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Venezuela: Hugo Chávez et le destin d'un peuple

28 Juillet 2016, 11:31am

Publié par Bolivar Infos

Par Germán Sánchez Otero, 22 juillet 2016

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

« Hugo Chávez et le destin d'un peuple » est le 2° partie ce la biographie du leader bolivarien écrite par Germán Sánchez qui sera complétée par une 3° partie. Elle commence le 2 février 1999, jour où il reçoit l'écharpe présidentielle et s'achève le 2 février 2003, date à laquelle le coup d'Etat pétrolier est vaincu et où la Révolution Bolivarienne entre dans une phase d'avance rapide.

Ces 4 premières années de la Révolution – l'étape le plus importante de son histoire – montrent en rouge vif les progrès du leadership de Chávez et le développement de ses qualités parmi lesquelles la capacité politique et émotionnelle à entreprendre les grands changements, à regarder les erreurs en face, à surmonter les vicissitudes et à continuer la voyage vers la conquête de la « bonne patrie » et l'union totale de Notre Amérique.

Cubadebate publie en exclusivité des fragments du nouveau livre de Germán qui a été ambassadeur de Cuba dans la nation bolivarienne (1994-2009) et qui partage avec nos lecteurs des passages qui révèlent la relation particulière qui a uni Chávez au leader de la Révolution Cubaine Fidel Castro.

« Hugo Chávez et le destin d'un peuple » sera présenté le 28 juillet prochain au Venezuela à l'occasion du 62° anniversaire de la naissance du Président.

Septième visite de Fidel Castro au Venezuela

A la veille de l'arrivée de Fidel à Caracas, Chávez me demande combien de fois il a visité le Venezuela. Je réponds de mémoire : la première fois en avril 1948, il y a 21 ans, il va à Bogotá et passe par Caracas pour inviter les leaders étudiants vénézuéliens à un événement organisé par des étudiants qu'il soutient au nom de la Fédération des Etudiants Universitaires (FEU) de Cuba avec d'autres organisations homologues d'Amérique Latine.

A seulement 3 semaines du triomphe de la Révolution, entre le 23 et le 26 janvier 1959, il vient remercier le peuple vénézuélien pour son soutien. Il a 32 ans et sa visite est un événement historique étant donné le soutien que les gens lui témoignent partout et à cause de ses discours sur la Place du Silence, à l'Université Centrale et au Congrès. 30 ans plus tard, en février 1989, il vient pour la 3° fois, à l'occasion de l'investiture du président Carlos Andrés Pérez – qui rétablit les relations diplomatiques – et c'est la personnalité étrangère la plus importante. Il reste 4 jours à Caracas et rencontre des dirigeants politiques, des groupes religieux, sociaux, des patrons et des journalistes.

2 ans plus tard, en 1991, il se rend discrètement sur la petite île de La Orchila à l'invitation de Carlos Andrés pour discuter avec lui et avec le premier ministre espagnol Felipe González, tous 2 engagés à avoir une couverture à Cuba pour restaurer le capitalisme. En novembre 1997, il participe au Sommet Ibéro-américain qui a lieu à Margarita sous la présidence de Rafael Caldera. Et la 6° fois, lui ai-je dit, c’est en février 1999, quand tu deviens président...

Il écoute attentivement et, à la fin, j'exprime une idée dont je sais qu'elle va lui plaire :

  • Le Venezuela est le pays d'Amérique Latine que ton ami a le plus fréquenté...

La nouvelle fait mouche. Il a un sourire coquin et il réagit sur l'instant :

  • Je ne crois pas que ce soit par hasard...

Dans la soirée ensoleillée du 26 octobre, il embrasse Fidel au pied de la passerelle de l'avion L-62, sur la rampe présidentielle de l'aéroport Simón Bolívar, lui met les mains sur les épaules et le regarde dans les yeux familièrement.

  • quand je suis parti de l'aéroport de La Havane la 1° fois que j'ai visité Cuba, je t'ai dit qu'un jour, je te recevrai de la même façon, comme tu le mérites... - murmure-t-il, pris par la passion de celui qui tient une promesse et il ajoute : Bienvenue, frère !

Il n'y a rien à dire de plus. Il évoque ainsi le fait qu'en décembre 1994, dans des conditions très défavorables, alors qu'il venait de sortir de prison, Fidel l'a reçu comme un président.

