Venezuela : Le 19 avril et l'indépendance du Venezuela
par Michel Mujica
Ambassadeur de la République Bolivarienne du Venezuela en République Française et dans les principautés d' Andorre et de Monaco, 20 avril 2018
Quand on parle de l'importance historique du Venezuela, il est inévitable de rappeler l’événement mémorable qui a été le début des mouvements indépendantistes dans le pays. Il s'agit du mouvement du 19 avril 1810 qui s'est déroulé à Caracas, un jeudi saint, et de ses conséquences historiques, politiques et sociales pour la Grande Patrie sud-américaine et caribéenne.
Ce jour-là, le peuple de Caracas s'est levé contre le Gouverneur du Venezuela Vicente Emparan qui représentait l'empire espagnol. Mais ce ne fut pas un long fleuve tranquille.
Les luttes émancipatrices n'avaient pas tout le monde avec elles. Rafael Urdaneta écrivait vers la fin de 1813 : « La victoire d'Araure avait vaincu et dispersé les masses ennemies et les chefs espagnols s'étaient retirés derrière leurs anciennes lignes d'opérations (…) mais les peuples qui s'étaient prononcés pour la cause du Roi faisaient plus ou moins d'efforts pour la soutenir et de toute part surgissaient des guérillas (…) Tout devait sortir du territoire dans lequel on agissait parce que l'Armée de Libération n'ayant pas d'autre source de ressources que la Province de Caracas, pouvait à peine satisfaire les besoins immédiats de Valencia et de Puerto Cabello et il fallait déjà que les peuples auxquels on tentait de donner la liberté et qui si obstinément dépeint ainsi ce qui concerne cette période : .
« La situation hostile aux patriotes dans tout le pays pourrait se mesurer ainsi : une ligne qui part de Puerto Cabello jusqu’au Guayana en passant par Calabozo; une autre ligne du Guyana à Cúcuta, embrassant les limites de la province de Barinas et une troisième partant de Cúcuta, passant par Maracaibo et Coro, pour arriver à Puerto Cabello, entouraient alors le terrain qui fut le théâtre des opérations des Espagnols et des patriotes. A l'intérieur était enfermée l'armée républicaine qui, dans toutes ses ramifications, ne dépassait pas 4 000 hommes soutenus par très peu de peuples qui faisaient des efforts pour la liberté et dans cette armée œuvraient aussi toutes les forces de Monteverde, toutes celles de Boves, toutes celles que pouvaient fournir le Guyana, tout l'Apure, armé par Yáñez et quand il a pu les mettre en action Maracaibo et Coro.
Ajouté à tout cela, la disposition générale de tous les peuples à œuvrer en faveur de la cause du Roi plus, sans doute, par méfiance envers le succès des patriotes parce que (…) on voyait leur faiblesse. »
Cependant, il est important de rappeler Santiago Mariño …
Les activités pour l'indépendance nationale se sont développées en 1813 dans 2 régions : l'ouest et le centre libérés par Bolívar, et l'est libéré par Santiago Mariño. Celui-ci s'était joint en 1810 aux troupes organisées pour soutenir les premières tentatives de Caracas, le 19 avril. Bien qu'il n'ait alors que 22 ans, qu'il ait fait son éducation militaire parmi les Anglais, étant d'origine irlandaise, il parvint à un poste de direction dans la région de Güiria. Son père avait possédé des plantations sur le littoral de Paria et en 1810, il a fait des démarches relatives à son héritage paternel. Avec beaucoup de Vénézuéliens, il a fui en 1812 à Trinidad. En compagnie des émigrés et d'Antillais qui résidaient là pour des raisons diverses, il a préparé une expédition pour envahir l'est. Parmi ses camarades de projets, il y avait Juan Bautista Bideau, mulâtre de nationalité française, patron et navigateur possédant des connaissances militaires qui déjà en 1812 avait soutenu Miranda.
Les actions de Bolívar perpétuant l'esprit du 19 avril et le renforcement des luttes souveraines...
