortium de médias de l'oligarchie colombienne montre une vidéo sur laquelle on voit un soi-disant guérilléro des FARC derrière Chávez en tant que garde du corps. Il dément ce montage qui cherche à entraver les relations entre les 2 pays. Une preuve de plus que la politique étrangère du Venezuela marche bien.
Il est l'hôte sur l'Ile de Margarita du III° Sommet de l'Association des Etats des Caraïbes les 10 et 11 décembre. Il réaffirme ses critères concernant l'intégration et propose des accords concrets parmi lesquels une zone de tourisme soutenable et l'incorporation de nouveaux pays à l'Accord Energétique de Caracas. Sachant que le néolibéralisme est encore prédominant, il lance une diatribe opposée au règne du marché. Selon les néo-libéraux, « c'est le nouveau Dieu », capable de tout arranger. « Car c'est le diable en habit de Dieux parce qu'il n'arrange pas tout, il nuit tout, il nuit à l'économie, il nuit à la société, il nuit à la politique, il nuit à la morale parce qu’il part d'un principe malveillant et sauvage qui est l'individualisme et l'égoïsme. » Et, par conséquent :
« Ce modèle néolibéral ne peut être la base ni le cadre de nos modèles d'intégration. »
L'économie ne peut avancer mais la politique le peut : « Ce n'est pas l 'économie qui va nous intégrer et encore moins nos économies pleines de faiblesses, de vulnérabilités. » Il s' impose de nouveau « que la politique revienne à la charge et soit à l'avant-garde des processus d'intégration. » C'est l'idée et la façon d'agir de Bolívar. « Un pacte politique est ce qui s'impose aujourd'hui comme c'était ce qui s'imposait alors et une intégration complète, à la bolivarienne. »
Il affirma que l'ALCA n'est pas la bonne voie. « Nous voulons un modèle qui nous intègre vraiment. Pas un modèle qui nous désintègre, qui intègre les uns en désintégrant des autres. » Et par conséquent, « avec beaucoup de modestie et d'humilité », il propose aux Caribéens et aux Latino-américains « de penser une bonne fois à une alternative parce que cela, nous croyons que ce n'est pas possible.» Et alors, il annonce pour la première fois à un groupe de pays son audacieuse proposition : « Commencer à discuter de ce qu'on pourrait appeler l'ALBA, presque ALCA mais avec un B, Alternative Bolivarienne pour les Amériques, un nouveau concept d'intégration qui n'est rien de nouveau, il s'agit d'avoir à nouveau un rêve que nous croyons possible, il s'agit d'une autre voie, il s'agit d'une recherche parce que certainement, l'intégration est vitale pour nous : ou nous nous unissons ou nous plongeons. »
Ces idées sont une partie de la réponse de Chávez aux attaques croissantes des Etats-Unis et de l'oligarchie vénézuélienne pour détruire la Révolution Bolivarienne.
NOTES:
1Curiara o wajibaka : pirogue traditionnelle creusée dans un tronc d'arbre. Pour ceux qui comprennent l'espagnol : http://www.taringa.net/comunidades/venezuelainteractiva/6651650/Curiaras-o-wajibaka-medios-de-transporte-tradicionales.html
2Petites tables particulièrement abruptes avec des parois verticales et un sommet très plat caractéristiques de la Grande Savane Vénézuélienne (https://es.wikipedia.org/wiki/Tepuy)
Source en espagnol :
http://www.cubadebate.cu/especiales/2016/07/22/hugo-chavez-y-el-destino-de-un-pueblo/#.V5MUtYSGcRE
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