Déjà dans le salon officiel de l'aéroport, il disparaît quelques minutes. A la fin, il surprend tout le monde avec son nouveau vêtement : il a changé le costume cravate pour celui avec lequel il recevra son hôte, l'uniforme de lieutenant-colonel. Pourquoi ?

Une heure plus tôt, il a appris que celui-ci viendrait avec la tenue vert olive. Il décide alors d'utiliser le costume officiel qui est toujours utilisé dans ces cérémonies et ensuite, de mettre sa tenue de campagne pour se rendre dans l'état de Vargas. Un message visuel fort, à double signification, qu'il souhaite transmettre à 4 destinataires : le peuple vénézuélien, les militaires vénézuéliens, la contre-révolution et l'empire.

Bien qu'il ne l'ait jamais révélé en public, depuis qu'il est sorti de prison en mars 1994, il s'est toujours préoccupé de choisir le vêtement adéquat pour les buts politiques qu'il poursuit. Depuis le traditionnel « liquiliqui » llanero1 – de type militaire – qu'il utilisera au moins dans cette 1° étape ou les chemises et les jeans ordinaires – parfois avec des gilets en tricot – jusqu'aux costumes officiels pour des activités particulières de ses campagnes électorales et pour certains rôles qu'il joue ne tant que président ou les chemises de couleur avec de grandes poches de style militaire – même les rouges presque toujours surmontées du béret de parachutiste dans les manifestations populaires- ou l'uniforme de commandant lors d'activités militaires et des chemises bigarrées, la combinaison de sport aux 3 couleurs du drapeau ou le mélange d'une chemise bleue et sous un T-shirt rouge...

Il choisit un vêtement avec un sens précis du moment et de al circonstance. De même que quand il parle, c'est un créateur original de son image personnelle. Aspect physique et style oratoire sont cohérents dans son action publique. Et il ne laisse aucun détail au hasard.

Les jours qui ont le plus uni le Venezuela et Cuba

Il ne néglige pas non plus le programme de ses invités. Dans le cas de Fidel, il a prévu qu'il visite 3 états : Mérida – dans les Andes - Bolívar – pour son histoire associée ai Libérateur et la beauté de La Gran Sabana – et Lara – dans les llanos. 48Heures plus tard, tout était déjà coordonné. Et survint un événement qui l' fait réfléchir : un appel de sa mère, Elena Frías, qui s'étonnait en apprenant que Fidel n'allait pas à Barinas. Comment, tu ne vas pas l'amener goûter le capybara2 et les hallacas3, mon fils ? Lui dit-elle d'une voix suppliante et Chávez imagina Fidel, heureux d'aller avec lui dans les sillons de ses racines. Cela, joint à la distance entre les états prévus, l'a fait opter pour concentrer la tournée de l'intérieur du pays sur Barinas, Portuguesa, Lara – les 3 étant des états des llanos – et un Aló Presidente sur le champ de bataille de Carabobo.

Il accompagne Fidel presque tout le temps. A Vargas, il lui montre les ravages du désastre et les travaux pour guérir les blessures en pus d'une rencontre avec les médecins cubains qui travaillent là depuis décembre. Le lendemain, ils se rendent au Panthéon National et ils rendent hommage à Bolívar, visitent la caserne San Carlos – où Chávez était en prison quelques temps – marchent dans les rues de al vieille Caracas jusqu'à la Maison Natale du Libérateur. Fidel est déclaré Hôte Illustre de Caracas sur la Place Bolívar et il reçoit là les clefs de la ville. Ensuite, ils inaugurent la Maison José Martí – dans laquelle l'Apôtre cubain donna des cours en 1881. Le peuple se déchaîne et inonde tous les endroits par où ils passent. L'apothéose.

Dans la soirée, Fidel est reçu à l'Assemblée Nationale lors d'une session solennelle au cours de laquelle il prononce un discours plein de clefs. Les députés de l'opposition qui ont menacé quelques jours plus tôt de boycotter la présence du président cubain, choisissent d'être absents. L'orateur regrette que sa présence au Parlement ait été « source de contrariété » pour certains de ses membres ». Et il demande des excuses.

