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Amérique Latine : Interview de David Choquehuanca, Secrétaire Général de l'ALBA

12 Juin 2017, 16:23pm

Publié par Bolivar Infos

 

Par Cris González

Il y a quelques jours, le Courrier de l'ALBA a bavardé avec le Secrétaire Général de l'Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique-Traité de Commerce des Peuples (ALBA-TCP), David Choquehuanca.

 

Intégrationniste convaincu, l'ex chancelier de l'Etat Plurinational de Bolivie a parlé de la politique et de l'économie de l'hémisphère, du rôle de l'Organisation des Etats Américains (OEA), de la déstabilisation du Venezuela, de la défense de la Révolution Bolivarienne et de l'urgence d'organiser une profonde intégration continentale.

 

  • Comment analysez-vous la situation mondiale ? Comment va l'Amérique Latine ?

 

On pourrait commencer par dire que dans le monde, il y a de l'incertitude et de l'indignation, que nous avons plusieurs crises à affronter et que ce désordre ou chaos est le résultat de l'application d'un modèle de développement capitaliste prédateur qui provoque le désespoir chez les gens qui tirent les ficelles du pouvoir dans les grandes puissances qui combattent non seulement pour le contrôle des ressources naturelles stratégiques mais aussi pour le contrôle des pays qui possèdent ces ressources comme l' Irak, l'Afghanistan, la Libye, entre autres, qui courent le risque d'une intervention militaire.

 

Au Moyen Orient, un grand nombre de gens fuient les guerres qui sont le résultat de ces interventions. En Afrique, les ressources naturelles sont restées à la merci des transnationales qui jamais ne se sont préoccupées du bien-être des peuples. Dans notre région, nous sommes apparemment tranquilles avec des initiatives pour construire une intégration, garantir a paix, la justice sociale et pour que les ressources naturelles profitent à tous : des décisions prises par des présidents comme Lula et Kirchner dont la philosophie était basée sur le fait de prendre en considération les demandes du peuple, qui ont amené la naissance de l'Union des Nations Sud-américaines (UNASUR), comme alternative d'intégration pour obtenir l'unité.

 

Rapidement s'est déchaînée une vague de brusques changements, Dilma et Cristina ne sont plus là et l'Argentine aussi bien que le Brésil a repris des politiques conformes aux intérêts des transnationales et pas pour défendre notre souveraineté, les ressources naturelles, etc... Ces pays ont des conduites d'ingérence, provoquent l'instabilité dans la zone, donnant prise à une inquiétude croissante et fondée pour des présidents progressistes comme Maduro au Venezuela, Correa en Equateur et Morales en Bolivie.

 

  • Le Venezuela souffrirait-il de cette attaque conservatrice continentale ? Paradoxalement, serait-il le centre d'agressions pour la possession de nombreuses ressources naturelles ?

 

La situation qu'affronte le Venezuela, demain peut toucher la Bolivie, l'Equateur ou n'importe quel pays qui possède des ressources naturelles stratégiques, c'est une « crise » créée de l'étranger qui obéit à une stratégie pensée et travaillée de l'étranger. C'est pourquoi j'apprécie que le peuple vénézuélien défende ses ressources naturelles, la paix et la souveraineté. Ceux qui encouragent la violence là sont ceux qui souhaitent une intervention étrangère, ceux qui sont derrière la privatisation des ressources naturelles et il y a des organismes internationaux comme l'OEA qui se prêtent aux intérêts de l'Empire.

 

  • Pourrait-on parler de campagne anti-Venezuela à l'OEA ?

 

Dans les organismes internationaux, il y a des principes universels : le respect de la souveraineté des peuples, de la non ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Ces principes sont présents aux Nations Unies, à l'OEA et dans tous les organismes régionaux et mondiaux.

 

Ce qui se passe avec l'OEA, c'est qu'elle est allée contre ces principes et grâce au secrétaire général Luis Almagro, a voulu être un acteur politique dans les affaires intérieures de ce pays sans s'occuper de contribuer à la résolution de ce problème.

 

  • Quelle est la raison d'être de l'OEA ?

 

La raison d'être de cette organisation a été, d'une certaine manière, d'être la voix de nos peuples bien que depuis longtemps, on remette en question le fait que certaines de ses structures soient au service des Etats-Unis, soient financées par ceux-ci.

