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Amérique Latine : Nouvelles équipes spéciales pour nouveau Plan Condor

25 Avril 2018, 17:14pm

Publié par Bolivar Infos

 

Par Guillermo Cieza,

On appelle Plan Condor la coordination de Gouvernements latino-américains organisée par les Etats-Unis pour faire face, dans les années 70, aux diverses expériences révolutionnaires qui se développaient sur le continent en partageant des rapports de renseignement et en organisant des actions conjointes pour déstabiliser des Gouvernements populaires et pour assassiner, faire disparaître et emprisonner les militants de gauche.

 

Au Plan Condor ont participé les Gouvernements d'Argentine, du Chili, de l'Uruguay, du Paraguay et de la Bolivie, en coordination avec les Etats-Unis et l'Agence Centrale de Renseignement (CIA). Ceux qui ont enquêté sur cette initiative considèrent comme son inspirateur le secrétaire d'Etat des Etats-Unis de l'époque, Henry Kissinger. L'Argentine commence à y participer sous le Gouvernement civil d' Isabel Martínez et continue sous la dictature instaurée en 1976.

 

Dans le Plan Condor, les services de renseignement et les forces militaires mandatées pour exterminer ceux qu'ils qualifiaient d'ennemis intérieurs avaient un importance particulière. Selon ce qu'on appelle les archives de la terreur, découvertes par l'avocat Martín Almada au Paraguay en 1992, le Plan Condor a fait 50 000 morts, environ 30 000 disparus et 400 000 prisonniers. A cela, on doit ajouter les tortures, le transfert de prisonniers dans d'autres pays et le suivi et la surveillance constantes de ceux qu'ils appelaient « subversifs. »

 

Le nouveau Plan Condor qui s'est mis en marche ces dernières années s'inscrit dans un autre contexte politique mondial. Tout d'abord, on doit prendre en compte l'existence d'une crise aigüe du capitalisme mondial dans laquelle les actifs financiers, l'argent papier ont perdu toute relation avec la production et les actifs physiques. La crise en cours, qui a débuté en 2008, ne peut s'achever qu'avec l'évaporation ou la liquéfaction du capital fictif, ce qui conduirait à une dispute féroce pour les biens naturels comme l'eau, la terre, les minerais et à une augmentation des politiques de pillage et de dépouillement des pays qui les possèdent. Sur la carte du pillage, des résistances populaires et de situation des bases militaires, la travail que fait depuis des années la chercheuse mexicaine Ana Ester Ceceña est très parlant. Deuxièmement, on doit tenir compte de l'aggravation du combat inter-capitaliste entre les puissances hégémoniques en déclin : les Etats-Unis, l'Union Européenne et le Japon et les nouvelles puissances émergentes (la Chine, la Russie, l'Inde, l'Iran). Dans cette bataille et face à l'éventualité d'une troisième guerre mondiale, le contrôle des combustibles et des aliments prend un caractère stratégique.

 

Ce qui est nouveau dans le Nouveau Plan Condor commence à se profiler vers l'intérieur des pays dominés par une sorte d'état d'exception qui en arrive au paradoxe apparent de forces politiques qui ont un mandat d'origine constitutionnelle et démocratique mais agissent comme des dictatures.

 

Dans le plan latino-américain, on prévient de l'apparition de nouvelles équipes spéciales qui commencent à jouer un rôle décisif dans l'apaisement non seulement des expériences révolutionnaires en cours mais de la rébellion ou de l’autodétermination des peuples, ou de toute tentative de rétablissement de la souveraineté politique face aux politiques de l'Empire.

 

Parmi ces nouvelles équipes spéciales, nous pouvons identifier tout d'abord celles qui agissent sur le terrain de l'information et de la propagande. Ce sont les monopoles de médias concentrés (journaux, radios et télévision) et les armées de communicants, de producteurs de Trolls qui opèrent sur les réseaux sociaux. Cette nouvelle équipe spéciale est capable de donner de fausses informations (comme l'existence d'armes chimiques en Irak ou leur emploi par le Gouvernement syrien dans la ville de Daza) de diaboliser, d'isoler et de justifier l'intervention militaire directe contre des Gouvernements et des mouvements considérés comme des ennemis et de générer, contre toute preuve, de nouvelles posvérités comme par exemple : « le changement climatique n'existe pas, il s'agit d'une campagne pour porter préjudice aux intérêts des Etats-Unis. »

 