Il affirme : « L'argument obstiné qu'au Venezuela on cherche à introduire le modèle révolutionnaire de Cuba a beaucoup été brandi ». Et il évoque les réponses qu'il a dû faire à la presse vénézuélienne pour démentir ce mensonge auquel s'ajoute maintenant l'affirmation que Chávez veut offrir du pétrole à Cuba. Cuba est Cuba et le Venezuela est le Venezuela. Il dénonce que son pays ne cesse pas d'être utilisé à des fins de politique intérieure par les ennemis de la Révolution Bolivarienne et de Chávez, « incontestable et éminent leader bolivarien dont l'activité et le prestige dépassent déjà amplement les frontières de sa Patrie ».

Il proclame qu'il est son ami et il en est fier : « J'admire ton courage, ton honnêteté et ta vision claire des problèmes du monde actuel et le rôle extraordinaire que le Venezuela est appelé à tenir dans l’unité latino-américaine et dans la lutte des pays du tiers-monde ». Cela, il ne le dit pas maintenant parce que Chávez est Président du Venezuela : « J'ai deviné qui il était quand il était encore en prison. A peine quelques mois après qu'ait été libéré, je l'ai invité à Cuba avec tous les honneurs au risque, encore, que ceux qui étaient les maîtres du pouvoir rompent leurs relations avec Cuba […]”.

Ils affirme que ceux qui gouvernaient le Venezuela depuis 1959 – quand pour la première fois il s'est rendu au Parlement – ont créé les conditions pour que naisse le processus révolutionnaire actuel. Ils considère que ces forces politiques « ne gagneront jamais à nouveau la confiance du peuple si la nouvelle génération de leaders qui dirige aujourd'hui le pays arrivent à unir leurs forces, à serrer les rangs et à faire tout ce qu'ils peuvent ». Et il pose une question importante : « est-il possible de faire cela à l'intérieur du modèle constitutionnel et politique approuvé récemment ? Ma réponse est oui. »

Il est certain que l’énorme autorité politique et morale « qui vient de ce que la Révolution Bolivarienne peut faire pour le peuple vaincra politiquement les forces réactionnaires. » Et il complète sa prévision : « La culture et les valeurs révolutionnaires et patriotiques qu'enne engendrera dans le peuple vénézuélien rendront impossible le retour au passé. »

Un autre jour, le 28 octobre, ils se rendent à Barinas. Ils prennent d'abord un déjeuner typique des llanos dans la maison des parents de Chávez qui, devant l'insistance de leur hôte pour savoir comment est le capybara, le leur dessine avec un stylo sur une serviette en papier et répondent aux nombreuses questions qu'il pose sur le quadrupède herbivore de la taille d'un cochon dont la chair doit être séchée au soleil et salée.

Ils font un parcours à travers la zone de développement spécial La Marqueseña-Puerto de Nutrias. Chávez est au volant de la voiture qui se déplace dans les rues étroites, Fidel, à ses côtés, observe même le vol des papillons. Il arrête même leur marche pour des personnes qui veulent leur parler et le copilote devient un aide qui garde les petits papiers avec les demandes des paysans et des femmes éplorées qui portent des enfants mal nourris ou malades.

Ainsi avancent-ils, le fils de Sabaneta la main droite sur le volant et l'autre saluant des centaines de personnes qui lui crient des mots d'affection et des demandes d'aide diverses et il leur répond : « Attention, gros ! », « Salut, noire ! ». Ensuite, Fidel commente qu'il s'est rempli la tête avec les nombreux besoins et les angoisses que les gens transmettent à Chávez. En même temps, il a réaffirmé que tous ont confiance en lui, une énorme confiance et un énorme espoir en l'obligeant à réaliser l'impossible.

A la fin du périple, il dit à son ami :

  • Chávez, j'ai vu beaucoup de souffrance, j'ai vu plus de désirs d'aide dans le peuple vénézuélien que ce que j'ai trouvé à Cuba quand la Révolution a triomphé.

Il argumente que le Venezuela est un pays de 24 000 000 d'habitants, de plus de 900 000 Km2 et que les problèmes accumulés sont plus importants que le pays. Il commente cela en privé avec lui et plusieurs fois en public : Pourquoi ne s'organisent-ils pas ? Insinue-t-il. Et il donne l'exemple de Cuba: “[…] notre pays n'aurait pas pu résister au blocus, notre pays n'aurait pas la conviction qu'on peut vaincre n'importe quelle agression, n'importe quelle invasion sans cette participation du peuple organisé. »

De là, ils vont à Sabaneta, visitent la maison où Chávez a vécu enfant, parcourent des quartiers du village et parlent lors d'une manifestation populaire. Fidel observe tout et demande mille précisions. Chávez jouit particulièrement de cette nouvelle rencontre avec son passé et avec son peuple de toujours, accompagné par le leader qu'il a commencé à admirer dès son adolescence.

