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Argentine : Rien que le FMI puisse résoudre

10 Juin 2018, 15:56pm

Publié par Bolivar Infos

 

Fabiana Arencibia

Les négociations avec le FMI continuent à avancer. Cet accord amènera à renforcer la politique économique destinée à privilégier la protection des affaires financières et spéculatives. La solution que propose le Gouvernement est l'ajustement fiscal mais la seule question de fond est le changement de la structure de production. Tout le reste recyclera la crise dans laquelle l'Argentine est plongée tous les 10 ans.

 

Le Gouvernement fait ce qu'il doit pour atteindre les objectifs d'inflation, les objectifs fiscaux, monétaires et le type de change qui vont être inclus dans le Projet de Budget 2019 qui doit être présenté en septembre au Congrès.

 

Le FMI a dit qu'il accepterait un déficit primaire de 2,5% pour cette année mais avec la promesse de le réduire à 1% en 2019. Cette exigence ne concerne pas la baisse du déficit fiscal “total” parce que celui-ci comprend les intérêts de la dette et l'organisme doit garantir qu'ils soient payés.

 

Le Fonds se préoccupe aussi des « distorsions » qu'il y a dans les chiffres de l'inflation quand le Gouvernent parle d'un objectif de 15% par an et qu'en 4 mois, on arrive presque à 10%. En plus, le FMI exige que l'inflation ne dépasse pas 10% en 2019.

 

Le Gouvernement parie sur la signature du Memorandum d'Entente avant le début du Mondial de Football. Dans celui-ci, les objectifs trimestriels que l'Argentine va s'engager à respecter dans cet accord stand by de 3 ans (jusqu'en 2020) vont être précisés et grâce à lui, il sera possible d'obtenir jusqu'à 30 000 millions en plusieurs fois. 

 

Ce qu'il faut dire, c'est que nous allons au FMI alors que nous sommes au bord du défaut de paiement à cause de situations convergentes.

 

L'une d'elles est la hausse du taux d'intérêt des Etats-Unis avec le risque que les capitaux dans notre pays, qui viennent de la spéculation et qui sont la grande majorité, sortent du système financier national pour être investis dans un pays où ils sont soumis à un taux plus bas.

 

Il y avait aussi des raisons internes. L'une d'elles a été la non liquidation des devises par les exportateurs. Ce secteur a été favorisé grâce au décret 893/2017 par lequel on a éliminé l'obligation de liquider sur le marché du change les devises qui sont entrées dans le pays grâce aux exportations de biens, de services et de matières premières. En plus, le 28 avril, les LEBAC, ces obligations qui, si elles ne sont pas renouvelées par leurs détenteurs, libèreraient pour eux des pesos investis qui iraient certainement acheter des dollars en poussant son prix vers une hausse incontrôlée, sont arrivées à échéance.

 

Les LEBAC représentent pour leurs détenteurs un engagement de l'Etat à rendre l'argent qu'il demande, prêté à travers l'achat de ces titres plus leurs forts intérêts, à l'échéance . Ou bien, c'est une dette.

 

Nous rappelons que le fait d'opérer sur de forts volumes (au-delà des investissements locaux) a fait que ceux qui les ont achetés ont converti les dollars en pesos pour les acheter et ensuite ont touché de gros intérêts qu'ils pouvaient, à échéance, investir à nouveau dans l'achat de dollars et les emporter.

 

Cela a été très rentable parce que le fort taux d'intérêt payé dépassait un dollar plus ou moins stable à ce moment-là. C'est pourquoi, pour inciter à renouveler les LEBAC au milieu d'une crise du change, le Gouvernement a offert un taux de 40%, très au-dessus de la dévaluation du dollar qui est passé de presque 19 fin 2017 à 25, une dévaluation de presque 32% au moment de la crise.

 

C'est ainsi que nous avons atterri au FMI. C'est la troisième fois que cela nous arrive. La première fois, c'était sous la dernière dictature, l'autre dans les années 90, la dernière, c'est maintenant.

 

Ce que vient faire le FMI maintenant, ce n'est pas apporter de l'oxygène pour changer quelque chose mais renforcer une politique d'ajustement fiscal que le Gouvernement de Macri développe déjà. Et du point de vue économique, ce que le FMI apporte pour équilibrer le « déficit fiscal », c'est plus de récession parce que ce dont a besoin celui qui prête de l'argent, quelqu'il soit, c'est qu'on puisse le lui rendre. Et pour cela, il faut dépenser moins, il faut épargner des dollars pour payer le prêt.

 

Ce n'est pas seulement le Gouvernement argentin qui a besoin de cet accord. Le FMI aussi parce que sa directrice Christine Lagarde doit achever son mandat cette année et a donné l'ordre politique – dans les cadres légaux de l'organisme – de montrer le plus de complaisance possible envers cet accord. Régler l'affaire de l'Argentine aiderait à entamer une nouvelle étape du FMI avec les pays auxquels il a porté préjudice à cause de ses politiques dans les années 90. Ce serait comme un espoir de montrer que le Fonds est revenu aider des pays en crise macro-économiques qui ne sont pas l'apanage de l'Argentine seule.

 

Cet accord amènerait à renforcer la politique économique destinée à privilégier la protection des affaires financières spéculatives parce que les secteurs qui continuent à gagner sont ceux qui apportent de l'argent pour spéculer et aussi, comme sous le kirchnérisme, la banque financière. A cela s'ajoutent ceux qui sont liés au pillage des biens communs, en particulier au commerce des hydrocarbures.

