Nicaragua: La diabolisation d'Ortega
Par Juan Félix Montero
La première chose, quand on cherche à renverser un Gouvernement ou à l'assassiner, c'est de le diaboliser. A la fin, quand l'objectif sera atteint, on aura les applaudissements du public. Après le 11 septembre, les FARC ont été qualifiées de terroristes, trafiquants de drogues, violeurs et on leur a appliqué beaucoup d'autres qualificatifs et épithètes après le Plan Colombie. La diabolisation a été telle que même les communistes n'osaient plus dire quoi que ce soit en faveur de ce mouvement de guérilléros bien qu'il se soit toujours dit communiste.
Quand on a commencé il y a environ 8 ans à plaider pour la Paix en Colombie sur le défunt forum de la nación.com, ceux d'extrême-droite avec qui j'ai dû débattre ont commencé à m'appliquer le sobriquet « d'apologiste des FARC » pour me discréditer. A la fin, il a été démontré que ce mouvement guérilléro avait un ordre du jour politique de revendications légitimes pour le peuple colombien qui a été négocié lors d'un processus de paix.
Des gouvernants comme Sadam Hussein et Kadhafi ont eu droit au même traitement alors que nous savons tous que derrière leur renversement ou leur assassinat se cachaient des objectifs géopolitiques et des intérêts commerciaux et pour les matières premières. A la fin, la canaille a applaudi les invasions.
Maintenant, je me retrouve devant le même dilemme : dire quelque chose en faveur de Daniel Ortega, c'est comme adresser une prière au diable. C'est que ce processus de diabolisation a débuté il y a des années et maintenant, le moment est venu. Personne ne se décide à mettre les mains au feu pour Daniel Ortega et évidemment, je ne vais pas le faire. A nouveau, n'importe quoi qui soit dit en sa faveur sera qualifié « d'apologie de Daniel Ortega. »
Maintenant, selon ce qu'on claironne, Daniel Ortega a abandonné les postulats du sandinisme pour les privatisations qui se sont faites au Nicaragua mais personne ne rappelle ou ne veut rappeler qu'elles ont été faites sous les Gouvernements de Violeta Chamorro, Arnoldo Alemán et Enrique Bolaños Bolaños.
Il y a quelques mois, j'étais de passage à Granada, Nicaragua, et le même guide touristique qui nous a fait connaître la ville dans une voiture tirée par un cheval nous a montré la maison des Chamorro et sa fabrique de savon et enfin ce qui reste du chemin de fer qui était la fierté des Nicaraguayens. Violeta Chamorro a vendu même les rails. Ce qu'on peut reprocher à Daniel Ortega c'est de ne pas avoir eu la capacité de rendre au peuple du Nicaragua tout ce qui avait été livré et qui était propriété du peuple.
On peut aussi aller sur l'île d' Ometepe qui était presque en totalité la propriété de Somoza et dont profitent actuellement beaucoup de petits paysans grâce à la réforme agraire. Obtenir la paix au Nicaragua a été un processus difficile qui a impliqué d'importantes concessions à la contre-révolution dirigée et financée par les Etats-Unis.
Les conflits provoqués par des problèmes frontaliers entre le Costa Rica et le Nicaragua ont été utilisés politiquement pour que tout Costaricien qui aurait la témérité de dire quelque chose en faveur d'Ortega soit implacablement accusé d'être un traître à la Patrie. Ils ont détérioré l'ambiance au Costa Rica pour toute initiative progressiste en faveur de l'unité latino-américaine et caribéenne.
Cela ne permet pas à beaucoup de gens de gauche de voir plus loin que leurs oeillères. Ils ont perdu toute capacité à voir la forêt et ne voient plus que l'arbre. Il n'est pas sûr que ce qui se passe au Nicaragua soit indépendant de ce qui se passe au Venezuela.
Nous savons tous que le seul mobile du coup d'Etat contre le président hondurien Manuel Zelaya était de sortir ce pays de l'ALBA et de l'éloigner de la « pernicieuse » influence de Cuba et du Venezuela. Nous savons tous également que ce qu'on a appelé la « Restauration conservatrice » est un seul processus qui englobe toute l' Amérique Latine et les Caraïbes et que ce sont les États-Unis d’Amérique du Nord qui tiennent la baguette.
Ce processus comprend le déplacement ou le renversement par divers moyens des Gouvernements qu'on appelle socialistes, latino-américanistes ou simplement progressistes ou qui sont sortis du sac. Cette conspiration comprend la disparition de toute et de chacune des instances d'unité latino-américaine qui ont été créées comme l'UNASUR, la CELAC, PETROCARIBE ou leur dénaturation comme on est en train de le faire avec le MERCOSUR et même la disparition de la déclaration qui a fait de l'Amérique Latine et des Caraïbe une zone de Paix.
Je défie ceux qui pensent que ces nouveaux guarimberos nicaraguayens qui se consacrent à brûler des autobus, bloquer des rues, renverser des monuments et assassiner des gens sont ceux qui vont rétablir au Nicaragua les « idéaux du Sandinisme.» Les objectifs qu'ils essaient d'atteindre aujourd'hui pour renverser le Gouvernement du Nicaragua sont clairement définis dans le projet du Congrès nord-américain intitulé Nica-Act bien qu'il utilise évidemment ce langage subliminal qui cache les véritables objectifs : se débarrasser du Gouvernement du FSLN. Je vous recommande de l'étudier.
La première chose que j'aimerais, c'est qu'ils m'expliquent quels sont les idéaux du Sandinisme qu'ils vont rétablir, je crois que ce sont eux qui le savent le moins.
Note 1 : « Le Nica Act est une mesure destinée à obliger le Gouvernement de Daniel Ortega à organiser des élections libres, justes et transparentes, à respecter les droits de l'homme et à rétablir le respect des institutions dans le pays mais il le fait. La proposition de loi établit que les prêts que demande le Nicaragua aux organismes financiers internationaux dans lesquels les Etats-Unis ont une influence ne seront pas accordés.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Source en espagnol :
http://www.resumenlatinoamericano.org/2018/06/09/nicaragua-la-demonizacion-de-ortega/
URL de cet article :
http://bolivarinfos.over-blog.com/ 2018/06/nicaragua-la-diabolisation-d-ortega.html