Il s'attendrit en le voyant entrer en baissant la tête sous la petite porte de son foyer d'enfant et il imagine l'extraordinaire grand-mère Rosa Inés qui l'embrasse et lui sourit. « Incroyable, celui que je vois devant mes yeux est Fidel », se dit-il en regardant le Commandant historique marcher dans sa maison des souvenirs.

Sur la place Bolívar de Sabaneta, proche de l'église où Chávez fut enfant de choeur, ils discutent avec beaucoup de gens qui sont là et tous deux improvisent de brefs discours. Impressionné par tant de personnes humbles qui s'approchent de Chávez de toute part pour lui demander des solutions à leurs problèmes, Fidel souligne que ceux-ci se sont accumulés pendant plus de 200 ans, que l'organisation a manqué é et que les dirigeants locaux doivent être chargés de résoudre les difficultés les plus quotidiennes. Et il prononce une phrase clef que beaucoup répètent depuis : « Chávez ne peut être le maire de tout le Venezuela... » Il s'inquiète aussi des faiblesses qu'il observe dans la sécurité personnelle de son ami et déclare publiquement qu'on devrait plus s'en préoccuper.

Chávez remercie son invité pour ses remarques et, en le regardant dans les yeux, lui dit qu'il espère qu'il reviendra vite à Sabaneta « et que tu ne voies plus les paysans sans terre et que tu ne voies plus l'enfant avec une hernie qui ne sait pas quand on va l'opérer ni quel médecin va le voir et que tu ne voies plus les enfants sans école et que tu ne voies plus les femmes sans travail mais que tu voies la Révolution Bolivarienne que nous sommes à peine en train de commencer à construire et que tu voies la révolution triomphante de cette belle partie de l'Amérique du Sud. »

Dans la soirée, ils se sont rendus à Guanare, dans l'état de Portuguesa où il sont rencontré 5 000 paysans. De là, ils sont allés en hélicoptère jusqu'à Barquisimeto, dans l'état de Lara et ils ont parlé à l'université.

La soirée réserve le meilleur... Le stade de la ville se remplit pour voir la nouvelle partie de base-ball entre le Venezuela et Cuba. Cette fois, il n'y a pas d'espiègleries et la nouveauté, c'est qu'y participent d'ex joueurs professionnels mais aussi plusieurs qui ne le sont pas. La surprise arrive presque à la fin quand Chávez vient lancer et que Fidel vient frapper avec sa batte, avec ses 74 ans d'enthousiasme. L'arbitre vénézuélien, inquiet, dit àChávez: “Président, ne lance pas fort, tire à 20 milles, fais attention avec ton coup de balle... » Lui, bien qu'il ait un bon contrôle, décide d'obéir à l'arbitre. Alors Fidel va lui parler dans le box.

  • Ecoute, tire fort, ne va pas me lancer ces « petites bombes » parce qu'ils me voient à Cuba, lance fort – lui dit l'ami avec insistance.

  • Et si je te donne un coup de balle ? Réplique Chávez.

  • Donc donne-moi un coup de balle.

Et ça commence. Il lui lance une balle tire-bouchon que Fidel a tenté de frapper mais sans succès. Après deux strikes, c'est l'inattendu qui se produit: au dernier lancement, en trajectoire rectiligne, l'arbitre valide la frappe alors que le commentateur cubain se trompe et crie "et il l'élimine...!", avant de se rendre compte de don erreur et de rectifier tout de suite.

Boule ou strike ? Les plaisanteries et les polémiques entre les 2 amis et de nombreux Vénézuéliens et Cubains sont le meilleur du jeu qui s'achève 17 à 6 en faveur de Cuba. Quelqu'un, ensuite, a rendu célèbre le paradoxe avec la phrase : Ca a été un strike qui a fait tomber la boule »...