Le 20 novembre 1813 se réunirent le Conseil d'Etat, la Haute Cour de Justice, le gouverneur de l'Arzobispado et l'Etat-major Général. Ils savaient que l'Espagne, comme aujourd'hui les Etats-Unis, avaient recouru aux puissances de la Sainte Alliance, actuellement des oligarchies latino-américaines, pour qu'elles servent d'intermédiaire pour faire une paix dans laquelle le système colonial serait conservé. Une Déclaration de la République du Venezuela fut mise au point, Bolívar la signa en tant que chef suprême de la République. Elle commençait ainsi :
« Considérant qu'alors que le Gouvernement espagnol demande la médiation des hautes puissances pour rétablir son autorité, à titre de réconciliation avec les peuples libres et indépendants d'Amérique, il convient de déclarer à la face du monde les sentiments et la décision du Venezuela. Sur la base de 10 considérations, il a été déclaré « que la République du Venezuela, par décret divin et humain, est émancipée de la nation espagnole et s'est constituée en Etat indépendant, libre et souverain. » Suivaient 6 autres points et le septième disait : Enfin, la République du Venezuela déclare que depuis le 19 avril 1810, elle combat pour ses droits, qu'elle a versé la plupart du sang de ses fils, qu'elle a sacrifié tous ses biens, tous ses plaisirs et que parce que retrouver leurs droits souverains et les conserver sains et saufs comme la divine providence les leur a concédés est une chose chère aux hommes et sacrée, le peuple du Venezuela est résolu à s'enterrer tout entier sous ses ruines si l'Espagne, l'Europe et le monde s'emploient à le faire courber sous le joug espagnol. »
La Guerre d'Indépendance passe par la lutte sociale et l'unité de commandement...
Seuls Miranda, Bolívar et Muñoz Tébar, parmi les plus illustres, étaient en désaccord avec le critère fédéraliste de 1811. Cela signifiait que Bolívar était écarté temporairement des activités politiques jusqu'en 1812 où il fut appelé par Miranda. Si Bolívar avait été formé aux critères de sa classe, comment peut-on expliquer que beaucoup de mantouans aient répondu, comme c'était naturel, aux structures du fédéralisme ? « Il s'agissait d'organiser des Gouvernements républicains. C'est ce qu'ils ont fait mais sur un ciment d'esclavagisme et de féodalité. Pour l'organisation gouvernementale, parmi les 2 tendances – centraliste ou fédérale selon les expériences française ou nord-américaine – ils se sont inclinés vers la seconde bien que du point de vue pratique, les circonstances non seulement conseillaient mais imposaient un centralisme ferme et la plus forte autorité dans un Gouvernement qui devait se faire dans une problématique interne et externe difficile.
Le choix fédéraliste n'a pas été seulement une question d'imitation du romantisme politique et de convictions théoriques enracinées. Il a été surtout le produit de choses imposées par la réalité sociale qui s'opposaient ouvertement à l'unité nationale (…) Parmi nous, fédéralistes, il n'y a pas eu d'union mais une tendance à la désintégration féodale... dans les différences profondes concernant la production, la propriété et la domination dans lesquelles nous avions appris à voir le monde économique et social. Et pas Bolívar ? Cela a été profondément le produit de sa classe mais du secteur le plus avancé politiquement et, en plus, il a étudié depuis sa jeunesse des œuvres politiques et il a analysé en les comparant les régimes des différents Etats du passé et de son époque. Il a rapidement compris, comme Miranda, comme Muñoz Tébar et comme beaucoup d'autres ensuite, qu'un régime fédéral, parce qu'il y avait dispersion, des difficultés pour l'action, des obstacles à une solidarité rapide, ne serait pas le plus efficace pour obtenir l'indépendance.
La guerre d'indépendance devient lutte sociale
« Les mantouans craignaient que l'idéologie démocratique révolutionnaire, en particulier celle qui s'inspirait des traditions jacobines, se fixent dans la conscience de la masse des mulâtres, des métis et des esclaves noirs qui avaient manifesté tant d'esprit de lutte turbulent et qui, depuis 1795, demandaient l'application de la loi française. »
C'est l'héritage et les leçons des luttes postérieures au 19 avril 1810 et c'est dans la participation à ces luttes pour l'indépendance des démunis, des parias de la patrie que s'est scellé le sort de notre indépendance politique au XIX° siècle.
Aujourd'hui, pour notre Révolution Bolivarienne face aux sièges médiatique et financier internationaux mis en place avec la complicité des nouvelles et des vieilles oligarchies acheteuses latino-américaines et des apatrides de toujours, ce qui se joue, c'est la lutte pour notre souveraineté populaire, participative et inclusive... Ils ne passeront pas !
Michel Mujica Ricardo, Ambassadeur de la République Bolivarienne du Venezuela en République Française et dans les principautés d'Andorra et de Monaco
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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