 

Les 53 entreprises cotées en bourse ont eu une croissance supérieure à celle de l'économie et de l'inflation en chiffres d’affaires et en bénéfices. Et 8 d'entre elles profitent des énormes tarifs de l'électricité, du gaz et les pétrolières.

 

Le « tournant économique » est assis sur ces 2 activités : l'activité financière et l'exploitation des biens communs.

 

Au-delà de leur dépendance envers la cote du dollar, ce qu'il faut analyser, c'est ce qui se passe avec notre économie.

 

Quand on envisage la discussion en termes monétaires (cote du dollar, émission de monnaie, déficit fiscal etc...), ce qu'il faut dire, c'est que le problème de l'Argentine n'est pas un problème économique mais politique. Et il a à voir avec une structure de la production difforme basée essentiellement sur la production primaire (soja, hydrocarbures, mines) aux mains de quelques entreprises concentrées et « tournée vers l'étranger. »

 

En ce qui concerne l'activité industrielle, elle est « dépendante du dollar » parce que la plupart de ses fournitures sont importées. Même l'industrie qui, sous le kirchnérisme, a été l'un des fers de lance de l'industrie, l’industrie automobile, assemble à la base des éléments importés.

 

« Sur 10 dollars dont on a besoin pour produire, on n'en génère que 6. Les 4 autres sont obtenus en faisant des dettes ou grâce à l'entrée de capitaux spéculatifs. Ce Gouvernement a généré environ 90 000 millions de dollars de nouvelle dette publique en 2 ans et a demandé l'autorisation de s'endetter d'encore environ 46 500 millions cette année, » a commenté l'économiste Claudio Lozano.

 

C'est à dire que c'est une structure de production qui d'un côté est primaire et de l'autre est soutenue par des industries dépendantes des importations et par conséquent du dollar.

 

A la forte dépendance envers le dollar s'ajoutent ceux qui quittent le pays à cause d'une balance touristique déficitaire mais surtout la fuite de capitaux obscène (ceux qui s'en vont à l'étranger et ceux qui sortent du circuit bancaire et financier). Ce phénomène n'est pas nouveau. Pendant le kirchnérisme, presque 125 000 millions de dollars ont fui. Une économie ainsi déformée ne tient pas mais la dépendance qu'elle a envers le dollar change.

 

Aux dires de Lozano, « le problème (en Argentine), ce n'est pas les pauvres ni l'Etat mais les riches et leur façon d'accumuler. » Si nous pensons qu'il y a presque 400 000 millions de dollars hors du pays sur lesquels seuls 140 000 ont été blanchis (la plupart ne sont pas rentrés dans le pays) et qu'en plus, ils ne paient pas d'impôts, là, nous avons un point important de décision politique en tant que coup de pied initial pou résoudre le problème des ressources. 

 

L'issue que propose le Gouvernement est un ajustement fiscal, c'est à dire que l'Etat réduise ses dépenses pour réduire le déficit. Et si ça ne marche pas, alors, émettre de l'argent et ou s'endetter. Ce qu'il ne dit pas, c'est que les intérêts de la dette sont en grande partie responsables du déficit qu'on cherche à réduire. Evidemment, sans toucher le paiement de la dette ou son refinancement, en faisant plus de dette pour payer la dette.

 

Et on n'imagine pas non plus qu'on ne devrait pas chercher une voie seulement dans les dépenses mais dans les vraies rentrées auxquelles peut recourir l'Etat : les impôts. Mais pas ceux qui grèvent la consommation comme la TVA mais ceux qui touchent les grandes richesses. Si les 114 000 personnes qui ont un patrimoine supérieur à 15 millions de dollars payaient l'Impôt sur la Patrimoine qui existait avant la réforme fiscale, avec cet argent, on pourrait en finir avec les foyers pauvres sans émettre de monnaie et sans s'endetter.

 

Si en plus, on distribuait la richesse que produit l'Argentine en 1 an aux 44 millions d'habitants, chacun recevrait une rente mensuelle de 1 000 dollars soit 25 000 dollars. Les revenus d'un foyer type tourneraient autour de 100 000 dollars par mois alors qu'aujourd'hui, la moitié des foyers a à peine 13 000 dollars en moyenne et 7 enfants sur 10 sont pauvres.

 

A court terme, plus d'impôts sur les grandes fortunes, la distribution de la richesse aux secteurs à bas revenus et aux secteurs de la production et non de la spéculation. Ce sont des mesures qu'il est possible de prendre et qui ne demandent qu'une décision politique. A long terme, des changements dans la structure de production.

 

Aucune de ces 2 choses ne seront possibles avec un Gouvernement dans lequel 7 fonctionnaires sur 10 ont des liens avec les banques et les entreprises étrangères pour les avoir représentées ou les représenter actuellement. On ne sortira pas de la crise si la seule variable prise en considération est la diminution du déficit fiscal en recourant à l'endettement et l'ouverture commerciale et financière. On n'en sortira pas non plus si on cherche un changement dans un projet qui n'envisage pas d'en finir avec la concentration et la propriété étrangère d'une économie qui en plus, reste soutenue par le soja, les affaires financières et l'assemblage automobile.

 

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

 

Source en espagnol :

http://www.resumenlatinoamericano.org/2018/06/01/argentina-nada-que-el-fmi-pueda-solucionar/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/ 2018/06/argentine-rien-que-le-fmi-puisse-resoudre.html