Le lendemain – dimanche – pour la première fois dans son histoire, 2 présidents ont fait l'émission Aló Presidente, 2 présidents qui mêlaient leur charisme et ont offert un fabuleux gala. Chávez dit :

Je t'ai vu, j'ai senti ta noblesse, ta profondeur car un jour on va s'unir plus dans l'âme et dans le cœur. En tant que frères, comme ce que nous sommes, nous avons partagé des heures inoubliables pour tous. Mais il ne s'agit pas seulement d'amitié. Non. Bien au-delà de l'amitié, de l'empathie, de la tendresse, de l'affection, qui est profonde et le sera plus chaque jour, il s'agit d'une vision géopolitique, d'une intégration de nos peuples. Arriver, reprendre le chemin.

Le champ de bataille de Carabobo les incite à se promener dans l'histoire des 2 peuples. Ils parlent aussi du présent. Fidel exprime ses impressions sur ce qu'il a vu au Venezuela,ils discutent du strike qui est devenu balle, ils discutent avec des auditeurs du Venezuela et de Cuba et à la fin, Chávez réussit presque l'exploit de faire chanter son ami...

Le moment fort de cette visite est al signature de l'Accord Intégral de Coopération entre entre Cuba et le Venezuela, le 30 octobre, au Salon Ayacucho du Palais de Miraflores. Une idée originale de Chávez, même le nom.

A peine 20 jours auparavant, il nous a annoncé son initiative : le Venezuela vendra tout le pétrole que Cuba importe (106 mil b/d) dans les mêmes conditions que celles de l'Accord Energétique, sauf qu'on lui concède 2 ans de grâce. Ce dernier détail, il l'a décidé parce qu'à la différence des 10 autres pays, dans le cas de Cuba, l'accord qu'il imagine comporte une seconde partie : le Venezuela aura une compensation (et un bénéfice) avec des biens et des services que Cuba fournit dans le domaine de l'éducation, de la santé, du sport, du tourisme, de la culture, de la technologie médicale et sucrière, entre autres.

En s'asseyant pour discuter à Caracas, Fidel n'est en désaccord que sur une idée avec Chávez – et celui-ci accepte - : le Venezuela ne doit pas, pour le moment, fournir à Cuba 106 mil b/d. Il lui propose que ce soit la moitié : 53 mil b/d. Cela représente 31% de al consommation cubaine totale alors que dans le cas des autres pays, en ajoutant les quantités qu'ils reçoivent grâce à l'Accord de San José et à celui de Caracas, ils atteignent 54% de leur consommation.

Un mois plus tard, Chávez dit au revoir au premier groupe de 50 patients vénézuéliens et à leurs accompagnants qui se rendent à Cuba pour être soignés gratuitement. Et en décembre a lieu à La Havane la première réunion de la Commission Mixte binationale pour mettre au point le plan d'échange commercial et de collaboration pour 2001. Ainsi débute le processus de tâtonnements concernant la première expérience historique d'intégration solidaire entre 2 nations de la région. Bien qu'elle soit encore limitée par les réalités politiques que vit le Venezuela, en particulier par les points de blocage dans son gouvernement comme le général (E) Guaicaipuro Lameda, directeur du Bureau du Budget qui réduite montant accordé pour 2001 au septième de celui accordé précédemment. Chávez réussit à surmonter en partie ces liens bureaucratiques et utilise des ressources financières supplémentaires grâce à son effort pour développer la collaboration réciproque entre Cuba et le Venezuela.

Fidel célèbre ses 75 ans au Venezuela

Un souhait intime a fait que Chávez invite Fidel à fêter son anniversaire dans l'état de Bolívar, le 13 août. Qui est le plus heureux ? Fidel dit que fêter ses 75 ans sur la terre de Bolívar, « c'est comme naître une deuxième fois ». Et le Vénézuélien savoure ce cadeau fait à l'ami admiré et aussi – avoue-t-il à ses intimes – aux peuples du Venezuela et de Cuba.

La scène naturelle, économique et historique qu'il choit ne peut être meilleure. L'état de Bolívar semble avoir été crée pour le souffle divin : des paysages séduisants dans la Gran Sabana et Roraima où surgissent des élévations tabulaires appelées tepuyes qui ressemblent à des sculptures colossales, plusieurs fleuves cristallins, des aras et des toucans qui colorent l'air, des chutes d'eau – dont la plus haute de la planète : El Ángel., des lagunes, des communautés indigènes, la confluence des fleuves Orénoque et Caroní, des ressources minérales variées – parmi lesquelles du fer, de l'or, de la bauxite et des diamants – des usines industrielles d'acier et d'aluminium, un port fluvial... un trésor prestigieux, protégé par une population concentrée à Ciudad Guayana et à Ciudad Bolívar (ancienne Angostura), cette dernière d'architecture ancienne et où se trouvent de célèbres sites historiques comme la Maison San Isidro où a vécu le Libérateur et où il écrivit son message au Congrès d'Angosturad'Angostura en 1819.

