Venezuela : Comment faire que le Venezuela semble être une dictature
NOTE préliminaire de la traductrice: Cet article date du 28 juin 2015 mais, comme vous allez le voir, il est toujours d'une actualité brûlante... Il est republié par Cubadebate le 28 juin de cette année.
Peu importe que le Conseil National Electoral ait convoqué des élections législatives pour le 6 décembre de cette année. Aujourd'hui, la façon de renverser des Gouvernements constitutionnels et démocratiques, c'est de les transformer en dictatures. Dans la République Bolivarienne du Venezuela, cette démarche a été transparente. D'abord, on herche à discréditer le projet globalement en le qualifiant de « populiste », en niant la valeur juridique du processus constituant et en refusant de reconnaître la Constitution. Les nouvelles institutions sont sous-estimées, le processus électoraux, on les considère comme une fraude, on discrédite les représentants élus et on fournit un récit dans lequel les partis d'opposition et les médias sont persécutés par des hordes marxistes totalitaires.
Pour que l'histoire soit crédible, on met sous tension la gouvernabilité démocratique et on joue sur le fil de la conspiration et du coup d'Etat. Le but, faire perdre patience au Gouvernement et obliger les autorités à prendre des mesures répressives. Dans ce plan, il y a ceux qui jouent le rôle de martyres qui parcourront par le monde en tant que victimes de la dictature bolivarienne. Ce sont des dirigeants qui appellent à la sédition, à briser la légalité en vigueur et à conspirer contre l'Etat. Le but, discréditer le Gouvernement en l'accusant d'être en marge de le loi et de la Constitution. Les mêmes opposants qui l'ont qualifiée de totalitaire, perturbée et éloignée de la tradition constitutionnaliste deviennent ses gardiens. Et de leur poste de représentants élus démocratiquement, ils lancent un appel à la désobéissance civile, à prendre les rues, à exercer la violence. Leopoldo López, emprisonné pour sédition, a été transformé en prisonnier politique par ses acolytes. Ils ont leur icône. Le niveau suivant : souligner que le pays est aux mains d'un Gouvernement corrompu et illégitime. Démocratie contre dictature. Ils s'auto-intitulent « démocrates » et discréditent le citoyen qui ne partage pas ses idées. Pour compléter l'image d'un Venezuela « dictature », ne manque plus que le front extérieur qui prendra des sanctions internationales et fera des déclarations tendant à démontrer qu'avec Hugo Chávez et maintenant Nicolás Maduro, on vit une cruelle dictature dans laquelle les droits de l'homme ne sont pas respectés.
Curieusement, ceux qui font ces déclarations peuvent se déplacer librement, accorder des interviews, recevoir des soutiens financiers, organiser des meetings, des conférences et être acclamés dans tout lieu public sans souffrir aucune répression. Au contraire, ils ont la protection du Gouvernement pour qu'ils s'expriment librement. Quelle dictature permettrait de telles choses ?
Le scénario change. Il ne s'agit plus de provoquer l'action des forces armées mais bien de les diviser, de briser leur discipline et leur engagement envers la Révolution Bolivarienne. Définir le régime comme une dictature est conforme aux stratégies et aux arguments récurrents propres à la Guerre Froide bien que cela n'ait jamais existé. Après la Seconde Guerre Mondiale, l'anticommunisme et la nécessité de bloquer une révolution socialiste ont amené les bourgeois latino-américains à montrer leur face obscure. Aucun processus de changement social dont ils ne sont pas à la tête, ne réussirait. Ils avorteraient d'une façon ou d’un autre. Si le conflit leur échappe des mains et s'ils perdent le contrôle politique, ils pourraient opter pour inclure la classe ouvrière en lui concédant des droits sociaux, économiques et politiques, toujours sous leur tutelle. Ils pourraient aussi coopter les dirigeants politiques et syndicaux des partis ouvriers et populaires en freinant les revendications démocratiques en échange d'un morceau du gâteau et d'une économie assainie au niveau personnel. Des syndicats corrompus liés aux partis dominants ont été la meilleure arme pour diluer les revendications de la classe ouvrière. Des partis politiques ont également été créés pour légitimer une opposition soumise et donner l'idée qu'on vit dans une démocratie. Enfin, ils ont pratiqué une politique de répression par l'exclusion. Les 3 voies sont reconnaissables dans les histoires politiques des pays latino-américains.
Pendant ce temps, les Etats-Unis devenaient les gendarmes politiques de la région. Ainsi, ils proposeront aux bourgeoisies locales de lier le changement social à 3 concepts non négociables, une condition sine qua non pour profiter des aides économiques et être des partenaires subordonnés du projet états-unien. Sécurité, développement et démocratie ont été les axes sur lesquels la domination de l'Empire s'est assise dans la région. Son ordre du jour n'a pas eu de fissure. Sous le manteau du Traité Interaméricain d'assistance Réciproque (TIAR), on a planifié la sécurité face à l'ennemi extérieur et intérieur et à la subversion. L'Organisation des Etats Américains (OEA) a servi de vitrine au nouveau panaméricanisme et pour signer des accords économiques de coopération. La modernisation politique a consisté à apporter un soutien aux élites du pacte anti-communiste. Des démocrates chrétiens, des socio-démocrates, des libéraux et la nouvelle droite.
Il n'y a pas eu beaucoup d’arguments pour renverser des Gouvernements démocratiques et anti-impérialistes. Si une coalition ou un parti politique gagnait des élections libres en mettant en marche la réforme agraire, un plan de nationalisation et en organisant la participation des classes populaires, il tombait en disgrâce. Les forces armées, au nom de la Patrie outragée, agissaient contre la mise en place d'idéologies étrangères destructrices de la nation et pour défendre les valeurs de al culture occidentale , catholique, apostolique et romaine. En définitive, on se levait contre le totalitarisme marxiste. Aujourd'hui, pour briser les institutions démocratiques, les bourgeoisies locales et l’impérialisme états-unien n'ont qu'une issue face au discrédit des coups d'Etat : il vaut mieux discréditer la démocratie en mettant en place des dictatures douces. Et c'est ce qu'ils vont faire.
(Extrait de La Jornada)
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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