 

Actuellement, nous pensons qu'aussi bien Almagro que l'organisation elle-même cherchent à affaiblir l’unité et la force obtenues par un groupe de pays membres en encourageant les crises intérieures et les divisions, une chose qui finit pat l'affaiblir et la discréditer.

 

Le président Morales a attiré l'attention de l'OEA en demandant une analyse du comportement du secrétaire général et de prendre des mesures pour freiner son action qui, dans le cas particulier du Venezuela, a violé toutes les règles établies.

 

  • Il a même caché son intérêt de juger les institutions boliviennes.

 

Bien sûr, Almagro a voulu s’immiscer dans les affaires intérieures de la Bolivie, donner son avis sur les processus légaux que traversent certains citoyens et, sans que personne ne le lui demande, il a mandaté un représentant pour s'occuper des affaires concernant notre pays.

 

  • Ses alliés seraient-ils Jorge Quiroga et Samuel Doria Medina ?

 

Effectivement.

 

  • Qui est le véritable Almagro ? Celui que vous avez connu quand il était Chancelier ou celui qui agit avec culot et concentre ses dards contre le progressisme continental ?

 

Je pense que c'est celui de maintenant. Il est arrivé à l'OEA grâce à l'ex président Mujica mais il a trahi sa confiance et celle de ceux qui l'ont soutenu.

 

  • quel est le sentiment commun en ce qui concerne la façon dont devrait agir l'OEA envers le Venezuela par la suite ?

 

Maintenant que Miraflores a pris la décision souveraine de se retirer de l'OEA, je pense qu'ils ne devraient pas insister dans l'interventionnisme et l'agression.

 

  • Vous avez été élu Secrétaire Général de l'ALBA, qu'est-ce que cela signifie politiquement et pour vous personnellement ?

 

Personnellement, je suis convaincu que la voie que nous devons suivre est celle de l'unité, de l'intégration de notre continent, qui a été dépecé et pillé systématiquement et qui, en même temps, a donné naissance à des dirigeants qui ne se sont jamais considérés comme vaincus comme Túpac Katari et Simón Bolívar auxquels il faut ajouter d'autres noms d'hommes et de femmes qui ont lutté pour une Grande Patrie.

 

J'ai eu l'occasion de participer à plusieurs réunions et j'ai entendu de nombreux discours dans lesquels l'importance de l'intégration est soulignée. Le Commandant Hugo Chávez, dans l'une de ses interventions à l'Union des Nations sud-américaines ( UNASUR), a dit : « Cet organisme est fait pour construire l'unité de nous tous qui vivons dans cette région, pour revenir marcher sur nos propres chemins et nous mettre en valeur nous-mêmes, prendre conscience des richesses que nous avons et que la gestion de ces richesses est entre nos mains. L'UNASUR est faite pour que nous marchions sur nos propres chemins et non sur les chemins du Nord, elle est faite pour être à notre service et non au service des autres, elle est faite pour construire cette unité mais avec notre propre pensée : ce chemin s'appelle intégration. »

 

Nous avons vu aussi que des pays qui pensaient de la même façon peuvent amener un espace d'intégration différent qui construise en harmonie et place au premier plan les intérêts des peuples, qui soit doté de structures de collaboration, de complémentarité, guidé par des principes de solidarité et de fraternité.

 

Le Commandant Hugo Chávez, dans l'une de ses interventions à l'Union des Nations sud-américaines ( UNASUR), a dit : « Cet organisme est fait pour construire l'unité de nous tous qui vivons dans cette région, pour revenir marcher sur nos propres chemins et nous mettre en valeur nous-mêmes, prendre conscience des richesses que nous avons et que la gestion de ces richesses est entre nos mains. L'UNASUR est faite pour que nous marchions sur nos propres chemins et non sur les chemins du Nord, elle est faite pour être à notre service et non au service des autres, elle est faite pour construire cette unité mais avec notre propre pensée. Ce chemin s'appelle intégration.

 

Nous avons vu aussi que des pays qui pensent de la même façon peuvent amener un espace d'intégration différent qui construise en harmonie et place les intérêts des peuples au premier plan, qui soit doté de structures de collaboration, de complémentarité, guidé par des principes de solidarité et de fraternité.

 

     

    Le Commandant Chávez, avec Fidel Castro, a créé des lieux d'intégration véritable comme l'ALBA à laquelle ont rapidement adhéré la Bolivie, l'Equateur, le Nicaragua et d'autres îles des Caraïbes.

     

    • En fait, il y a quelques semaines, le candidat à la présidence de la France, Jean-Luc Mélenchon, a exprimé son désir d'intégrer l'ALBA s'il était élu.