Il profite de ces visites avec Fidel. La maison mémorable, l'immeuble de 2 étages où cet événement constitutionnel a eu lieu et la belle Place Bolívar où il décore son invité de l'Ordre du Grand collier d'Angostura et où celui-ci prononce un discours inspiré par le Libérateur et par Martí. Ils vont au Parc National Canaima et naviguent sur la lagune du même nom dans une curiara4, ils se laissent éclabousser par les eaux écumeuses de la cascade et Fidel y glisse un doigt pour sentir la température devant le sourire étonné de son ami qui n'a pas pu répondre à cette question. Ils signent une annexe à l'Accord de Coopération et tombent d'accord sur le fait qu'il y a beaucoup à faire. Ainsi, entourés de forêts, de fleuves, de tepuyes5, d'histoire bolivarienne, d'humour, d'usines et de gens de toute part, ils fêtent l'anniversaire de l'accouchement à Birán. 3 jours splendides de culture vénézuélienne et cubaine sont la crise sur le gâteau...

Quelques jours plus tard, le 5 septembre, se réunit à Caracas la Commission Mixte Inter-état de l'Accord Intégral de Coopération. Au début de son discours, Chávez surprend avec une idée. Je cite : « Il ne s'agit pas d'un échange commercial basé sur les prix puisque la loi sur la valeur et les relations économiques internationales fondamentales dans celle-ci aboutissent à porter préjudice aux pays sous-développés. » Il précise : « Cela, le Che l'a dit ». Et il explique que l'essence de cette pensée inspire « cette rencontre d'aujourd'hui (…) et cette rencontre de toujours entre Cuba et le Venezuela. »

Il ajoute qu'il est nécessaire de construire un modèle alternatif d'intégration « dont l'avant-garde ne soit pas le dollar, dont l'avant-garde ne soit pas le commerce. Non, dont l'avant-garde soit l'âme et la volonté. Comme nous le faisons ici. C'est ça, le chemin. Je crois que ça, c'est le modèle de Marti et de Bolivar, le modèle révolutionnaire. » Il continue : « Il s'agit de ce que nous, nous sommes appelés à créer, un modèle alternatif à l'intégration néo-libérale avec laquelle ils prétendent nous amener dans la poêle même du Cinquième cercle de l'Enfer. Ils nous amènent vers l'ALCA et avant d'exprimer l'idée nouvelle, je demande : Pourquoi ne commençons-nous pas (…) à construire une alternative à l'ALCA ? Encore le pognon, non ? » Et enfin, il lance cette proposition audacieuse : « Et alors, c'est là que nous avons commencé à travailler à al création de cette alternative que nous pourrions appeler l'ALBA, Alternative Bolivarienne pour les Amériques, un autre modèle d'intégration. » Il a semé la graine.

Entre août et décembre, il réalise plusieurs actions internationales importantes. Le 17 août, il participe au XV° Sommet du Groupe de Río, à Santiago de Chili, qui accepte sa proposition sur le caractère participatif que doivent avoir les démocraties dans la région. Il soutient que pour vaincre la pauvreté, il faut faire des révolutions économiques, laisser de côté le néolibéralisme et remplir les peuples de démocratie.

Il reste au Chili et visite la maison de Pablo Neruda à l'Isla Negra et la tombe où reposent les restes du poète qu'il admire tant, face à l'Océan Pacifique. Emu, alors qu'il imagine le barde baigné par la brise fraîche dont il profite aussi en ce moment, il récite un extrait d'Un Chant à Bolívar, le poème préféré du Vénézuélien. : « J'ai connu Bolívar pendant une longue matinée à Madrid, dans le sein du Cinquième Régiment et je lui ai dit : « es-tu, père, ou n'es-tu pas ou qui es-tu ? » et il a dit en regardant la caserne de la montagne : « Je me réveille tous les 100 ans quand le peuple se réveille. »

Il participe à la X° Assemblée du Parlement de l'Amazonie, à Bogotá, le 25 septembre. RCN, consortium de médias de l'oligarchie colombienne montre une vidéo sur laquelle on voit un soi-disant guérilléro des FARC derrière Chávez en tant que garde du corps. Il dément ce montage qui cherche à entraver les relations entre les 2 pays. Une preuve de plus que la politique étrangère du Venezuela marche bien.

