Venezuela: L'heure du Venezuela est venue
Par Marco Teruggi
L'heure du Venezuela est venue. C'est ce qui ressort de l'analyse de toutes les variables mises sur la table. La droite dirigée par des secteurs comme volonté Populaire et Primero Justicia, a refusé tout dialogue – et ne reconnaît pas le Vatican comme intermédiaire – et soutenait que la seule solution possible est d'organiser des élections générales anticipées. Elle a appelé ouvertement à la rébellion civile et dénoncé l’organisation de l'Assemblée Nationale Constituante comme illégale. Elle n'y participera pas, fera tout son possible pour empêcher sa mise en œuvre et renforcera le conflit de rue.
C'est le discours pour les médias vénézuéliens et internationaux, la direction publique du scénario qu'elle amis en marche début avril. C'est la surface, où ils se trouvent dans une sorte de « geste pour la liberté » dont sa base sociale mobilisée est absolument convaincue. Il y a eu plus de 50 jours d'affrontements pendant lesquels le nombre de participants n'a pas augmenté mais ils ont réussi à maintenir un niveau de conflit de grand impact – impensable sans le sur-dimensionnement qui a été fait à travers l'échafaudage des communications.
Ce qui est dangereux, cependant, se trouve dans les ombres qui émergent avec furie : un plan d'insurrection dirigé dans es rues par le para-militarisme qui a déjà frappé dans environ 10 villes du pays est en marche. Les images et les témoignages sont là, il s'agit d'incendies d'hôpitaux, d'institutions publiques, de locaux du parti chaviste, de pillages et de destructions du centre de villes - Socopó – de tentatives de contrôle du territoire de certaines zones par les armes -San Antonio de Los Altos- d'attaques de casernes de l'armée et de la police – 7 en un seul jour à Barinas - d'assassinats de dirigeants chavistes, d'installation d'un couvre-feu -San Cristóbal-, de menaces envers les commerçants et les transporteurs -Los Teques-, de tentatives pour couper l'approvisionnement de Caracas en aliments. Ce sont des formations paramilitaires qui ne sont pas identifiées et se déplacent sur le territoire pour mettre en place des journées de siège et de terreur dans des points stratégiques du pays.
C'est une opération de guerre préparée pendant des années. Là se trouve le plan réel de la droite qui se propose d'augmenter de plus en plus le niveau de violence dans plusieurs buts. Un : faire augmenter la confrontation civile au point qu'un jeune a été lynché et brûlé en pleine rue parce qu'il était suspecté d'être chaviste. Deux : déchaîner des affrontements armés civils. Trois : assiéger Caracas. Quatre : contrôler, dans les faits et symboliquement des portions de territoire. Cinq : conduire le pays au chaos. Six : obtenir l'intervention étrangère ouverte – la secrète est déjà en marche.
Il n'existe pas, en ce moment, d'appels capables de faire reculer cet ordre du jour. Les Etats-Unis ont donné le feu vert et le Gouvernement colombien – arrière-garde du para-militarisme – bouge ses pièces en fonction de cette stratégie. Le bloc ennemi : les partis de droite, les éleveurs, les grands patrons, l'épiscopat, ne s'est pas fissuré et des éléments clefs s'y sont ajoutés comme la Procureure Générale, une nouvelle figure de l'avant-garde putschiste. C'est maintenant ou jamais, ils le disent eux-mêmes. L'heure du Venezuela est venue.
La marge de manœuvre du chavisme est faible. L'appel à l'Assemblée Nationale Constituante – pour laquelle les élections auront lieu au mois de juillet – est une opportunité pour regrouper les forces sur les territoires et réactiver un mouvement gêné dans une grande mesure par logiques les plus bureaucratiques. Ce devrait être, en premier lieu, une façon d'obliger la droite à revenir dans la démocratie : les résultats ne sont pas ceux qui étaient attendus. La radicalité de l'insurrection va en augmentant. Comment deux choses opposées pourraient-elles cohabiter : un temps électoral et un temps d'incendie armé ? Une chose s'ouvre de plus en plus, elles ne se rencontre que pour s'affronter.
Il est difficile de faire des pronostics à plus de quelques jours ; Une semaine est un siècle dans ce Venezuela. On le sent dans les informations, sur les réseaux sociaux, dans les déclarations, le nombre de morts qui augmente presque tous les jours – déjà plus de 55 -, chaque nouvelle journée d'attaques, chaque enquête qui s'enfonce dans la structure de l'insurrection en mouvement. L'assaut final se prépare, celui qui ouvrira les portes à la revanche qui cherchera à réduire en cendres toute trace du chavisme, ils essaieront de faire qu'il n'en reste même pas le nom.
Le chavisme – souvent géant myope et invertébré, comme disait John William Cooke- a suffisamment de forces pour résister. Dans certains villages, on a organisé des brigades communales pour défendre les installations publiques et populaires. Dans différents points du pays, il y a des assemblées dans les quartiers pour débattre sur le processus de Constituante : ceux qui croient à la ré-accumulation des forces pour les éventuelles situations à venir y mettent une grande partie de leur tactique. Dans certaines zones populaires où la droite veut provoquer des destructions, ce sont les voisins eux-mêmes qui les ont expulsés. Il existe un tissu populaire vivant même avec les difficultés économiques qui ne cessent pas et sont une des raisons principales de al tendance au désengagement politique.
Mais le point faible n'est pas – sans tomber dans l'idéalisme – dans les bases du chavisme mais dans la direction du mouvement : il semble certain que la résistance viendra elle est déjà en marche, en dessous, pas au niveau de beaucoup de ceux qui dirigent aujourd'hui.
Il existe des critiques – qui ne sont pas nouvelles et ont été écrites – et aussi la certitude concernant où il faut être au moment où toutes les variables se condensent à la recherche de la faille. Ceux qui, par contre, ont opté pour le silence ou pour une condamnation du chavisme en soi, disent « autoritarisme » - tout en arrivant à qualifier cette droite de « controversée » - parlent de la nécessité urgente de réviser la notion même de gauche et d'intellectuel.
Mais on a beaucoup plus besoin d'apports qui permettent de comprendre et d'agir quand on voit la pauvreté critique et politique de beaucoup de ceux qui occupent l'espace symbolique de l'intellectualité. C'est à ce moment-là qu'on voit clairement qui ils sont et qui passe de l'autre côté – en se déclarant hors du conflit et en en appelant à la « défense du peuple » dans l'absolu, c'est illusoire, complice et souvent lâche.
Ce qui est en jeu au Venezuela, c'est la possibilité que se déchaîne un processus de revanche dont on a déjà vu quelques actions, l'effondrement intérieur d'un pays avec des zones para-militarisées, une guerre civile, une victoire stratégique de l'impérialisme nord-américain en Amérique Latine. C'est le moment de défendre, d'abandonner les tactiques traîtres des intellectuels, qui jouent – comme ils l'ont souvent fait – à se demander ce qu'on peut faire pour soutenir un processus politique qui en a besoin de façon urgente. Le monde vu du Venezuela se réduit, le temps et les possibilités aussi.
Source en espagnol :
https://notasperiodismopopular.com.ar/2017/05/28/llego-hora-venezuela/
http://www.telesurtv.net/opinion/Llego-la-hora-Venezuela-20170528-0043.html
URL de cet article :
http://bolivarinfos.over-blog.com/ 2017/05/venezuela-l-heure-du-venezuela-est-venue.html