       

    Même si l'ALBA existe depuis peu de temps et est une organisation jeune, elle est reconnue. Certainement, le candidat français connaît notre travail et doit être d'accord avec son objectif : construire la fraternité, l'harmonie et la paix, des principes reconnus par ceux qui veulent garantir un avenir meilleur à leurs enfants.

     

    • Dans une première étape, l'ALBA, avec le Commandant Chávez, a réussi à donner corps à un processus d'intégration régional et en tant que bloc politique, a joué un rôle admirable dans la coordination au niveau des chanceliers. Quels sont les défis que vous vous fixez pour donner une continuité et plus d'élan aux travaux de cet organisme ?

     

    Nous devons retrouver les sentiments des pères de l'ALBA, Fidel et Chávez, analyser en détails leurs propositions et matérialiser leur pensée. Avoir la capacité de nous lever pour nous-mêmes avec la force et l'énergie qu'ils nous ont léguées, refaire et réactiver le feu qu'ils ont allumé. Il y a eu des moments, dans les réunions de l'OEA, de la CELAC et d'autres organismes internationaux, où des délégués d'autres pays demandaient : Que pensent ceux de l'ALBA ? Aujourd'hui, cela ne se fait presque plus, alors, il y a beaucoup de défis.

     

    • Au dernier sommet des présidents de l'ALBA, il y a 2 mois à Caracas, l'attention a été attirée en particulier sur la situation des migrants aux Etats-Unis. Pouvez-vous vous exprimer sur ce point ?

     

    L' ALBA doit réagir face aux violations et aux mauvais traitements dont souffrent les peuples et l'annonce par le président Trump de mesures d'expulsion des migrants qui, pour diverses raisons, arrivent aux Etats-Unis, est une chose que nous devons dénoncer puisque nous ne pouvons pas permettre que les droits de l'homme et les principes du droit international soient violés par de telles menaces. Grâce à nos bureaux juridiques, nous apportons un soutien aux citoyens qui se sentent abandonnés et demandent de l'aide.

     

    • Quelles sont les premières tâches à accomplie dans ce domaine ?

     

    Le mandat du Secrétariat Exécutif nous demande, premièrement, de soutenir les citoyens et les migrants qui sont abandonnés et c'est pourquoi nous avons crée un bureau juridique.

     

    La chancelière vénézuélienne a demandé qu'on établisse un dialogue avec les autorités du Mexique pour partager les expériences concernant la protection de leurs citoyens à l'étranger parce que ce pays a des millions de personnes hors de ses frontières. L'ALBA veut collecter ces expériences pour faire un programme intégral capable de développer une politique globale pour aborder le problème des migrants.

     

    Dans le passé, un grand nombre de gens qui migraient le faisaient pour des raisons économiques mais actuellement, d'autres causes s'y ajoutent comme la guerre, le changement climatique, etc... A cause de cela, une politique complète pour affronter ces situations et protéger correctement les personnes touchées est urgente.

     

    Nous allons même au-delà, nous proposons une politique globale sur la façon dont doivent être traités les migrants et sur la responsabilité de ceux qui sont la cause des migrations parce que ce sont toujours les pauvres qui doivent supporter les conséquences de l'application des politiques impérialistes et personne ne rend responsables les pays métropolitains qui les organisent.

     

    Des problèmes comme celui-là sont des problèmes mondiaux et ne peuvent être traités de façon individuelle. Le président Morales a déclaré, lors d'une réunion de la CELAC qu'il ne peut y avoir « d'êtres humains illégaux, » qu'il faut construire une souveraineté universelle.

     

    • Selon certains analystes, en réponse à l'ALBA, on a créé l'Alliance du Pacifique (AP), un organisme qui lui dispute avec succès des zones de la région. Quelles sont leurs différences ?

     

    Les stratégies capitalistes ne dorment pas et, après l'échec de l'ALCA, ils ont envisagé l' Alliance du Pacifique (AP) qui s'appuie sur la même philosophie : il permet la violation de nos souverainetés pour favoriser les intérêts des transnationales.

     

    La différence entre l'ALBA-TCP et l'AP, est que celle-ci est au service des grandes entreprises, n'encourage pas la justice sociale, l'intégration et la fraternité, des sujets auxquels ils mettent leur veto.