Il est l'hôte sur l'Ile de Margarita du III° Sommet de l'Association des Etats des Caraïbes les 10 et 11 décembre. Il réaffirme ses critères concernant l'intégration et propose des accords concrets parmi lesquels une zone de tourisme soutenable et l'incorporation de nouveaux pays à l'Accord Energétique de Caracas. Sachant que le néolibéralisme est encore prédominant, il lance une diatribe opposée au règne du marché. Selon les néo-libéraux, « c'est le nouveau Dieu », capable de tout arranger. « Car c'est le diable en habit de Dieux parce qu'il n'arrange pas tout, il nuit tout, il nuit à l'économie, il nuit à la société, il nuit à la politique, il nuit à la morale parce qu’il part d'un principe malveillant et sauvage qui est l'individualisme et l'égoïsme. » Et, par conséquent :

« Ce modèle néolibéral ne peut être la base ni le cadre de nos modèles d'intégration. »

L'économie ne peut avancer mais la politique le peut : « Ce n'est pas l 'économie qui va nous intégrer et encore moins nos économies pleines de faiblesses, de vulnérabilités. » Il s' impose de nouveau « que la politique revienne à la charge et soit à l'avant-garde des processus d'intégration. » C'est l'idée et la façon d'agir de Bolívar. « Un pacte politique est ce qui s'impose aujourd'hui comme c'était ce qui s'imposait alors et une intégration complète, à la bolivarienne. »

Il affirma que l'ALCA n'est pas la bonne voie. « Nous voulons un modèle qui nous intègre vraiment. Pas un modèle qui nous désintègre, qui intègre les uns en désintégrant des autres. » Et par conséquent, « avec beaucoup de modestie et d'humilité », il propose aux Caribéens et aux Latino-américains « de penser une bonne fois à une alternative parce que cela, nous croyons que ce n'est pas possible.» Et alors, il annonce pour la première fois à un groupe de pays son audacieuse proposition : « Commencer à discuter de ce qu'on pourrait appeler l'ALBA, presque ALCA mais avec un B, Alternative Bolivarienne pour les Amériques, un nouveau concept d'intégration qui n'est rien de nouveau, il s'agit d'avoir à nouveau un rêve que nous croyons possible, il s'agit d'une autre voie, il s'agit d'une recherche parce que certainement, l'intégration est vitale pour nous : ou nous nous unissons ou nous plongeons. »

Ces idées sont une partie de la réponse de Chávez aux attaques croissantes des Etats-Unis et de l'oligarchie vénézuélienne pour détruire la Révolution Bolivarienne.

NOTES:

1Des llanos, la région dont est originaire la famille Chavez

2Le plus gros rongeur du monde appelé chigüire au Venezuela.(https://fr.wikipedia.org/wiki/Capybara)

3 Mets traditionnel vénézuélien, typique de Noël, constitué d’une crêpe carrée généralement fourrée de viande de bœuf ou de porc, d’olives, de poivrons, de raisins secs et enfermée dans une feuille de bananier dans laquelle elle est cuite dans de l’eau bouillante. (https://fr.wiktionary.org/wiki/hallaca)

4Curiara o wajibaka : pirogue traditionnelle creusée dans un tronc d'arbre. Pour ceux qui comprennent l'espagnol : http://www.taringa.net/comunidades/venezuelainteractiva/6651650/Curiaras-o-wajibaka-medios-de-transporte-tradicionales.html

5Petites tables particulièrement abruptes avec des parois verticales et un sommet très plat caractéristiques de la Grande Savane Vénézuélienne (https://es.wikipedia.org/wiki/Tepuy)

Source en espagnol :

http://www.cubadebate.cu/especiales/2016/07/22/hugo-chavez-y-el-destino-de-un-pueblo/#.V5MUtYSGcRE

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http://bolivarinfos.over-blog.com/2016/07/venezuela-hugo-chavez-et-le-destin-d-un-peuple.html

Venezuela: Hugo Chávez et le destin d'un peuple