Venezuela : Naufrage de Vénézuéliens, mémoire et indignation de convenance
par Rebeca M. Westphal
Mercredi 10 janvier, les médias vénézuéliens et étrangers ont pu se délecter de la nouvelle du naufrage sur les côtes de Curaçao d'une embarcation en provenance de La Vela, état de Falcón sur laquelle se trouvaient des Vénézuéliens dont 4 ont été retrouvés morts et 5 ont été arrêtés pour les besoins de l'enquête.
Très vite, sur les réseaux sociaux, les comptes ont été activés pour faire tourner cette histoire. On en est venu à affirmer que 20 Vénézuéliens seraient morts, un chiffre faux donné par la Table de l’Unité Démocratique (MUD) dans un communiqué.
Cette affaire apporte de l'eau au moulin de la « crise humanitaire » qui fait partie de l'ordre du jour des médias internationaux contre le Venezuela depuis 2016. Alors que l'asphyxie économique produite par les sanctions des Etats-Unis, l'inflation induite et la spéculation sur les prix des biens essentiels sont payées par la population, la préoccupation feinte des dirigeants de l'opposition ne sont que des larmes de cinéma qui s'adaptent au plan complexe d'ingérence pour organiser une « intervention humanitaire. » Le mécanisme appliqué dans les pays comme le Soudan du Sud, Haïti et la Somalie dont Eder Peña a exprimé clairement les résultats dans sa dernière enquête à ce sujet.
Un exemple de cette mise en scène pathétique a été le message de Luis Florido qui, sur son compte Twitter, rend le président Nicolás Maduro responsable de la mort de ces 4 Vénézuéliens. Le même Luis Florido qui, début 2017, a fait une tournée internationale avec le disque rayé de la « crise au Venezuela » et a été l'un des responsables de l'Ordre Exécutif que Donald Trump a signé le 25 août et par lequel il cherche à asphyxier le population économiquement.
Ce naufrage survient immédiatement après que le Gouvernement vénézuélien ait annoncé la suspension de tout type de trafic aérien et maritime avec Aruba, Curaçao et Bonaire jusqu'à ce qu'on ait obtenu des résultats concrets aux réunions de haut niveau avec les autorités de ces îles concernant la contrebande de produits en provenance du Venezuela. Cependant, la journaliste Madelein García, sur son compte Twitter, raconte que « les mafias ne font pas seulement de la contrebande d'aliments, de cuivre, d'or et d'autres matériaux stratégiques. Elles font aussi du trafic d'êtres humains. C'est une vieille histoire qui s'est amplifiée. Des barques partent de Falcón et les laissent en plaine mer, là, ils doivent nager. »
Le concert régional pour rendre Maduro responsable de tout le mal a fabriqué d'aussi mauvaises plaisanteries que la déclaration de la gouverneure de Curaçao, Lucille George-Wout, disant que ce sont les Vénézuéliens qui ont amené la délinquance et la prostitution dans l'île. C'est dommage que les orgies paradisiaques dans le plus pur style "Wild On" aient été enregistrées dans la mémoire immédiate de la jeunesse.
Curaçao a une histoire de traite de personnes dans les Caraïbes
En fait, la traite des blanches dans les îles des Antilles est un phénomène de longue date. Diego Beltrand, directeur régional de l'organisation internationale pour les migrations le reconnaît dans un texte sur le trafic de personnes : « Au milieu des années 40, les femmes en provenance du Venezuela, de la République Dominicaine et de Colombie ont fait l'objet de la Traite de Personnes vers l'île caribéenne de Curaçao. »
Ce sont justement la République Dominicaine et Curaçao qui ont écrit l'un des chapitres les plus lugubres de ce monde obscur des réseaux mafieux : en 1985, le peuple dominicain pauvre souffrait des conséquences des ajustements économiques demandés par le Fonds Monétaire International (FMI). La réduction des exportations de sucre a rendu plus aigu le problème du chômage. Dans cette situation, 28 femmes dominicaines ont été trouvées mortes par asphyxie à Saint Thomas (un territoire appartenant aux Iles Vierges des Etats-Unis) dans un conteneur à bord d'un bateau qui se dirigeait vers Curaçao pour décharger du matériel de foire.
Ces femmes avaient été enfermées pendant plus de 2 jours, jusqu'à ce que des débardeurs les trouvent mortes. Après cela, on a su que toutes les 2 semaines, de jeunes Dominicaines étaient transportées vers des bordels sur l'île de Saint Martín (franco-hollandaise) et à, étaient vendues à d'autres îles des Caraïbes.
La couverture de cette information est proportionnelle au traitement que nous accordent les pays développés : pas de diffusion massive, pas de condamnations des organismes internationaux, encore moins d'exigence du démantèlement des organisations mafieuses impliquées. Dans un article du journal El País qui remet en question la véracité de cette histoire, on parle carrément des femmes comme de prostituées et non comme d'êtres humains. En fait, personne ne les a obligées à prendre ce chemin, n'est-ce pas ?
Le fait qu'aujourd'hui toute information qui lie le Venezuela à n'importe laquelle des milliers de tragédies made in capitalisme soit automatiquement virale répond à l'intérêt des élites financières d'obtenir un consensus dans l'opinion publique pour envahir le pays. Aussi bien les affaires de trafic de personnes que les chantiers de canaux humanitaires pour les combattre sont le « il me paie et il me doit la monnaie » qui, dans ce chapitre du roman, ne leur sert pas encore à porter atteinte à l'esprit du peuple vénézuélien.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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