L'autre nouvelle équipe spéciale agit dans le domaine de l'application de la justice où les lois anti-terroristes sont appliquées contre les travailleurs et pour criminaliser la protestation sociale en utilisant l'image de l'association illégale, des repentis et de l'élargissement des possibilités pour imposer la prison préventive. Bien que ce soit paradoxal, ces mêmes lois sont appliquées à des personnalités des Gouvernements qui les ont adoptées (c'est le cas de Lula et des dirigeants kirchnéristes) en pointant l'un de leurs points les plus faibles comme le financement illégal de la politique. (Au sujet des procédures utilisées pour collecter des fonds pour payer des campagnes électorales de plusieurs millions auxquelles Netflick a accès, je recommande de voir El Mecanismo). Ce qui est en jeu ici, ce n'est pas la bataille contre la corruption (que les Etats-Unis, Temer ou Macri puissent se préoccuper de la corruption semble une plaisanterie) mais le fait de châtier toute initiative, même à l'intérieur de projets capitalistes, qui envisage un certain niveau d'autonomie concernant les politiques de l'Empire.

 

Il semble nécessaire de préciser que tous les pays et les Gouvernements agressés par les politiques impérialistes de pillage et d'appropriation des ressources naturelles ne constituent pas des exemples d'une avancée de la civilisation et ne se transforment pas, à cause de leur condition de victimes, en projets révolutionnaires. La dénonciation des guerres impérialistes en cours, la diabolisation médiatique, le harcèlement judiciaire, les blocus économiques, les bombardements, les massacres portent atteinte à des principes de base comme l’autodétermination des peuples mais ne nous empêche pas de pouvoir qualifier les voies choisies en précisant, de plus, que les plus vulnérables sont ceux qui ont le moins parié sur la constitution d'un pouvoir populaire. Il suffit de regarder la carte de l'Amérique Latine, de ceux qui ont résisté et de ceux qui n'ont pas résisté pour que résonne l'avertissement de Chavez : « Il n'y a pas de Patrie sans socialisme. » Pour ceux qui ont des doutes, la référence au socialisme concerne l'orientation stratégique, les expériences et le pouvoir accumulé dans des processus de transition avec ses allers-retour. Il n'a pas dit que dans ces pays, la transition vers le socialisme était achevée.

 

L'offensive capitaliste de l'Empire contre les peuples et les travailleurs qui encourage le pillage des ressources naturelles et une augmentation de la surexploitation des forces de travail s'accompagne d'une profonde campagne idéologique et culturelle destinée à cacher sous le tapis les problèmes du pays (les luttes anti-impérialistes) et les luttes de classe et limite les éventuelles avancées de l’humanité vers les droits transversaux (qui dépassent les classes et les nations). A partir de la nouvelle culture politique que le néolibéralisme et la mondialisation ont promu, le slogan « La Patrie ou la mort » par lequel Ernesto Guevara a conclu son discours aux Nations Unies semble archaïque, peu radical. Cependant, des slogans comme celui-ci sont la dernière frontière qui explique la résistance des peuples soumis à des conditions de harcèlement et à la faim comme le peuple palestinien et le peuple vénézuélien (et le peuple cubain pendant la Période Spéciale). Comme l'a dit Mariategui, dans des pays comme les nôtres, le patriotisme est une question de classe et seule peuvent l'assumer ceux qui se sont dépouillés de leurs lunettes coloniales.

 

Comme avec le premier Plan Condor, ceux qui sont considérés comme des ennemis sont tous ceux qui ne sont pas métabolisables par la domination capitaliste mondiale dans son étape actuelle parce qu'ils sont devenus un obstacle à l'appropriation immédiate des ressources naturelles et à l'augmentation de la surexploitation de la main d'œuvre ou parce qu'ils représentent des projets de pouvoir qui remettent en question cette hégémonie. En bref, est un ennemi et un objectif à détruire ce qui empêche de rêver au nouvel ordre capitaliste mondial comme une menace immédiate ou stratégique. Il me semble correct de réserver le concept de radicalité à ces manifestations de résistance non métabolisables par le système et non à des expressions qui ne font qu'alarmer ceux d'en bas et provoquent des crises de rire de ceux qui commandent. En pensant à des révolutions que seul le peuple pourra faire, le mot radicalité est associé au dialogue, à l'écoute, à la relation horizontale, à la recherche permanente de la construction de ponts pour l’unité de ceux d'en bas. Jamais à la provocation, à blesser les sentiments du peuple, au sectarisme, à négliger les efforts pour nous libérer exprimés dans l'histoire nationale et dans l'histoire de notre continent.

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

Source en espagnol :

http://www.resumenlatinoamericano.org/2018/04/24/un-nuevo-plan-condor-con-nuevos-grupos-de-tareas/

URL de cet article : 

http://bolivarinfos.over-blog.com/ 2018/04/amerique-latine-nouvelles-equipes-speciales-pour-nouveau-plan-condor.html