Amérique Latine : Croissance de la démocratie ou politisation de la justice ?
L'Amérique Latine vit actuellement un moment de mobilisations sociales, d'instabilité, de politisation de la justice, des Gouvernements ont des problèmes de légitimité et la droite se réorganise.
Face à ce panorama, le secrétaire général de l’Organisation des Etats Américains (OEA), Luis Almagro, a déclaré que la lutte contre la corruption amène « une croissance du système démocratique. C'est l'essence de ce qui se passe sur le continent. » Une opinion éloignée des événements politiques qui se déroulent dans la région.
L'Amérique Latine a actuellement 2 présidents non élus par le vote du peuple, 1 président a dû démissionner à cause de ses liens avec des actes de corruption, un autre à été élu lors d'élections douteuses.
Persécution et politisation de la justice
Dans une interview accordée à Telesur, la journaliste argentine Stella Calloni a déclaré qu'aussi bien en Argentina qu'au Brésil, une persécution a été mise en œuvre contre des dirigeants sociaux (Cristina Fernández et Lula da Silva) pour les empêcher de revenir au pouvoir.
Calloni a averti que la politisation de la justice en Argentina et au Brésil ne peut être vue comme des cas isolés mais qu'elle obéit à un plan orchestré et dirigé depuis les Etats-Unis.
Elle a expliqué que derrière la politisation de la justice, il y a les Etats-Unis (USA) qui, à travers les programmes de coopération avec les Gouvernements de la région dans le domaine de la justice, ont réussi à récupérer des juges pour les utiliser selon leurs intérêts .
L'ex-président de l'Equateur Rafael Correa et l'ex-vice-président de l'actuel Gouvernement Jorge Glas ont aussi dénoncés qu'ils ont été victimes de persécution en essayant de les relier à de soit-disant affaires de corruption sous leur Gouvernement.
La « collaboration » des Etats-Unis
Les collaborations entre le Gouvernement étasunien et les pouvoirs juridiques en Amérique Latine ont amené à la judiciarisation de la politique.
Des affaires comme le Lava Jato et Odebrecht qui ont conduit à la destitution de la présidente Rousseff à cause de soupçons de corruption jamais confirmés se reproduisent à présent dans toute la région et semblent n'impliquer que des dirigeants de Gouvernements progressistes ou les impliquer particulièrement.
L'un des programmes de collaboration est le Projet Ponts 2009 qui consiste en un cours de « formation » du personnel de la justice à la lutte contre la corruption sous les auspices des Etats-Unis.
Le cours consiste en conseils et en entraînement à l'application de lois et en formations pratiques contre le terrorisme. A ce cours ont assisté des juges des 26 états du Brésil en plus de 50 policiers de tout le pays et même des participants venus du Mexique, du Costa Rica, du Panamá, d'Argentine, d'Uruguay et du Paraguay.
Le juge de l'affaire contre Lula da Silva, Sergio Moro est l'un des magistrats qui ont participé activement à ce cours et selon Calloni, maintenant, il est utilisé par les Etats-Unis pour avancer dans cette pratique au Brésil.
Pour Stella Calloni la lutte contre la corruption engagée dans la région, en particulier en Argentine, au Brésil et en Equateur est une stratégie politique pour empêcher que des dirigeants de gauche comme Lula da Silva, Cristina Fernández ou Rafael Correa reviennent au pouvoir.
Gouvernements non élus
Au Pérou, PPK démissionne et Vizcarra devient président.
Le président du Pérou, Martín Vizcarra gouverne depuis le 23 mars, suite à la démission du président élu Pedro Pablo Kuczynski (PPK) qui allait à nouveau être l'objet d'une demande de destitution à cause de ses liens présumés avec des affaires de corruption.
Après la démission et selon la Constitution, le premier vice-président a dû assumer la charge et Martín Vizcarra est devenu le nouveau chef de l'Etat.
Le Gouvernement de fait de Michel Temer
Au Brésil, Michel Temer est arrivé au pouvoir en août 2016 après le coup d'Etat parlementaire contre l'ex-présidente Dilma Rousseff qui avait été élue par plus de 50 millions de voix.
Dilma Rousseff a été destituée le 31 août 2016 par 61 voix pour et 20 contre, au Sénat.
Le procès politique contre Rousseff a été fondé sur de soi-disant illégalités fiscales utilisées pour maquiller les comptes publics. Cependant, ceux qui ont voté en faveur de sa destitution n'ont jamais discuté sur le crime présumé de la présidente et ont consacré leurs discours à condamner la corruption.
Une liste publiée en 2017 par le Tribunal Fédéral Suprême (STF) signale que sur les 61 sénateurs qui ont voté en faveur de la destitution de Rousseff, 27 ont été signalés par les tribunaux pour corruption dans l'affaire Odebrecht.
Elections frauduleuses
Le 26 novembre de 2017, ont eu lieu les élections générales au Honduras, un processus qui s'est caractérisé par la fraude. Des observateurs internationaux et des dirigeants de l'opposition hondurienne ont dénoncé une manipulation et une fraude aux élections.
Dans le premier décompte diffusé par le Tribunal Electoral Suprême (TSE), sur 57% des bureaux de vote, Salvador Nasralla gagnait avec 5 points d'écart. Après une panne du système, l'écart s'est réduit jusqu'à ce que le résultat se renverse en faveur de Juan Orlando Hernández.
Les Honduriens ont intensifié leurs protestations pour exiger un nouveau décompte des voix ou de nouvelles élections.
Malgré les protestations qui ont duré jusqu'en janvier 2018, le 27 janvier, Juan Orlando Hernández a été investi président.
Coups d'Etat doux
En 2009, le Honduras a été l'objet d'un coup d'Etat doux qui a conduit au renversement de l'ex-président Manuel Zelaya.
Roberto Micheletti est devenu président de fait. La destitution de Zelaya a été condamnée par la communauté internationale qui a exigé son rétablissement dans ses fonctions.
Le Paraguay a été l'objet d'un coup d'Etat parlementaire le 22 juin 2012. Le président élu Fernando Lugo s'est vu obligé d'abandonner la présidence du pays suite à un procès politique qualifié d'express et d’organisé par l'opposition.
Les élites politiques ont conduit une procédure viciée en l'accusant de « mauvais développement de ses fonctions « et l'ont accusé du massacre de Curuguaty, un argument qui a servi de base à l’actuel parti Colorado au Gouvernement pour obtenir a destitution de Lugo par un procès politique.
« Il y a eu un coup d'Etat parlementaire dans lequel les arguments pour un procès politique n'ont aucune valeur et ont été réfutés largement par les défenseurs, » a dénoncé Lugo en 2012.
Lugo a été séparé de sa charge à la demande de la Chambre des Députés (l'instance accusatrice). A la majorité (76 voix contre 1), la Chambre Basse a approuvé la sentence accusatrice pour le soumettre à un procès politique. Federico Franco, qui en était le vice-président, est devenu président de la République après le coup d'Etat parlementaire.
Les coup d'Etat doux en Amérique Latine ont reçu le soutien des Etats-Unis, une situation qui se répèterait en Equateur, en Bolivie et au Venezuela.
Actuellement, la région vit une réorganisation de la droite et des secteurs conservateurs alliés de Washington.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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