Brésil : Cunha arrêté, Temer rentre précipitamment
Cubadebate, 20 octobre 2016
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Peu après 1 heure du matin hier, Eduardo Cunha, l'ex président de la Chambre des Députés, a été arrêté par la police fédérale à Brasilia. Le mandat d'arrêt a été accordé sur ordre du juge de première instance Sergio Moro. Comme d'habitude, le juge a commis une erreur mais il ne s'agit pas, cette fois, d'une errer judiciaire mais géographique : l'adresse donnait par Moro sur le mandat d'arrêt était celle d'un immeuble dans une rue de Río de Janeiro, département 205 quand en réalité, Cunha a une de ses résidences au 204.
En tout cas, il n'y eut pas de problème avec le voisin. En outre, Cunha était à Brasilia, pas à Río. Contrairement à certaines des si nombreuses transgressions juridiques, cette fois, l'erreur géographique du juge n'a pas causé beaucoup de dégâts.
Dès que la nouvelle a été connue, il y eut un choc dans les milieux politiques brésiliens. Quelqu'un a dit que le rivotril, un puissant anxiolytique, avait disparu des pharmacies de Brasilia.
C'est que Cunha est le gardien d'une infinité de secrets qui pourraient mettre en danger la survie politique de plus d'une centaine de députés et d sénateurs et et être dévastateurs pour le gouvernement. Plus que corrompu, et il l'a été, Cunha a été corrupteur.
Le président Michel Temer, qui se trouvait en visite officielle au Japon, a avancé de plus de 20 heures son retour au Brésil. Aucun communiqué officiel n'a été diffusé pour expliquer l'urgence du retour mais il a été nécessaire : au bout du compte, tout le monde sait que Cunha, exécuteur du coup d'Etat institutionnel qui a déposé la présidente constitutionnelle Dilma Rousseff, a été un allié fidèle et efficace non seulement de Temer mais de tous ceux qui, comme lui, sont arrivés au pouvoir sans avoir obtenu une seule voix du peuple.
Depuis que son mandat de député a été suspendu par ses pairs, le 12 septembre, on savait que, sans ses tribunaux privilégiés, Cunha pourrait être arrêté à tout moment. Sur lui retombe une montagne – en réalité toute une cordillère – d'accusations et de plaintes qui ont fait de lui le symbole le plus éclatant de la corruption au Brésil.
Même ainsi, une écrasante majorité de députés a décidé de l'expulser de la Chambre, ouvrant une nouvelle saison de tensions. C'est que si Cunha décide de recourir à la « délation récompensée », c'est à dire, dénoncer à profusion en échange d'une réduction de peine, ce sera un désastre sans limites. Et il semble n'exister aucune autre solution, à moins que 'ex tout-puissant conspirateur ne se résigne à une très longue condamnation pour blanchiment d'argent, évasion fiscale, corruption active et passive, entre autres délits. En plus, la menace concrète de la prison est suspendue sur sa femme et une de ses filles, ce qui pourrait le pousser à décider de trouver un accord et à commencer à dénoncer.
Cunha s'est montré comme un génie du mal, selon la cataracte de dénonciations qui a noyé sa carrière de député : non seulement il pratiquait l'extorsion de fonds envers des entreprises publiques et privées mais il facilitait aussi à plusieurs de ses pairs l'accès à des financements illégaux pour leurs campagnes électorales.
Avec cela, il garde des secrets qui pourraient foudroyer al carrière d'un certain nombre d'hommes politiques en activité. Les 2 partis les plus importants, le PMDB de Temer et le PSDB de l'ex président Fernando Henrique Cardoso, seraient les plus dévastés.
Le problème, pour Michel Temer, est que parmi ces hommes politiques dont la vie politique est en danger se trouvent non seulement des alliés au Congrès mais aussi des figures clefs de son gouvernement.
On a aussi dénoncé le fait que Cunha a intercédé, au moins en 3 occasions, pour des pots-de-vin destinés à Temer lui-même, à son chancelier José Serra et à l'une des figures les plus puissantes de son gouvernement, le secrétaire du programme de Privatisations Moreira Franco.
Celui qui est à présent en prison a toujours assuré qu'il ne dénoncerait pardonne. Mais il a également déclaré qu'il se sentait « abandonné » par Temer et son groupe. De là la panique qui s'est emparée de Brasilia hier et dont les reflets sont parvenus jusqu'au Japon,, à l'autre bout du monde.
Cunha est l'objet de 6 enquêtes judiciaires. Avec ce mandat d'arrêt, on a décrété la saisie de 220 millions de réaux – quelques 70 millions de dollars – de son patrimoine.
Jusqu'à il y a environ 6 mois, et malgré l'accumulation de dénonciations existantes, Cunha était bien traité par les médias hégémoniques qui ont soutenu la destitution de Dilma Rousseff et par tous ceux qui étaient impliqués dans le coup d'Etat institutionnel contre elle et même ses véritables artisans : le sénateur Aecio Neves, qui a perdu les élections en 2014 et ne s'est jamais résigné et l'ex président Fernando Henrique Cardoso.
Sitôt Dilma destituée, Cunha sentit que cela n'était pas nécessaire. En 12 jours, il perdit siège au Parlement et, en moins de 40 jours, sa liberté.
Ceux qui le connaissent rappellent qu'il n'est pas de ceux qui tombent seuls. Et qu'à partir de son arrestation, le gouvernement de Michel Temer est en sursis. Tout dépendra du temps dont Cunha aura besoin pour arriver à un accord avec la justice et commencer à parler.
Le Brésil semblait, hier, décidément condamné à des turbulences permanentes.
(Avec des informations de La Jornada)
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