     

    • De nombreux organismes multilatéraux ont une tribune dans des espaces de concertation mondiaux. A ce sujet, quelles sont les aspirations des pays membres de l'ALBA ?

       

     

    L'ALBA doit avoir un siège, un espace, parce que c'est une organisation qui réunit 11 pays auxquels il faut ajouter ceux qui participent en qualité d'invités ou d'observateurs.

     

    Certains gouvernements de notre continent veulent faire partie de l'ALBA et je crois que si les principes qui nous régissent étaient lieux connus, certainement l'intérêt pour entrer dans l'organisation serait plus grand.

     

    Aujourd'hui, on nous invite à certaines réunions internationales, c'est pourquoi il est important que nous ayons une personnalité juridique il faut que l'ALBA existe pour les Nations Unies, nous devons être une organisation incontournable, c'est l'un des défis les plus importants que cette gestion.

     

    • Vous n'avez pas le droit de vote mais vous avez une voix

     

    Pas toujours. A certaines occasions, nous sommes là en tant qu'individus ou en tant qu'observateurs et nous n’avons pas de voix même s'il faut souligner qu'on nous invite à participer. Il faut respecter certaines règles du jeu que les empires nous ont imposées pour participer. De même, le Venezuela doit faire les démarches exigées par l'OEA pour se retirer, l'ALBA doit faire la même chose pour avoir un siège dans les organismes internationaux.

     

    • Maintenant que cette organisation devient une institution, où sera fixée sa résidence ?

     

    On a décidé que Caracas sera le siège du Secrétariat Exécutif de l'ALBA, par conséquent, je dois résider ici. On envisage aussi l'ouverture d'un bureau plus petit à La Paz.

     

    • Ferez-vous une tournée dans les Caraïbes et en Amérique Centrale ?

     

    Justement, il faut respecter un calendrier de visites dans différents pays qui ont invité les représentants de l'ALBA à participer à des réunions et à des événements, par exemple, au Parlement Mondial des Jeunes dont la Bolivie a été présidente.

     

    Nous devons stimuler ALBA Mouvements qui travaille avec Vía Campesina, entre autres.

     

    • Quelle relation avez-vous avec le président Evo Morales et comment voyez-vous la Bolivie actuelle ?

     

    Je suis très reconnaissant au président Morales du soutien qu'il a apporté à ma nomination, aux nouveaux défis qui approchent. Je me considère comme un intégrationniste et je l’assume comme une responsabilité historique envers mon pays et la région.

     

    La Bolivie vit un processus unique et les résultats que nous obtenons non seulement sont reconnus par les Boliviens mais aussi par la communauté internationale. J'ai participé à ces grandes transformations et à ces bénéfices pour le peuple.

     

    Nous discutons toujours avec le président Morales et nous cherchons à stimuler, depuis l'ALBA, ce qu'on envisage en Bolivie, un ordre du jour global qui plaide pour les droits de la terre Mère, l'accès de tous à l'eau, des questions concernant les droits de l'homme, etc...

     

    • A propos du départ du Venezuela de l'OEA, connaissez-vous un autre pays qui ait manifesté la même intention ?

     

    Je n'ai pas eu l'occasion de discuter avec les autorités mais avec les mouvements sociaux de nos peuples, oui, et la solidarité envers le est évidente. J'ai noté que plusieurs communautés et même qu'il y a des voix, très à la base, qui suggèrent que nous devons continuer à apprendre de ce processus, des politiques que le pouvoir populaire fomente.

     

    • Enfin, que pensez-vous de l'appel du président Maduro à organiser une Assemblée Constituante ?

     

    Ce que promeut la Révolution Bolivarienne, c'est le pouvoir du peuple, sa souveraineté. Quand j'ai entendu cette annonce dans les médias, j’ai pensé que pour prendre cette décision, il fallait du courage et le président Maduro en a, de cela, j'en suis convaincu. De plus, il ouvre une grande opportunité pour répondre aux besoins, aux idéaux et aux objectifs de chaque Vénézuélien, dans une ambiance nécessaire de dialogue.

     

    (Extrait du Courrier de l'ALBA)

     

    traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

     

    source en espagnol :

    http://www.cubadebate.cu/especiales/2017/06/07/david-choquehuanca-debemos-retomar-el-sentir-de-los-padres-del-alba-fidel-y-chavez/#boletin20170607

    URL de cet article :

    http://bolivarinfos.over-blog.com/ 2017/06/amerique-latine-interview-de-david-choquehuanca-secretaire-general-de-l-alba.html