Colombie : 4 modifications de la Juridiction Spéciale de Paix préoccupent la Cour Pénale Internationale
La Cour Pénale Internationale a envoyé un recours de Amicus Curiae constitué par un document de 22 pages à la Cour Constitutionnelle colombienne concernant la Juridiction Spéciale de Paix dans lequel elle indique de sérieuses préoccupations à propos de 4 aspects qui auraient été modifiés dans l'accord de fin de conflit avec les FARC. Cela donnerait a possibilité à la CPI d'intervenir car il y aurait violation du Statut de Rome.
Les 4 points sur lesquels la CPI insiste concernent la Juridiction Spéciale de Paix dont les règles ont été fixées par l'acte législatif 01 du 4 avril 2017 et la loi 1820 du 30 décembre 2016. Ce sont la responsabilité du commandement, la définition des graves crimes de guerre, la détermination de la participation active ou déterminante aux crimes et la restriction réelle des libertés et des droits.
La responsabilité du commandement
Sur la responsabilité du commandement, le document en date du 18 octobre signale qu'un tribunal qui voudrait appliquer l'acte législatif 01 « pourrait être impuissant à faire appliquer le droit international coutumier face aux chefs militaires ayant l'autorité de fait mais non de droit s'il ne peut accepter comme preuve du grade de commandement qu'une nomination officielle. »
C'est à dire qu'on pourrait se demander si ces investigations ou ces processus « ne seraient pas viciés par l'incapacité ou l'absence de disposition à les mettre réellement en place. » De plus, le document ajoute que la doctrine de responsabilité de commandement est fondée sur la notion de commandement responsable : « Les chefs sont responsables de leurs subordonnés et des actions de ceux-ci. »
En conséquence, la CPI signale que la définition de la responsabilité de commandement incluse dans l'acte législatif 01 s'éloigne de l'acte coutumier et pourrait faire échouer les efforts de la Colombie pour juger les crimes internationaux.
Les graves crimes de guerre
La Cour Pénale Internationale observe que le présupposé d'une conduite systématique ouvrirait la porte à des amnisties, des grâces ou des renonciations aux poursuites pénales concernant des personnes responsables de crimes de guerre non systématiques tombant sous la juridiction de cette Cour.
Elle affirme qu'il existe une responsabilité de graves crimes de guerre non systématiques concernant les conduites « d'omission coupable directe ou indirectes. »
Participation déterminante aux crimes
Sur cet aspect, la Cour remarque une ambiguïté dans la définition des tiers déterminants qui pourrait amener une « interprétation excessivement large des critères, » ce qui serait incompatible avec le droit international coutumier et favoriserait une amnistie générale pour les tiers responsables de crimes tombant sous sa juridiction « y compris d'individus ayant joué un rôle décisif par omission. »
En fait, les tiers, pour être jugés, devraient avoir participé par l'action et non par omission. Mais pour la CPI, l'omission est tout aussi grave : « Cette limitation semblerait déraisonnable car elle pourrait amener des résultats non souhaitables. »
En plus, elle demande le caractère déterminant se limite à une contribution efficace et décisive et remarque qu'il est important de définir correctement ces termes parce que pour le droit international : « Il suffit qu'une personne apporte une assistance pratique, un encouragement ou un soutien moral qui a un effet substantiel dans la perpétration des crimes (…) Il suffit qu'on contribue substantiellement aux crimes directement ou indirectement. »
Le document insiste sur ce point et donne un exemple : Si une entreprise privée finance un groupe armé impliqué dans la commission des crimes, que le soutien économique soit spécifiquement destiné à la commission des crimes n'est pas pertinent. »
Restrictions de libertés
Selon la Cour, qu'une peine envisagée par la Juridiction Spéciale de Paix soit valide va dépendre de la nature et de la portée des mesures qui, combinées, pourraient composer une sanction. Cependant, il faut une mise en place effective, un « système rigoureux de contrôle » et que les activités qui ne font pas partie de la sanction ne soient pas contraires à l'objet de la peine.
En conclusion, Fatou Beonsouda assure que la Juridiction Spéciale de Paix doit permettre que les individus responsables de conduites qui constituent des crimes selon le Statut de Rome soient appelés à en répondre devant la justice.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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