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Amérique Latine: Candidats, n’oubliez pas l’Amérique latine !

23 Janvier 2017, 16:54pm

Publié par Bolivar Infos

Amérique Latine: Candidats, n’oubliez pas l’Amérique latine !

 

  • 22 janvier 2017

     

François Hollande est en visite au Chili et Colombie jusqu’au 24 janvier. Paradoxalement, l’inquiétude provoquée sur le continent par l’élection de Trump ouvre des perspectives à la diplomatie française.

 

Candidats, n’oubliez pas l’Amérique latine !

 

Au Mexique, «Etat nord-américain», pour paraphraser le politologue Alain Rouquié, l’incertitude liée aux velléités de réforme, voire d’abrogation par Donald Trump de l’Accord de libre-échange (Alena) fait vaciller l’économie de ce pays, et remet en question son modèle de croissance. Le secteur automobile, fleuron de l’industrie manufacturière, intégré dans la compétition internationale, a été mis sous pression par le nouveau président par le biais de tweets menaçants. Résultat, un certain nombre d’investissements ont été reportés ou bien annulés. Le peso, de son côté, a perdu près de 20 % de sa valeur. A Cuba, le régime de Raúl Castro avait cru mener d’une main de maître les négociations aboutissant à la restauration des relations diplomatiques avec les Etats-Unis. Or, si Trump revenait sur les orientations prises par Obama, le régime verrait sa stratégie de rapprochement avec les Etats-Unis s’effondrer. Difficile de prévoir aussi quel sera le degré effectif de soutien des Etats-Unis à l’accord de paix signé entre les Farc et le gouvernement en Colombie, ainsi qu’aux pourparlers entre l’opposition et le gouvernement au Venezuela.

 

Face à l’incertitude incarnée par Trump, la Chine s’affirme en tant que partenaire économique stratégique de la région. Déjà premier partenaire commercial de nombreux pays (Brésil, Chili, Pérou), le gouvernement chinois souhaite renforcer encore plus sa présence, en investissant dans les infrastructures (il représente d’ores et déjà la troisième source d’investissements). Le ministère chinois des Affaires étrangères a récemment publié une nouvelle version de son livre blanc pour l’Amérique latine, à la suite d’un déplacement remarqué du président Xi Jinping en Equateur, au Pérou et au Chili. Pour la plupart des pays latino-américains, ces investissements sont les bienvenus, compte tenu du ralentissement général de la croissance économique. Il reste que l’arrivée de produits importés à bas prix en provenance de la Chine fragilise l’industrie manufacturière de la région, soulevant les critiques, outre-Atlantique, à propos de cette croissance «Made in China».

 

La France, de son côté, dispose d’une place singulière en Amérique latine, fruit d’une proximité historique, culturelle et linguistique. Malgré cela, les relations diplomatiques avec cette région ont été marquées par la discontinuité, nuisant à leur approfondissement. En leur temps, De Gaulle et Mitterrand prirent des initiatives politiques d’envergure, qui, en dépit de leur portée, perdirent de leur élan. Il faudra attendre Hollande pour voir sortir cette région de «l’angle mort» où elle se trouvait. Ces dernières années, la France a renoué le dialogue politique de haut niveau avec l’ensemble des pays latino-américains, et, fait inédit, nommé un envoyé personnel du Président pour lui donner un suivi. Afin de donner corps à cette politique, des actes volontaristes ont été pris, à l’image du réchauffement des relations avec Cuba. Cette politique a eu des retombées positives sur le plan économique, avec la signature de contrats (modernisation de l’aéroport de La Havane), ainsi que sur le plan de la diplomatie multilatérale (soutien des pays latino-américains au vote de la COP 21).

 

Qu’en est-il à l’avenir ? Si, sur le plan politique, des questionnements existent sur la qualité des démocraties latino-américaines, leurs économies offrent de vraies opportunités. Au Mexique, les intentions protectionnistes états-uniennes provoquent une introspection au sein des élites économiques, qui étaient jusqu’à présent réticentes à l’idée de diversifier la matrice des échanges du pays. En Argentine, au Brésil, le manque de croissance et l’ampleur des déficits publics incitent les gouvernements à donner des gages aux investisseurs étrangers. Autant d’occasions pour la France d’occuper le terrain, à condition que l’Amérique latine reste une priorité aux yeux du nouveau locataire de l’Elysée. Car si la France dispose d’un réseau diplomatique étoffé dans la région, peu de hiérarques du Quai d’Orsay ont un tropisme latino-américain, ce qui contribue à reléguer cet agenda auprès des décideurs. Si les défis européens et sécuritaires imposent une hiérarchisation des priorités, une fenêtre d’opportunité existe. Saisissons-la.

 

Par Gaspard Estrada Directeur exécutif de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes (Opalc).

 

http://www.liberation.fr/debats/2017/01/22/candidats-n-oubliez-pas-l-amerique-latine_1543268